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Joseph Aoun et la diplomatie de la frontière : une stratégie d’équilibre dans la tempête

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À la veille d’un été diplomatique et sécuritaire critique, le président libanais Joseph Aoun s’illustre par une intensification notable de son action extérieure. Sa stratégie repose sur trois leviers : une relance du rôle des médiateurs internationaux à la frontière sud, un plaidoyer pour le retour des réfugiés syriens et une mobilisation de ses partenaires arabes. Face à une carte régionale instable, le Liban tente de réaffirmer une position d’acteur institutionnel responsable, malgré ses fragilités internes.

Une diplomatie présidentielle en actes

Le président Joseph Aoun a récemment reçu le général américain Jeffers, émissaire en charge du suivi de la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon Ad Diyar (30 avril 2025), il lui a présenté une demande explicite : obtenir de Washington une pression sur Israël afin d’assurer son retrait des cinq positions encore occupées dans le sud du Liban. Ce rappel à l’ordre coïncide avec des accusations répétées de violations du cessez-le-feu par l’armée israélienne, notamment dans les secteurs de Maroun el-Ras et de la vallée de Kfarchouba.

Le président a insisté sur le fait que le maintien de troupes israéliennes au-delà de la Ligne bleue viole les engagements pris dans le cadre des accords de cessez-le-feu d’octobre 2024. Il a souligné l’urgence de réactiver le comité de coordination trilatéral entre le Liban, Israël et la FINUL, suspendu depuis plusieurs mois. Cette relance est perçue comme indispensable pour restaurer un minimum de cadre institutionnel multilatéral dans une zone où la tension est permanente.

Toujours selon Ad Diyar, Aoun a rappelé que le Liban, malgré sa situation économique critique, s’est toujours conformé à ses engagements internationaux, y compris en ce qui concerne les accords militaires et les engagements humanitaires. Il considère que ce comportement doit être récompensé par un soutien diplomatique plus franc de la part des puissances occidentales. Dans cette logique, la visite de Jeffers n’est pas perçue comme un simple passage protocolaire mais comme un test de crédibilité pour la coordination bilatérale entre Beyrouth et Washington.

Les lignes rouges israéliennes : menace ou levier diplomatique ?

En parallèle de ces efforts libanais, Tel-Aviv a présenté à l’administration américaine un document confidentiel, exposant sa stratégie au Liban et définissant des « zones rouges » où toute présence armée affiliée au Hezbollah serait jugée inacceptable. Ce document, selon Ad Diyar (30 avril 2025), établit une cartographie des secteurs jugés stratégiques par Israël, en particulier dans le sud et l’est du Liban. La transmission de ce document a suscité des réactions officielles côté libanais.

Le président Aoun a qualifié cette démarche de tentative de réécriture unilatérale du droit international. Il a dénoncé, selon les termes rapportés par le journal, « une logique de domination militaire déguisée en préoccupations sécuritaires ». Nawaf Salam, le Premier ministre, a lui aussi réagi à cette publication en déclarant que « l’absence de retrait israélien équivaut à une déclaration d’instabilité permanente ». Cette convergence de positions au sommet de l’État reflète une volonté de réponse cohérente face aux prétentions sécuritaires israéliennes.

Le gouvernement libanais insiste également sur le fait que la présence de la FINUL, renouvelée récemment avec une mission étendue, est une garantie suffisante du respect du calme le long de la frontière. Toute tentative de contournement du cadre onusien est perçue à Beyrouth comme une remise en cause du mandat international.

Réfugiés syriens : diplomatie humanitaire et stratégie régionale

L’autre pilier de l’action diplomatique de Joseph Aoun concerne la question des réfugiés syriens. Lors d’une rencontre avec une délégation de l’Institut du Moyen-Orient à Washington, le président a affirmé que la stabilisation du Liban passe inévitablement par le retour des déplacés syriens. Ad Diyar (30 avril 2025) rapporte qu’il a plaidé pour une levée ciblée des sanctions imposées à la Syrie, afin de permettre une reprise partielle de ses infrastructures et de créer les conditions de retour sécurisé des réfugiés.

Aoun s’est adressé directement à ses interlocuteurs américains en soulignant que le maintien de plus d’un million de Syriens sur le territoire libanais représente une bombe sociale, sanitaire et économique à retardement. Il a rappelé que le Liban assume cette charge de manière disproportionnée par rapport à ses capacités, sans obtenir en retour les compensations promises.

Dans les coulisses de ces discussions, le président aurait proposé la création d’un corridor de retour sous supervision humanitaire internationale, impliquant les agences de l’ONU, le Croissant-Rouge syrien et le gouvernement de Damas. Si cette proposition n’a pas encore trouvé d’écho formel, elle permet au Liban d’inscrire ce dossier dans une logique de négociation régionale plutôt que de le subir comme une fatalité.

Une doctrine diplomatique en construction

L’activisme de Joseph Aoun ne se limite pas à la scène américaine. Ses déplacements récents aux Émirats arabes unis, et les discussions en cours avec le Qatar et l’Irak, signalent une volonté d’ancrer la diplomatie libanaise dans un arc de coopération arabe rénové. Al Liwa’ (30 avril 2025) souligne que cette dynamique tranche avec la posture attentiste de ses prédécesseurs. Le président souhaite repositionner le Liban comme acteur pivot au sein des flux diplomatiques moyen-orientaux.

Joseph Aoun a également reçu l’ancien Premier ministre irakien Iyad Allawi à Baabda, une rencontre rapportée par Nahar (30 avril 2025), au cours de laquelle les deux responsables ont évoqué la possibilité d’une coordination élargie en matière de sécurité frontalière et de coopération éducative.

Cette démarche proactive s’accompagne d’une volonté de restaurer la réputation du Liban comme partenaire fiable. Aoun souhaite que le pays devienne un terrain d’expérimentation pour une diplomatie multilatérale fonctionnelle, qui combinerait assistance technique, coordination humanitaire, et stabilité politique fondée sur la souveraineté. Pour cela, il mise sur la création de pôles de confiance régionaux. L’émirat d’Abu Dhabi a été sollicité pour investir dans les infrastructures critiques, tandis qu’un dialogue a été engagé avec l’Égypte autour de la gestion portuaire et du partage d’expertise en matière de reconstruction.

Joseph Aoun considère que le Liban, bien qu’affaibli, peut redevenir un espace de négociation utile si ses dirigeants offrent une image d’unité stratégique. Il inscrit ainsi sa diplomatie dans une logique de crédibilité institutionnelle fondée sur l’État, en opposition à la fragmentation politico-militaire du passé.

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Newsdesk Libnanews
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