Lors de la séance inaugurale du sommet arabe extraordinaire tenu au Caire ce 4 mars 2025, le président libanais Joseph Aoun a prononcé une allocution remarquée sur la question palestinienne. « Nous ne renoncerons pas à notre terre, nous n’abandonnerons pas nos prisonniers, et il n’y aura ni paix sans la libération du dernier pouce de notre sol, ni paix sans l’établissement d’un État palestinien », a-t-il déclaré. Face aux leaders arabes réunis pour discuter des développements critiques en Palestine, Aoun a livré une vision forgée par les épreuves du Liban, tout en réaffirmant un soutien indéfectible à la cause palestinienne, dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes.
Une leçon tirée des épreuves libanaises
Arrivé à 15h30 au siège du sommet, accueilli par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour une poignée de main prolongée et une photo officielle, Joseph Aoun a ouvert son discours parmi les premières interventions. Il a souligné l’expérience du Liban comme un enseignement clé : « Le Liban a beaucoup souffert, mais il a appris de cette souffrance à ne pas devenir un passage ou un théâtre pour les conflits internationaux, et à aligner ses intérêts avec son environnement arabe. »
« Le Liban m’a appris d’abord que la Palestine est une cause de droit, et que ce droit exige toujours de la force », a-t-il poursuivi. Cette force, selon lui, réside dans « la logique, la fermeté des positions, la capacité à convaincre le monde, à mobiliser l’opinion publique et à équilibrer les rapports de puissance ». Une déclaration qui reflète une approche pragmatique, ancrée dans les luttes historiques du Liban et projetée sur le combat palestinien.
La Palestine : un triptyque de droits
Aoun a ensuite décrit la cause palestinienne comme un « triptyque » : « Un droit palestinien national, un droit arabe régional et un droit humain universel. Plus nous parvenons à mettre en lumière ces dimensions nobles, plus nous la soutenons et triomphons avec elle. » Il a mis en garde contre toute tentative de réduire cette cause à « une affaire de faction, de groupe ou d’axe », ou de l’entraîner dans « les ruelles des luttes de pouvoir ou des rivalités d’influence », affirmant que cela ne ferait que l’affaiblir et nuire à l’unité arabe.
« Les guerres du Liban m’ont appris que la dimension palestinienne de cette cause exige que nous soyons toujours aux côtés de son peuple, dans ses choix et ses décisions, avec ses autorités officielles et ses représentants légitimes », a-t-il ajouté, plaidant pour un respect des aspirations palestiniennes définies par elles-mêmes.
Une stabilité arabe pour une Palestine forte
Le président libanais a également lié la force de la Palestine à celle des nations arabes. « Les guerres des autres au Liban m’ont montré que la dimension arabe de la cause palestinienne impose que nous soyons tous forts pour qu’elle le soit. Quand Beyrouth est occupée, Damas détruite, Amman menacée, Bagdad affligée ou Sanaa tombe, personne ne peut prétendre que cela sert la Palestine », a-t-il lancé, dans une critique implicite des conflits régionaux qui détournent l’attention de la lutte palestinienne.
Il a conclu ce point en affirmant : « Nos pays arabes doivent être forts par leur stabilité, leur prospérité, leur paix, leur ouverture, leur développement et leur exemplarité. C’est la meilleure voie pour soutenir la Palestine. » Une vision qui appelle à un renforcement collectif comme préalable à une victoire commune.
Rencontres diplomatiques en marge du sommet
En marge du sommet, Joseph Aoun a multiplié les échanges bilatéraux. Il a rencontré le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à son hôtel au Caire, en présence du ministre des Affaires étrangères Youssef Ragi. Aoun a remercié Guterres pour le soutien de l’ONU au Liban, notamment via les forces internationales au sud (FINUL), malgré les défis. Il a déploré la présence persistante de troupes israéliennes dans plusieurs points frontaliers, estimant que cela entrave la mise en œuvre de la résolution 1701 et du cessez-le-feu du 27 novembre 2024, prolongé le 18 février 2025.
Guterres a exprimé sa surprise face à cette situation, notant qu’elle ne favorise pas la stabilité régionale. Il a réaffirmé la disponibilité de l’ONU à accompagner le redressement libanais sous la présidence d’Aoun et a rejeté l’idée d’un déplacement des Palestiniens de Gaza, défendant leur droit à rester sur leur terre.
Aoun a également reçu le président yéménite Rashad Mohammed al-Alimi, qui l’a félicité pour son élection et a appelé à une coopération arabe pour mettre fin aux souffrances au Yémen. Le président irakien Abdel Latif Rashid a suivi, soulignant les liens historiques entre les deux pays et l’importance d’un soutien mutuel face aux défis régionaux, notamment en Syrie et en Palestine. Enfin, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a briefé Aoun sur les préparatifs du sommet et le projet de déclaration finale.
Une voix pour l’unité arabe
Ce discours et ces rencontres positionnent Joseph Aoun comme une figure montante dans la diplomatie régionale, cherchant à ancrer le Liban dans une solidarité arabe tout en plaidant pour une solution juste à la question palestinienne. Alors que le sommet vise à contrer les projets de déplacement forcé des Palestiniens et à soutenir leur droit à un État, les mots d’Aoun résonnent comme un appel à l’action collective, dans un contexte où la stabilité du Liban reste liée à celle de la région.