Une relation asymétrique mais stratégique
Le Liban a exporté pour 1,01 milliard de dollars de marchandises vers les Émirats arabes unis en 2023, selon les données officielles du ministère de l’Économie libanais. Ce chiffre représente près de 20 % de l’ensemble des exportations libanaises, confirmant les Émirats comme le premier débouché commercial du pays. À l’inverse, les importations libanaises en provenance des EAU restent marginales, révélant un déficit d’échanges déséquilibré, mais avantageux à court terme pour la balance commerciale libanaise.
Des exportations concentrées sur des produits à haute valeur
Trois catégories dominent les exportations vers les Émirats :
- Pierres précieuses, bijoux et métaux précieux (43 %) : une rente commerciale qui dépend en grande partie du rôle des Émirats comme plateforme de réexportation vers l’Asie et l’Afrique.
- Métaux de base et ferrailles (16 %), souvent issues du recyclage local ou du transit régional.
- Produits agroalimentaires et manufacturés (11 %), notamment fruits, vins, cosmétiques et produits artisanaux.
Ce profil montre une dépendance du Liban à des flux à forte valeur mais également à haute volatilité, soumis aux politiques douanières, aux prix internationaux et aux normes d’importation.
Les Émirats, hub régional et partenaire de transit
Avec un commerce extérieur total dépassant les 1 424 milliards de dollars en 2024, les Émirats se positionnent comme une plaque tournante du commerce régional. Près de 61 % des exportations non pétrolières émiraties sont en réalité des réexportations. Le port de Jebel Ali, les zones franches de Dubaï et les plateformes logistiques ultramodernes permettent aux EAU de redistribuer une grande partie des marchandises libanaises vers des marchés secondaires en Afrique de l’Est, en Asie du Sud ou en Iran.
Une croissance dynamique mais vulnérable
Entre 2018 et 2023, les exportations libanaises vers les Émirats ont enregistré une croissance annuelle moyenne de +17,7 %. Cette dynamique s’explique autant par la recherche de devises fraîches (fresh dollars) par les exportateurs libanais que par la solidité logistique et financière de Dubaï et Abu Dhabi. Mais elle masque une vulnérabilité stratégique : la concentration des exportations vers un seul partenaire rend le Liban fortement dépendant des décisions économiques, fiscales ou diplomatiques émiraties.
L’absence d’accords structurants
Contrairement à d’autres pays du Golfe, les Émirats n’ont pas conclu d’accords de libre-échange ou de protection des investissements avec le Liban. Aucun cadre bilatéral structuré ne régit ces relations commerciales, qui reposent davantage sur les réseaux d’affaires privés et les échanges de gré à gré. Cette informalité expose les flux commerciaux aux risques politiques ou réglementaires, sans mécanisme d’arbitrage ni protection contre les discriminations tarifaires.
Le rôle de la diaspora libanaise
La diaspora libanaise aux Émirats (estimée entre 80 000 et 120 000 personnes) joue un rôle fondamental dans ces relations : elle facilite les canaux commerciaux, soutient la consommation de produits libanais à l’intérieur des EAU et assure un flux régulier de transferts de fonds, estimés à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Toutefois, cette diaspora est elle-même fragilisée par des politiques de plus en plus restrictives sur le plan migratoire et économique dans les pays du Golfe.