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La zone tampon israélienne : bouclier ou punition ?

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En ce 20 mars 2025, le gouvernement israélien défend avec vigueur la création d’une « zone tampon » dans la bande de Gaza, une mesure présentée comme essentielle à la sécurité nationale face aux menaces persistantes du Hamas et d’autres groupes armés. Depuis la rupture du cessez-le-feu de novembre 2024, les frappes et les opérations terrestres se sont intensifiées, ravivant un débat brûlant sur les intentions d’Israël dans ce territoire palestinien exigu. Les déclarations officielles, portées par Benjamin Netanyahu et son cabinet, insistent sur la nécessité de cette zone pour empêcher de nouvelles attaques, mais elles soulèvent aussi des questions sur leurs conséquences humanitaires et leur conformité au droit international. Quels arguments avancent les autorités israéliennes ? Et quelles répercussions cette politique entraîne-t-elle sur le terrain ?

Une justification sécuritaire au cœur du discours

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a placé la sécurité au centre de sa rhétorique. Lors d’une allocution le 14 mars 2025, il a affirmé que la zone tampon était « une réponse directe aux agressions répétées du Hamas » depuis Gaza. « Nous ne pouvons pas tolérer un ennemi qui tire des roquettes sur nos villes et creuse des tunnels sous nos frontières », a-t-il déclaré, évoquant les attaques de drones et de roquettes qui ont visé le sud d’Israël ces derniers mois. Cette ligne s’inscrit dans la continuité de sa position depuis octobre 2023, quand l’attaque massive du Hamas avait tué plus de 1200 personnes et conduit à la prise de 250 otages. Pour Netanyahu, la zone tampon doit garantir qu’aucune menace ne puisse émerger à proximité immédiate d’Israël.

Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a détaillé cette vision le 16 mars. Selon lui, la zone, qui s’étend sur environ un kilomètre le long de la frontière est de Gaza, vise à « neutraliser les capacités offensives » des groupes armés. Il a pointé du doigt les infrastructures militaires du Hamas – tunnels, dépôts d’armes, postes de lancement – souvent situés près des zones civiles. « Nous devons créer une barrière physique et opérationnelle pour protéger nos citoyens », a-t-il insisté, ajoutant que l’armée conserverait une « liberté d’action » dans toute l’enclave, même après la fin des combats majeurs. Cette stratégie, selon Gallant, repose sur une démilitarisation partielle de Gaza, avec des patrouilles régulières et un contrôle strict des accès.

Le gouvernement s’appuie aussi sur des précédents. Après la guerre de 2006 contre le Hezbollah au Liban, Israël avait renforcé ses mesures à la frontière nord, une approche jugée efficace pour limiter les incursions. Netanyahu a repris cette analogie le 18 mars, affirmant que la zone tampon à Gaza suivait « le même principe » : tenir l’ennemi à distance. Les récentes frappes sur le corridor de Netzarim, qui divise le nord et le sud de Gaza, illustrent cette logique, avec pour but de couper les lignes de ravitaillement du Hamas.

Une politique ancrée dans un contexte tendu

Ces déclarations interviennent dans un climat explosif. Le cessez-le-feu de novembre 2024, fragile dès sa signature, a volé en éclats début mars après des tirs de roquettes revendiqués par le Jihad islamique palestinien. Israël a riposté avec une opération terrestre limitée, ciblant le centre et le sud de Gaza pour établir cette fameuse zone tampon. Le 19 mars, un porte-parole de Tsahal a confirmé que l’objectif était de « créer une séparation physique entre le nord et le sud » pour empêcher les mouvements de combattants et d’armes. Cette décision fait écho à un plan dévoilé par Netanyahu dès février 2024, où il évoquait une zone de sécurité permanente le long de la frontière, à maintenir « tant qu’un besoin sécuritaire existera ».

Le gouvernement israélien lie cette mesure à l’échec des efforts internationaux pour démanteler le Hamas. « Les Nations unies et les médiateurs ont promis la paix, mais ils n’ont rien livré », a lancé le ministre des Finances Bezalel Smotrich le 17 mars, accusant le Hamas de réarmer sous couvert de trêves. Pour Israël, la zone tampon n’est pas une option, mais une nécessité imposée par la réalité : depuis 2023, plus de 4000 roquettes ont été tirées depuis Gaza, selon les chiffres de Tsahal, malgré les frappes massives qui ont réduit une grande partie de l’enclave en ruines.

