Du kidnapping comme mode de suppression de toute contestation

373

 

Moujtahed acte IV : Saad Hariri, Flying Dutchman de l’époque contemporaine, face à une possible inculpation pour enlèvement d’un prince saoudien

«Les marins de toutes les nations croient à l’existence d’un bâtiment hollandais dont l’équipage est condamné par la justice divine, pour crime de pirateries et de cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage» La légende du Flying Dutchman.

En partenariat avec Al Madaniya – Flying Dutchman de l’époque contemporaine, en errance perpétuelle, à tout le moins depuis le début du printemps arabe, il y a cinq ans, Saad Hariri pourrait faire l’objet d’une possible inculpation pour enlèvement d’un prince saoudien, selon les révélations de Moujtahed. Dans son récit, le gazouilleur le plus craint du royaume saoudien apporte ainsi la preuve indirecte que le «planqué de Beyrouth» est prêt à toutes les forfaitures pour complaire à ces parrains wahhabites. Un tel comportement de la part d »un premier ministre du Liban, laquais de ses maïtres saoudiens constitue, s’il était confirmé, une insulte à tous ceux morts pour l’indépendance du Liban.

Le verbatim de Moujtahed

L’ambassadeur d’Arabie saoudite à Berne (Suisse) a alerté le cabinet royal sur les prémisses d’une grave crise entre la confédération Hélvétique et le Royaume d’Arabie saoudite qui pourrait prendre la forme d’un convocation, au pénal, de l’ambassadeur saoudien et de diverses autres personnalités politiques.

L’affaire remonte à 2003 du temps du règne du Roi Fahd et de l’invasion américaine de l’Irak.

Les personnes qui pourraient faire l’objet de cette convocation sont les suivantes :

  • Le Prince Abdel Aziz Ben Fahd, le propre fils de l’ancien roi Fahd (1982-2005)
  • Saad Hariri, ancien premier ministre du Liban et compagnon festif du prince Abdel Aziz, alias azouz
  • Saleh Al Cheikh, ministre des Affaires islamiques

L’enquête, qui viserait ces trois personnes, porterait sur l’enlèvement d’une personne, réalisé sur le territoire suisse, en coordination avec l’ambassadeur saoudien. Un groupe d’avocats a réussi à convaincre le parquet général de Genève d’engager une procédure visant à enquêter sur les conditions de la disparition du prince Sultan Ben Turki Ben Abdel Aziz, petit fils du fondateur du Royaume.

Sultan a été enlevé dans le palais du Roi Fahd à Genève, à la suite d’un traquenard, drogué et exfiltré de Suisse via un avion d’évacuation sanitaire vers l’Arabie saoudite où il a été maintenu sous contrôle entre hospitalisation et résidence surveillée. Son tort est d’avoir dénoncé un vaste réseau de corruption entre Rafic Hariri, ancien premier ministre du Liban et père de Saad et des princes de la famille royale saoudienne. Son rapatriement forcé a été décidé alors.

Le scénario de l’enlèvement

Les protagonistes ont mis à profit la visite en Suisse du prince héritier Abdallah, à l’époque chef de la garde nationale pour mettre en œuvre leur stratagème, ordonné d’ailleurs par Abdallalh en personne.

Sultan, natif de 1968 et âgé alors de 35 ans, a été invité au palais royal à Genève par Abdel Aziz et Sultan Al Cheikh au prétexte de conclure un arrangement. Au terme du déjeuner, les deux conjurés se sont éclipsés prétextant un coup de fil, leur hôte a été alors immobilisé par cinq gardes de corps masqués, drogué et expédié vers Riyad, via un Boeing 747 sanitaire appartenant à la famille royale saoudienne. Selon la missive diplomatique, Sultan a réussi à réunir les preuves et un groupe d’avocats sur la base de ces éléments porté l’affaire devant le parquet général de Genève aux fins de lancer une procédure d’investigation.

L’immunité diplomatique des protagonistes

La missive précise que le Prince Abdel Aziz ne bénéficie pas de l’immunité diplomatique. Dans l’hypothèse où il était mis en cause, un mandat d’arrêts sera émis à son encontre, via Interpol, valable sur l’ensemble l’ensemble du territoire européen et aux États-Unis, ainsi que dans tous les pays avec lesquels la Suisse a conclu un accord d’extradition. Saad Hariri et Saleh Al Cheikh se trouve dans une situation identique. En ce qui concerne la mission saoudienne en Suisse, elle dispose du privilège de l’extraterritorialité et de l’immunité y afférente. «Un éventuel mandat d’arrêt à son encontre serait inopérant. Mais l’absence de coopération ente l’ambassade et la Suisse sur cette affaire pourrait avoir de gaves conséquences diplomatiques», précise le message.

L’avis du conseiller juridique de l’ambassade

Le conseiller juridique de l’ambassade «a averti ses supérieurs qu’au cas où il n’était pas mis fin à cette plainte, une bataille juridique et médiatique se déclencherait suscitant la curiosité des médias européens sur des scandales saoudiens».

