Le Liban essaye de recoller les morceaux avec les pays du Golfe, après des années de tensions diplomatiques et économiques. L’objectif est clair : convaincre ces puissances régionales d’investir à nouveau dans un pays en pleine crise économique. Mais entre corruption endémique, instabilité politique et mauvaise réputation financière, le défi est de taille.
Une relation abîmée, mais essentielle
Les liens entre le Liban et les pays du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, se sont gravement détériorés au fil des ans. Ces tensions trouvent leurs racines dans plusieurs facteurs :
- L’ombre du Hezbollah : Les pays du Golfe reprochent à ce parti, soutenu par l’Iran, de miner la stabilité régionale et de contrôler une grande partie de la politique libanaise.
- Des incidents mal gérés : En 2021, les propos d’un ministre libanais critiquant l’Arabie saoudite avaient mis le feu aux poudres. Résultat : une brouille diplomatique de plusieurs mois.
- Le trafic de drogue : Les autorités saoudiennes accusent régulièrement le Liban de servir de plaque tournante pour la contrebande de stupéfiants vers la région.
Ces différends n’ont pas seulement isolé le Liban politiquement. Ils ont aussi vidé les tiroirs des investisseurs du Golfe, qui, jadis, finançaient généreusement des projets dans le pays.
Une économie en chute libre
Le Liban traverse une récession économique sans précédent. Depuis 2019, la monnaie nationale a perdu plus de 90 % de sa valeur, plongeant la majorité des citoyens dans la pauvreté. Le système bancaire est paralysé, les épargnants ne peuvent plus retirer leurs économies, et les infrastructures de base, comme l’électricité, fonctionnent à peine.
La crise a également conduit à une vague de retraits d’entreprises arabes, notamment du Golfe, qui étaient historiquement des acteurs majeurs de l’économie libanaise. Des groupes comme Saudi Oger ou encore des investisseurs privés dans l’immobilier et le commerce ont réduit ou cessé leurs activités, aggravant le déclin des investissements étrangers.
Une chute vertigineuse des investissements
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2018, les investissements directs étrangers (FDI) au Liban atteignaient encore 2,6 milliards de dollars. Cinq ans plus tard, ils peinent à dépasser les 400 millions. Pourquoi une telle dégringolade ?
- La corruption qui gangrène tout : Les administrations libanaises traînent une réputation désastreuse. Procédures opaques, favoritisme, commissions… Les investisseurs étrangers préfèrent désormais fuir.
- La crise économique : Avec une livre libanaise qui ne vaut presque plus rien et des institutions paralysées, le pays n’a plus les moyens de séduire.
- Le spectre de la GAFI : Le Liban est sur la liste grise du Groupe d’action financière, qui surveille les pays laxistes sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. S’il ne redresse pas rapidement la barre, il pourrait basculer sur la liste noire, ce qui tuerait presque toute chance de redresser son économie.
Les tentatives pour recoller les morceaux
Malgré tout, les dirigeants libanais essayent de sauver les meubles. Ces derniers mois, on a vu des efforts diplomatiques et économiques, même si leurs résultats restent limités :
- Reprendre le dialogue : Des responsables libanais se sont rendus à Riyad et Abou Dhabi pour tenter de réparer les relations. On promet beaucoup, mais les retours concrets tardent.
- Relancer certains projets : Les discussions tournent autour de projets dans l’énergie, les infrastructures et le tourisme, secteurs où les pays du Golfe ont encore un intérêt.
- Modérer les discours : Pour ne pas envenimer la situation, certains responsables essayent d’adopter un ton plus neutre vis-à-vis des rivalités entre Iran et pays du Golfe. Mais ces efforts sont fragiles et souvent contrecarrés par d’autres factions politiques.
Les obstacles restent immenses
Les pays du Golfe, jadis alliés clés du Liban, ne sont pas prêts à plonger à nouveau sans garanties solides. Voici ce qu’ils exigent :
- Moins de pouvoir pour le Hezbollah : C’est leur principale condition. Tant que ce parti garde un rôle dominant, les investisseurs du Golfe hésiteront.
- Des réformes concrètes : Ils veulent des preuves que le Liban peut se réformer, notamment en luttant contre la corruption et en adoptant des lois plus transparentes.
- Un retour dans les normes internationales : La GAFI est un problème de taille. Si le Liban tombe sur la liste noire, il risque d’être complètement isolé financièrement. Les banques des pays du Golfe, en particulier, ne pourront plus coopérer avec leurs homologues libanaises.
Peut-on espérer un changement ?
Le Liban est à la croisée des chemins. Ce rapprochement avec les pays du Golfe pourrait marquer le début d’une reprise économique, mais seulement si le pays montre qu’il est capable de changer. Pour cela, il faudra plus que des promesses : des réformes réelles, un assainissement des institutions et une volonté politique forte. Sans cela, le fossé avec le Golfe continuera de se creuser.