Le parlement a adopté la loi concernant la concurrence et l’annulation des agences exclusives comme Ketteneh, Abou Adal ou Fattal, une des conditions réclamées depuis plus de 20 ans déjà à l’entrée du Liban au sein de l’organisation mondiale du commerce (OMC) et évoqué par certains responsables du Fonds Monétaire International comme condition à l’obtention des aides internationales face à la crise économique actuelle mais sans-cesse repoussé par les activités de lobby menées par ces dernières.

Cette mesure vise à rétablir une libre-concurrence au Liban, avec comme objectif affiché, une réduction des prix au bénéfice des consommateurs. Les agences exclusives étaient ainsi accusées, surtout depuis 2 ans, de bénéficier encore d’importantes marges en dépit de la crise économique qui touche le pays des cèdres.

S’exprimant à l’issue du vote, le président de la chambre Nabih Berri a estimé que le Liban était encore le seul pays au Monde à posséder des agences exclusives sur son sol, récusant toute accusation confessionnelle comme entendue ces quelques jours qui prétendaient que la communauté chrétienne était visée par ce projet de réforme.

Ainsi, selon Nabih Berri, “la réalité est que le nombre d’agences exclusives enregistrées est de 3030, dont seulement 313 sont exclusives, et les autres sont illégales et ne renouvellent pas les contrats et ne paient pas de frais”, accusant ces derniers d’importer des marchandises et d’empêcher d’autres acteurs d’entrer sur ce marché.

Toujours selon le président de la chambre, même les Emirats Arabes Unis ont aboli ces entreprises, il y a 10 jours.

Cependant, les observateurs notent qu’il s’agit aussi de vérifier désormais dans la pratique si ces agences sont réellement liquidées et si un mécanisme de libre-concurrence est réellement mise en place, notamment au niveau des douanes libanaises qui bloquaient jusqu’à présent toute importation autre que celles bénéficiaient aux agences exclusives y compris pour les marchandises des secteurs pour lesquels les situations de monopole étaient déjà supprimés comme les médicaments.

Les agences exclusives, principales bénéficiaires de l’économie libanaise au détriment de la population

Les agences exclusives figurent aujourd’hui parmi les principaux suspects expliquant l’augmentation importante des prix. Elles sont ainsi régulièrement accusées d’avoir mis en place de véritables cartels économiques contrôlant une grande partie de l’économie libanaise. Pays importateur net, le Liban dépend largement des agences exclusives pour l’essentiel de ses besoins.

Le gouvernement Hassan Diab avait ainsi présenté un nouveau projet d’abolition des agences exclusives, une des conditions de l’aide économique internationale et une demande aussi du FMI permettant l’entrée du Pays des Cèdres au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans ses premières moutures. Cependant, suite à d’importantes pressions, ce projet a été rapidement écarté dans la version définitive de ce plan qui a aussi fait l’objet de l’opposition forte de l’association des banques du Liban.

La balance commerciale entre 2009 et 2019. Crédit Photo Statista 2021

Par ailleurs, les agences exclusives ont été parmi les principales bénéficiaires de la politique monétaire conduite par la Banque du Liban avec un maintien d’une parité artificielle surévaluant la livre libanaise par rapport au dollar. Ainsi, les consommateurs libanais étaient amenés à surconsommer des produits de luxes commercialisés par les agences exclusives alors que l’économie elle-même n’en possédait pas la capacité. Si la balance des paiements était ainsi généralement positives en raison d’un flux financier constant de la part de la diaspora, la balance commerciale était généralement négative de plusieurs milliards de dollars. Il s’agit d’un des facteur qui a amené le Liban à la crise de liquidité et la crise financière qu’il traverse actuellement.

Il existe au Liban quelques 300 agences exclusives dont les plus importantes et les plus connues sont Ketteneh, Fattal ou encore Abou Adal, qui en effet possèdent souvent des liens très étroits avec la classe politique. Elles doivent impérativement être enregistrées auprès du ministère de l’économie.

Certaines entreprises sont également accusées d’avoir constitué des quasi-monopoles dans certains secteurs d’activités pourtant normalement libres à la concurrence. Il s’agit notamment du cas pour certains produits alimentaires ou encore certains produits et équipements médicaux refusant par exemple de réparer du matériel qui n’aurait pas été acheté directement auprès d’elles.

Aujourd’hui, les agences exclusives font face à d’importantes difficultés pour poursuivre les importations en raison de la situation financière actuelle du secteur financier. Les banques locales et même la Banque du Liban peinent à accorder les lignes de crédit nécessaires pour permettre la poursuite des importations.

août 5, 1967

Création des agences exclusives

Le décret législatif n ° 34 permet la création d’agences exclusives au Liban.
Il s’agissait selon les auteurs de ce décret de garantir la qualité des produits et de la sécurité publique.

août 5, 1967
février 6, 1975

Annulation des agences exclusives dans le secteur alimentaire

Abbas Khalaf, ministre de l’économie et du commerce, publie le décret n ° 9639 rendant illégal les agences exclusives dans le domaine alimentaire. Elles restent cependant maintenues pour les médicaments même si le projet initial prévoyait également leur abolition.

février 6, 1975
avril 6, 1992

Annulation des agences exclusives pour les produits considérés comme n’étant pas un luxe

Le décret 2339 annule l’exclusivité des agences pour les articles n’étant pas considérés comme des produits de luxe. Outre les produits alimentaires, il s’agit également des produits de ménage.
Cependant, les agences exclusives pour les équipements médicaux sont maintenus par ce même décret.

avril 6, 1992
février 14, 2002

Suppression du monopole dans de nombreux domaines d’activité

Le gouvernement supprime les monopoles dans l’importation de nombreux produits comme les médicaments ou encore les produits pétroliers.
Il souhaite également la suppression des agences exclusives d’ici 5 ans via l’adoption du décret 7484 qui sera soumis au Parlement Libanais.

février 14, 2002
janvier 29, 2004

Approbation de la loi 7484 avec de nombreux amendements par le Parlement mais renvoi de la loi par le Président Emile Lahoud

Les parlementaires libanais approuvent le décret 7484 cependant largement modifié et abolissant les agences exclusives. Elle devrait être mise en oeuvre dans les 4 ans qui suivent sa publication au Journal Officiel.

Le président de la république Emile Lahoud refusera cependant de signer le décret de publication de la loi en raison de craintes quant à la qualité des produits importés. Parallèlement, une campagne dans les médias sponsorisée par les propriétaires d’agences exclusives estiment que ce projet vise certaines communautés religieuses

janvier 29, 2004
mars 1, 2020

Avril 2020

Le gouvernement Hassan Diab envisage l’abolition totale des agences exclusives dans le cadre de son plan de sauvetage après avoir déclaré un état de défaut de paiement.

mars 1, 2020
février 21, 2022

Février 2022

Abolition des agences exclusives par le parlement libanais

février 21, 2022

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