Selon lui, l’affaire porte sur 2 volets : Un volet pénal et un volet civil

Le volet pénal est susceptible d’une requalification en acte de terrorisme international en ce que la plaignant a été enlevé contre son gré (acte privatif de liberté), de surcroît, circonstance aggravante, sur un territoire étranger. L’opération a résulté d’une «décision souveraine prise par Abdallah en personne, mise en œuvre par l’ambassade en concertation avec les personnalités précitées.

Le volet civil implique des compensations financières pour les dégâts subis par le plaignant tant sur le plan personnel que sanitaire. Le surdose a plongé le prince contestataire dans un état semi comateux pendant trois mois. Du fait des brutalités dont il a été l’objet, Sultan est atteint d’une quasi paralysie le condamnant à une fréquentation assidue des hôpitaux, en alternance avec des périodes de «résidence surveillée».

Les séquelles dont il a pâti l’ont conduit à effectuer un séjour au MGH Boston (Massachussets General Hospital), l’un des établissements les plus réputés de la capitale de l’État du Massachusetts. La plainte inclut en outre des dédommagements pour la destruction des documents et du matériel en sa possession à l’hôtel où il résidait en Suisse ainsi et dans sa propriété à Riyad.

Les griefs

Rafic Hariri a bénéficié d’un don de 700 millions de dollars –correspondant aux sommes déboursées pour sa mainmise sur le centre ville de Beyrouth, via SOLIDERE, et a surfacturé la construction du palais du prince Abdel Aziz à Riyad, une réplique du Palais d’Al Hambra de Grenade (Espagne), pour une valeur déclarée de 8 milliards de Ryals, dont la moitié 4 milliards, est passée dans la cassette personnelle du premier ministre libanais à l’époque.

Le milliardaire libano-saoudien a avancé le chiffre de 128 milliards de dollars comme le montant total de ses investissements dans des projets saoudiens, quadruplant le montant réel, de l’ordre de 32 milliards de dollars, essentiellement dans la construction de palais pour le Roi Fahd, de son fils Abdel Aziz et du prince héritier Abdallah, et nullement dans de grands projets d’infrastructure. En contrepartie, le prince Abdel Aziz a usé de l’influence de l’Arabie saoudite auprès des autres pays arabes pour favoriser la conclusion de marchés dans ces pays pour le compte des entreprises de Rafic Hariri.

La corruption au ministère saoudien de la défense

Sultan Ben Turki se proposait de dénoncer la corruption régnant au sein du ministère de la Défense, placé sous la coupe réglée de l’inamovible titulaire du poste pendant un demi siècle, Le prince Sultan Ben Abdel Aziz et ses deux fils : Khaled Ben Sultan et Bandar Ben Sultan.

Khaled Ben Sultan, interface du commandement américain de la coalition internationale lors de la 1 ère Guerre du Golfe (1990-1991), le général Norman Schwarzkoff passe pour avoir perçu 3 milliards de dollars de rétro-commissions au titre de l’intendance des troupes en guerre contre Saddam Hussein, mettant à profit cette dîme pour acheter le journal «Al Hayat».

Bandar Ben Sultan, capo di tutti cappi du djihadisme planétaire, au delà ses méfaits guerriers, est passé à la postérité pour avoir perçu un milliard de dollar au titre des rétro-commissions sur la transaction Tornado, la livraison de 100 chasseurs bombardiers britanniques à l’armée de l’air saoudienne pour un usage aléatoire.

Les manigances du Prince Mohamad Ben Salmane

Tous les responsables saoudiens souhaitent mettre un terme à cette affaire et circonvenir la crise. Tous sauf un : Le prince Mohamad Ben Salman, fils de l’actuel Roi qui ne cache pas son vif souhait de voir l’affaire aller jusqu’à son terme pour mettre en difficulté le prince Abdel Aziz et l’écarter ainsi définitivement des cercles du pouvoir, assure Moujtahed.

Et qu’importe les dégâts infligés au Royaume par cette guerre picrocholine et ses méthodes abjectes.

Pour sensationnelle qu’elle soit, l’histoire relève de l’ordre du vraisemblable, en raison d’une part, de la fiabilité de la source, Moujtahed, nullement un fabulateur, d’une lourd tendance wahhabite, d’autre part, à faire usage de l’enlèvement comme mode de suppression de toute contestation.

L’exemple le plus connu est celui de Nasser As Said, le chef de l’opposition saoudienne, enlevé à Beyrouth, en pleine guerre civile libanaise, par les services saoudiens avec la complicité de dirigeants palestiniens, notamment Abou Zaim, responsable militaire du Fatah pour le sud Liban, agissant sur ordre d’Abou Iyad, le bras droit de Yasser Arafat. Nasser As Said, auteur d’un remarquable ouvrage sur «Le Royaume d’Al Saoud», drogué, a été jeté par dessus bord d’un avion militaire saoudien au dessus du Robh Al Khali, le quart désertique du royaume.

