Les derniers articles

Articles liés

Les banques libanaises sous surveillance : Un audit de 2016 ressurgit au cœur des accusations actuelles

- Advertisement -

Dans le contexte d’une crise économique sans précédent au Liban, la responsabilité des banques dans l’effondrement du système financier est aujourd’hui au centre des débats. Parmi les documents qui refont surface, un rapport d’audit émis le 1er juin 2016 par l’Autorité des marchés financiers (Capital Markets Authority) attire particulièrement l’attention. Ce document, publié par l’unité de contrôle financier (FCU), révèle des transactions suspectes effectuées par la Bank of Beirut SAL (BOB) et ses fonds d’investissement liés à des euro-obligations du gouvernement libanais entre 2010 et 2015. Alors que des accusations de mauvaise gestion et de corruption planent sur les banques libanaises, ce rapport soulève des interrogations cruciales sur la transparence, la régulation, et l’intégrité des organismes de tutelle.

Un audit précurseur des révélations actuelles

Le document de 2016 pointe des transactions suspectes, notamment des swaps d’euro-obligations, identifiés lors de l’audit d’Optimum Invest (OI). L’enquête, qui a étudié 1 589 transactions totalisant plus de 8 milliards de dollars, a révélé que plusieurs opérations de la Bank of Beirut et de ses fonds ne respectaient pas les pratiques normales du marché. Ces transactions avaient été réalisées à des conditions douteuses, marquées par une exécution en dehors du cadre habituel de vente de titres.
Cette enquête, bien qu’antérieure à la crise économique actuelle, apporte des éléments importants pour comprendre les pratiques qui ont contribué à la défaillance du système bancaire libanais. Alors que le pays lutte pour trouver des solutions face à son effondrement financier, la transparence et les pratiques éthiques des banques, ainsi que celles des régulateurs censés les surveiller, sont remises en question.

La crédibilité des organismes de régulation sous la loupe

Une des questions fondamentales soulevées par ce document est celle de la crédibilité et de l’efficacité des organismes de tutelle des banques libanaises, notamment la Banque du Liban (BDL) et l’Autorité des marchés financiers. Le fait que l’unité de contrôle financier ait découvert des transactions suspectes dans une institution aussi importante que la Bank of Beirut montre que des irrégularités étaient connues bien avant l’effondrement. Pourtant, aucune action corrective significative n’a été prise à l’époque pour stopper ou au moins mieux encadrer ces pratiques, ce qui pose la question de la responsabilité des régulateurs dans la crise actuelle.

La Banque du Liban, sous la direction de Riad Salamé depuis plusieurs décennies, est aujourd’hui sous le feu des projecteurs pour son rôle dans la gestion désastreuse de la dette publique et des réserves de devises. Les récentes accusations de blanchiment d’argent, de détournement de fonds et d’enrichissement illicite portées contre Salamé, ainsi que contre plusieurs autres responsables bancaires, soulèvent des doutes quant à l’intégrité de ces acteurs qui étaient censés protéger le système financier libanais. Le rapport de 2016 semble confirmer que les régulateurs étaient soit complices, soit passivement inactifs face aux pratiques financières douteuses qui ont contribué à la crise actuelle.

Un système bancaire complice de son propre effondrement

Il est aujourd’hui de notoriété publique que les banques libanaises ont joué un rôle central dans la spéculation sur la dette publique libanaise, via des instruments financiers tels que les euro-obligations. Les pratiques de swaps et autres transactions exotiques, décrites dans le rapport de la FCU, sont emblématiques d’un système qui a favorisé l’enrichissement d’une petite élite bancaire et politique, au détriment des citoyens. Depuis 2019, des milliards de dollars ont été illégalement transférés à l’étranger par les actionnaires des banques, alors même que les épargnants libanais ne peuvent plus accéder à leurs dépôts.

L’audit de 2016 indique que ces pratiques n’étaient pas isolées, mais bien systémiques. La Bank of Beirut, une des institutions les plus influentes du pays, est ici mise en cause pour avoir effectué des transactions en dehors des normes habituelles de transparence financière. La coopération de la banque avec les auditeurs de la FCU, mentionnée dans le document, pose également la question de la superficialité des investigations entreprises à l’époque. Si l’on considère l’ampleur des révélations actuelles sur la gestion opaque des fonds publics et privés au Liban, il semble évident que cet audit n’a été que la pointe de l’iceberg d’un système largement corrompu.

Peut-on encore faire confiance aux régulateurs ?

Les régulateurs comme la Banque du Liban et la Capital Markets Authority (CMA) ont pour mission de surveiller le secteur financier et d’assurer sa stabilité. Cependant, dans le cas libanais, leur rôle semble avoir été défaillant. Le rapport de 2016 montre que des transactions suspectes avaient déjà été détectées, mais que les mesures correctives ont été insuffisantes. En 2020, lorsque le Liban s’est déclaré en défaut de paiement, il est apparu clairement que les politiques monétaires laxistes de la BDL, combinées à des pratiques bancaires douteuses, avaient joué un rôle clé dans la débâcle économique.

Aujourd’hui, les mêmes questions se posent : les régulateurs libanais, qui sont eux-mêmes accusés de corruption ou de collusion avec les banques, peuvent-ils réellement redresser la situation ? Le rapport de 2016 suggère que la transparence était déjà un problème à l’époque, et que les autorités de contrôle, bien qu’informées des pratiques problématiques, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la catastrophe.

Vers une réforme en profondeur du secteur bancaire ?

Alors que le Liban cherche à sortir de la crise, des appels se multiplient pour une réforme en profondeur du système bancaire et une plus grande transparence dans la gestion des fonds publics et privés. Le rapport d’audit de 2016 pourrait servir d’exemple pour les enquêtes actuelles sur les responsabilités des banques dans la crise, notamment à travers des pratiques douteuses de swaps et de spéculation.

Toutefois, une réforme véritable nécessiterait également une refonte des organismes de régulation, afin de s’assurer que des institutions comme la Banque du Liban et la CMA fonctionnent indépendamment et soient en mesure de tenir les banques responsables de leurs actions. Dans le climat actuel de défiance, cela semble être une tâche herculéenne, mais indispensable pour restaurer la confiance dans les institutions financières du pays.

Le rapport d’audit de 2016 sur les transactions de la Bank of Beirut met en lumière des pratiques suspectes qui, rétrospectivement, ont contribué à l’effondrement économique du Liban. Ce document souligne la responsabilité des banques, mais aussi des régulateurs, dans la mauvaise gestion du système financier. Alors que les enquêtes se multiplient et que la crise se prolonge, il est impératif que les organismes de contrôle soient réformés en profondeur pour éviter que de telles pratiques ne se répètent. Le chemin vers la sortie de crise est encore long, mais une remise en question fondamentale de la transparence bancaire et de la régulation financière est le premier pas vers une solution durable.

- Advertisement -