Les implications sécuritaires : une efficacité contestée

Sur le plan sécuritaire, la zone tampon vise à offrir une profondeur stratégique. En rasant les bâtiments et les terres agricoles sur un kilomètre à l’est de Gaza, Israël cherche à éliminer les caches potentielles pour les tunnels et les lanceurs de roquettes. Depuis octobre 2023, l’armée a détruit plus de 3500 structures dans cette bande, soit 90 % des bâtiments selon des analyses satellitaires récentes. Le corridor de Netzarim, élargi en mars 2025, coupe désormais Gaza en deux, avec des checkpoints et des patrouilles qui limitent les déplacements nord-sud. Tsahal affirme avoir démantelé 40 tunnels dans cette zone depuis janvier, preuve, selon elle, de la menace persistante.

Mais cette efficacité est remise en question. Les groupes armés palestiniens ont adapté leurs tactiques, utilisant des drones et des roquettes à longue portée depuis des zones plus reculées. Le 15 mars, une attaque au drone a frappé Ashkelon, à 10 kilomètres de la frontière, montrant les limites d’une barrière physique. Des experts militaires israéliens, interrogés dans les médias locaux, estiment que la zone tampon peut réduire les incursions directes, mais pas les tirs à distance ni les infiltrations par la mer ou via l’Égypte. « C’est une solution partielle, pas une panacée », a résumé un ancien officier de Tsahal le 18 mars.

Une catastrophe humanitaire en cascade

Les implications humanitaires, elles, sont dramatiques. La création de la zone tampon a déjà déplacé des dizaines de milliers de Gazaouis. Sur les 2,2 millions d’habitants de l’enclave, près de 1,5 million sont entassés dans le sud, notamment à Rafah, après avoir fui les combats au nord. La destruction systématique des terres agricoles – 20 kilomètres carrés rasés, soit 59 % des cultures dans la zone est – aggrave une crise alimentaire déjà critique. Depuis le 2 mars, Israël a bloqué l’entrée de l’aide humanitaire, réduisant les réserves de carburant et d’eau à une semaine dans plusieurs secteurs. Les cuisines communautaires, qui nourrissent des centaines de milliers de personnes, sont au bord de l’arrêt.

Le corridor de Netzarim complique encore la donne. Les habitants qui tentent de retourner au nord pour inspecter leurs maisons – souvent réduites à des gravats – se heurtent à des tirs de sommation ou à des arrestations. Une femme de Jabaliya, interrogée le 16 mars, a raconté avoir été refoulée à un checkpoint : « Ils nous ont dit que le nord était fermé pour toujours. » Cette division de facto coupe aussi l’accès aux hôpitaux du nord, comme Al-Shifa, déjà en ruines, laissant des blessés sans soins dans le sud surpeuplé.

Les Nations unies ont sonné l’alarme. Le 19 mars, le chef des droits humains de l’ONU a qualifié la zone tampon de « sanction collective », dénonçant la destruction « injustifiée » de quartiers civils. Plus de 43 000 Palestiniens ont été tués depuis octobre 2023, selon les autorités locales, un chiffre qui ne compte pas les disparus sous les décombres ni les morts de faim ou de maladies. La communauté internationale, y compris les États-Unis, s’oppose à une réduction permanente du territoire de Gaza, mais Trump, réélu en janvier, reste ambigu, se contentant d’appeler à une « victoire rapide » d’Israël.

Une légalité en question

Le droit international entre aussi en jeu. La Cour internationale de Justice (CIJ), dans un avis de juillet 2024, a jugé l’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie illégale depuis 1967. La création d’une zone tampon, qui réduit de 16 % la superficie de Gaza, est vue comme une extension de cette occupation. Amnesty International, dans un rapport de septembre 2024, a appelé à enquêter sur ces destructions comme possibles crimes de guerre, arguant qu’elles dépassent la « nécessité militaire impérieuse ». Israël rejette ces critiques, affirmant que sa survie prime sur les conventions.

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Newsdesk Libnanews
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