Que des dirigeants palestiniens se soient prêtés à de telles compromissions morales, qu’ils aient livré un opposant politique à une dictature, explique une part de leur déconfiture dans le commandement de leur guerre de libération nationale.

La 2e tentative, avortée celle-là, a été dirigée contre Sara Bint Talal, la sœur de milliardaire Walid Ben Talal, avant sa demande d’asile politique à Londres. Là aussi, qu’une princesse de sang royal saoudien quête l’asile politique auprès de son ancien colonisateur donne la mesure de l’étouffoir saoudien et de l’intolérance de ses dirigeants.

Quant à Saad Hariri, son portrait et son bilan sur ce lien :

Pour les liens en rapport avec les révélations de Moujtahed, cf :

Un nouvel article du Guardian http://www.theguardian.com/world/2016/mar/29/saudi-prince-returned-from-europe-against-his-will-say-staff

Saudi prince returned from Europe against his will, say staff

Hugh Miles/
Tuesday 29 March 2016
Staff working for a Saudi prince involved in high-profile legal proceedings against the Saudi government claim he has been taken to Saudi Arabia from Europe against his will.
Prince Sultan bin Turki, who has elaborate 24-hour protection, brought legal action in Switzerland against the Saudi government over a kidnapping in 2003, which he says left him with serious, ongoing medical problems.
On 1 February he and his entourage boarded a Saudi plane in Paris ostensibly bound for Cairo, where he had made plans to visit friends and his father, the Saudi king’s elder brother, who lives there. His aide made reservations at the Kempinski Hotel in Cairo’s Garden City district. But he never arrived.
“There was a Saudi plane with a flight plan to Cairo but the plane did not fly to Cairo,” said an associate of the prince who was with him in Paris. “This airplane had a Saudi flag on the tail. This plane came from the Kingdom.”
A friend of Prince Sultan alleged that a senior royal had called Prince Sultan on two or three occasions before he boarded the plane to reassure him.
“He called him two or three times, talking with full courtesy, he even sent him some money,” the friend said. “When Sultan decided to come from Paris to Cairo, [the senior royal] said ‘Don’t worry, we will arrange that for you’ and apparently he felt comfortable. But it was a big mistake and he paid the price.”
Another friend who was waiting in Cairo for Prince Sultan said: “Last call we had he was laughing and said as a joke ‘I am supposed to come to Cairo this week by royal aircraft. If you didn’t find me they have taken me to Riyadh. Try to do something’.”
Prince Sultan is the third Saudi prince seemingly to go missing in suspicious circumstances in the last year.
Two other high-profile royal defectors – Prince Turki bin Bandar bin Mohammed bin Abdurahman al-Saud and Prince Saud bin Saif al-Nasr bin Saud bin Abdulaziz al-Saud – also took up outspoken critical positions against the Saudi government before they too vanished.
Prince Turki bin Bandar was a Saudi police officer before he lost an acrimonious inheritance dispute, leading to his defection and flight to France.
In Paris, he applied for political asylum and in 2009 began calling for political reform. In March 2011 he appeared in Iranian media and began publishing a series of about a dozen critical YouTube videos in which he promised to write a tell-all book.
Like the others, he called only for nonviolent political reform.
The last video he published was in July 2015, after which he went on a business trip to Morocco and disappeared. His current whereabouts are unknown.
“Someone gave Turki bin Bandar the impression Morocco was safe so he went there to do some business and the Moroccan government took him and gave him to the Saudis,” said a member of a Saudi opposition group who was in touch with the prince shortly before he disappeared.
Prince Saud bin Saif al-Nasr bin Saud bin Abdulaziz al-Saud began his campaign of dissent at the start of 2014. In March that year he opened his Twitter account and quickly established himself as a prolific critic, calling for the prosecution of Saudi officials backing the coup in Egypt and alleging that billions of dollars worth of Saudi aid to Egypt had been embezzled during the final years of the reign of former Saudi leader King Abdullah.
He called publicly for the removal of the current crown prince and second deputy premier, and on 5 Sept 2015, when another, anonymous Saudi prince published a letter calling for the removal of the king himself, Prince Saud was the only royal family member publicly to endorse it.
But a few days later, on 9 September, his Twitter account fell abruptly silent and he also disappeared, prompting speculation on social media that he had been kidnapped.
According to Saudi sources Prince Saud is now back inside Saudi Arabia.
“Saud bin Saif was approached by a Russian-Italian business consortium. They sent a private jet to take him to a meeting he thought was in Italy,” commented a Saudi friend of the disappeared princes. “He ended up inside the country.”
Saudi Arabia has long had problems managing disaffected royal family members. In 1975 King Faisal was assassinated by a disaffected prince, but until now there have been no claims that the kingdom might have a concerted campaign targeting defectors and dissidents.
Attempts to contact the three princes directly and members of their entourage received no response.
The Saudi government and Moroccan authorities did not reply to requests to comment.
ReneNaba
René Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opéré pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expérience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a été la première personne d’origine arabe à exercer, bien avant la diversité, des responsabilités journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

Un commentaire?