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Dossier: Archives françaises, un pas vers la clarification des frontières libano-syriennes

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Une coopération diplomatique stratégique entre Paris et Beyrouth

Le 8 mai 2025, une avancée diplomatique notable s’est produite entre le Liban et la France. Le ministre libanais des Affaires étrangères et des Émigrés, Youssef Rajji, a accueilli à Beyrouth l’ambassadeur de France, Hervé Magro, venu lui remettre officiellement une copie d’archives françaises relatives à la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie. Cette transmission de documents historiques s’inscrit dans la continuité de la promesse formulée par le président Emmanuel Macron au président de la République libanaise, Joseph Aoun, lors de leur rencontre officielle à Paris en mars 2025.

Ce geste diplomatique s’avère à la fois symbolique et pragmatique : il vise à soutenir le Liban dans son processus de clarification de ses frontières orientales avec la Syrie, un dossier resté sans règlement définitif depuis l’indépendance des deux pays. En pleine recomposition régionale, cette remise d’archives revêt donc une dimension stratégique importante pour la stabilité du Liban et la sécurité de ses frontières terrestres.

Un legs d’archives historiques au service de la souveraineté libanaise

Les archives remises comprennent des cartes topographiques d’époque, des relevés de terrain, des rapports administratifs du mandat français, ainsi que des documents de délimitation datant des années 1920 à 1950. Ces documents, issus principalement des fonds du ministère français des Armées et des Archives diplomatiques de La Courneuve, permettent de retracer les lignes administratives et géographiques définies sous l’autorité du mandat français de la Société des Nations.

Parmi les éléments clés figurent :

  • Des cartes topographiques à l’échelle 1:50 000 couvrant la totalité de la frontière terrestre, du Akkar au Hermel, jusqu’au sud de la Békaa ;
  • Les procès-verbaux des commissions mixtes de terrain des années 1934 et 1941 ;
  • Une série de notes confidentielles échangées entre le haut-commissariat français à Beyrouth et le gouvernement syrien de l’époque ;
  • Un rapport daté de 1951 portant sur la démarcation de zones sensibles, notamment celles du Qalamoun et du Wadi Khaled.

Ces éléments peuvent servir de base technique, historique et juridique dans les démarches futures du Liban visant à stabiliser et faire reconnaître ses frontières selon les standards du droit international.

La frontière libano-syrienne : un flou hérité du mandat

Le tracé actuel des frontières entre le Liban et la Syrie reste ambigu sur plusieurs segments. Contrairement à la frontière méridionale du Liban avec Israël, qui fait l’objet d’une surveillance continue par la FINUL et de médiations américaines régulières, la frontière orientale demeure largement non délimitée formellement.

Cette situation s’explique par l’absence de délimitation bilatérale officielle après l’indépendance des deux États. Bien que des bornages aient été entrepris durant le mandat, notamment sous l’autorité du haut-commissariat français, aucune reconnaissance formelle n’a été validée entre les deux pays depuis les années 1940. Résultat : des zones entières, en particulier dans les régions de la Békaa et du Hermel, sont aujourd’hui marquées par l’instabilité, les trafics illicites et l’infiltration de groupes armés.

Un contexte régional tendu qui accentue l’urgence

Depuis le début du conflit syrien en 2011, la porosité de la frontière est devenue une source majeure d’insécurité pour le Liban. Les autorités militaires libanaises ont dû faire face à des incursions répétées, des trafics d’armes, ainsi qu’à la présence de groupes jihadistes dans les zones frontalières non contrôlées. L’armée libanaise, appuyée par des programmes d’assistance étrangers, a engagé plusieurs opérations de sécurisation dans les régions d’Arsal et de Ras Baalbek, mais le problème structurel de la délimitation reste entier.

De plus, la présence de groupes armés affiliés à des forces étrangères, notamment dans la zone de Qousseir en Syrie, accentue la pression sur le flanc oriental libanais. Une démarcation claire pourrait permettre de renforcer la présence légale de l’État libanais dans ces zones contestées, et de réclamer un appui international plus précis dans leur surveillance.

Un engagement français réaffirmé dans la crise libanaise

L’initiative française de remise d’archives n’est pas un geste isolé. Depuis la crise multidimensionnelle qui a éclaté au Liban en 2019, Paris joue un rôle actif dans les efforts de stabilisation du pays. Le président Macron a multiplié les prises de position et les rencontres diplomatiques pour tenter de relancer les réformes nécessaires et de soutenir les institutions libanaises.

Avec cette remise d’archives, la France fournit non seulement un appui historique, mais aussi un outil concret qui pourrait permettre au Liban de structurer une revendication territoriale argumentée et appuyée sur des documents d’origine. Cela pourrait également encourager la mise en place d’une commission de délimitation bilatérale avec Damas, sous l’égide d’acteurs internationaux.

Quelle suite pour le Liban ?

Sur le plan intérieur, la réception de ces archives pourrait motiver le Parlement libanais à exiger la création d’une instance technique spécialisée dans la délimitation, rassemblant juristes, géographes et diplomates. Des discussions sont déjà en cours entre le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères pour structurer une base de données numérique des documents reçus, avec l’assistance de l’Institut géographique libanais.

Par ailleurs, les institutions juridiques pourraient être mobilisées pour étudier les possibilités de recours internationaux en cas de litige frontalier, notamment auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) si les voies diplomatiques venaient à échouer.

Une réception contrastée mais globalement positive

Si l’initiative française a été saluée par la majorité des responsables politiques libanais, certains partis soulignent la nécessité d’agir avec prudence. Des voix s’élèvent en effet pour rappeler que toute démarche bilatérale avec la Syrie devra tenir compte du contexte régional, et éviter de précipiter un affrontement juridique ou diplomatique avec Damas.

Néanmoins, la plupart des observateurs considèrent cette étape comme un progrès important. En dotant le Liban d’une base documentaire crédible et détaillée, la France lui offre un levier de négociation rare dans un dossier aussi complexe.

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Newsdesk Libnanews
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