Un blocage inattendu malgré des semaines de négociations
Hier, la formation du gouvernement dirigé par Nawaf Salam était censée être officialisée, mettant fin à des semaines d’âpres négociations. Pourtant, l’annonce attendue n’a pas eu lieu, plongeant une nouvelle fois le pays dans une incertitude institutionnelle. Le Premier ministre désigné, après une rencontre avec le président Joseph Aoun, a quitté le palais de Baabda sans décret de nomination en main, déclarant brièvement que les discussions se poursuivaient et qu’il ne cèderait pas aux « pressions extérieures ».
Derrière cet échec se cachent des désaccords profonds entre les forces politiques. La nomination du cinquième ministre chiite, revendiquée par le tandem Hezbollah-Amal, constitue l’un des principaux points de friction. Nawaf Salam, souhaitant préserver l’indépendance de son gouvernement, refuse de céder sur cette exigence, ce qui a conduit Nabih Berri à boycotter la réunion prévue à Baabda.
À cette crise s’ajoute une confrontation sur l’attribution de ministères stratégiques. Les Forces libanaises insistent pour obtenir le ministère de l’Énergie, un portefeuille contrôlé depuis plusieurs années par le Courant patriotique libre (CPL) de Gebran Bassil. Ce dernier refuse catégoriquement de céder cette responsabilité, considérant cela comme une tentative d’affaiblissement politique.
Les conséquences d’un nouvel échec politique
Le Liban n’en est pas à sa première impasse gouvernementale, mais chaque crise accentue la détérioration de la situation économique et sociale. Sans gouvernement en place, les réformes promises restent bloquées, rendant impossible la mise en œuvre des mesures attendues par les institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI).
L’absence d’un gouvernement fonctionnel compromet également le soutien des partenaires internationaux, en particulier la France et le Qatar, qui ont multiplié les efforts pour favoriser un consensus. Selon Al Sharq Al Awsat, des diplomates français ont exprimé leur inquiétude hier face à un possible enlisement, soulignant que les promesses de financement pourraient être suspendues en l’absence d’un gouvernement opérationnel.
L’impact sur la population est immédiat. La crise énergétique continue de paralyser le pays, avec des coupures d’électricité dépassant les vingt heures par jour dans certaines régions. La dévaluation de la livre libanaise se poursuit, réduisant drastiquement le pouvoir d’achat des citoyens. En l’absence d’un gouvernement capable de prendre des décisions, la crise financière risque de s’aggraver encore davantage.
Trois scénarios possibles pour la suite
Un premier scénario envisage un compromis de dernière minute. Nawaf Salam, sous pression, pourrait accepter de nommer un ministre chiite validé par le Hezbollah et Amal, tout en trouvant un équilibre pour satisfaire les Forces libanaises et le Courant patriotique libre. Ce scénario permettrait d’accélérer la formation du gouvernement, mais signifierait un renoncement à la promesse d’un cabinet réellement indépendant.
Un second scénario repose sur un blocage prolongé. Si aucun accord n’est trouvé, le Liban risque de rester sans gouvernement pendant plusieurs mois. Cette situation accentuerait la défiance des institutions financières internationales et aggraverait la crise sociale. Le risque d’un retour des manifestations, comme celles observées en 2019, devient alors plus probable.
Le dernier scénario serait une démission de Nawaf Salam. Face à une pression insoutenable et une impossibilité d’avancer, le Premier ministre désigné pourrait choisir de renoncer. Dans ce cas, le président Joseph Aoun devrait entamer de nouvelles consultations pour désigner un remplaçant, ce qui plongerait le pays dans une nouvelle phase d’instabilité politique.
Un avenir incertain pour le Liban
L’issue des négociations des prochains jours déterminera si le Liban peut éviter une vacance prolongée du pouvoir exécutif ou s’il s’enfonce dans une crise institutionnelle durable. Les enjeux sont considérables, non seulement pour la classe politique, mais surtout pour une population libanaise déjà épuisée par des années de crises économiques et sociales successives.