Les élections municipales à Beyrouth, prévues pour mai 2025, se déroulent dans un Liban marqué par une transition politique récente. Joseph Aoun, président depuis le 9 janvier 2025, et Nawaf Salam, Premier ministre depuis le 8 février 2025, incarnent un renouveau institutionnel. Pourtant, le retrait de Saad Hariri en 2022 désorganise les alliances électorales, tandis que les tensions communautaires menacent la parité au conseil municipal. Les préparatifs s’intensifient dans une capitale en crise économique et sous pression régionale.
Le retrait de Hariri redessine la scène politique
Saad Hariri a quitté la vie politique le 24 janvier 2022. Cette décision, prise face à l’influence croissante de l’Iran et à l’effondrement économique, a mis fin à l’activité du Courant du Futur. À Beyrouth, les sunnites perdent un leader fédérateur, ce qui fragilise les équilibres électoraux traditionnels. Des candidatures indépendantes émergent, portées par des dissidents ou des figures issues de la société civile.
Le Hezbollah et Amal, partis chiites, profitent de cette dispersion. Leur organisation électorale, rodée par des années de discipline, leur donne un avantage. En mars 2025, des réunions publiques dans les fiefs chiites ont mobilisé des milliers de partisans, selon des rapports officiels. Les sunnites, eux, peinent à s’unir avant le dépôt des listes, prévu mi-avril 2025.
Les tractations s’accélèrent. Des alliances historiques, souvent conclues à ce stade, tardent à se former. Cette désorganisation ouvre la voie à une compétition intercommunautaire intense, dans une ville où chaque siège reflète des enjeux nationaux.
La parité confessionnelle sous tension
Le conseil municipal de Beyrouth compte 24 sièges : 12 pour les chrétiens (maronites, grecs-orthodoxes, arméniens, etc.) et 12 pour les musulmans (sunnites, chiites, druzes). Cette parité, instaurée pour garantir un équilibre communautaire, vacille face à la fragmentation des votes. Les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, principaux partis chrétiens, redoutent une dispersion de leurs électeurs.
Les Forces libanaises, dirigées par Samir Geagea, cherchent à unifier les chrétiens. Elles ont lancé des pourparlers avec des alliés potentiels en mars 2025, mais les progrès restent lents. Le Courant patriotique libre, affaibli depuis 2022, s’appuie sur son partenariat avec le Hezbollah. Cette rivalité complique les efforts pour une liste commune.
Chez les musulmans, les sunnites risquent de céder du terrain. Leur vote, éclaté entre indépendants et modérés, pourrait bénéficier aux chiites. En avril 2025, des observateurs notent une hausse des inscriptions sur les listes électorales dans les zones chiites, signe d’une mobilisation accrue.
Comment fonctionnent les élections municipales ?
Les municipales beyrouthines adoptent un scrutin proportionnel avec vote préférentiel, en vigueur depuis 2017. Les électeurs choisissent une liste, puis un candidat, dans une circonscription unique couvrant la ville. Le ministère de l’Intérieur a fixé le dépôt des listes au 15 avril 2025, pour un scrutin le 18 mai 2025, selon un décret publié le 10 mars 2025.
Ce système favorise les coalitions organisées. En 2016, la liste soutenue par le Hezbollah et Amal avait remporté 12 sièges, contre 10 pour Beirut Madinati. Aujourd’hui, les préparatifs traînent. Des groupes issus du mouvement de 2019 affinent leurs candidatures, espérant rééditer leur percée d’il y a neuf ans.
Des incertitudes persistent. Le budget alloué aux élections, réduit de 20 % en mars 2025 face à la crise économique, limite les moyens logistiques. Nawaf Salam a promis un scrutin transparent lors d’une allocution le 25 mars 2025, mais les défis restent nombreux.
Les forces chiites en position de force
Le Hezbollah et Amal pourraient dominer les sièges musulmans. Leur mobilisation, renforcée par des campagnes lancées en mars 2025, leur assure une base solide. Un rapport du ministère de l’Intérieur, daté du 31 mars 2025, montre une augmentation de 15 % des électeurs inscrits dans leurs fiefs par rapport à 2016.
Cette dynamique profite de la faiblesse sunnite. Sans Hariri, les modérés peinent à rivaliser. Une domination chiite, même dans le cadre de la parité, influencerait des dossiers clés comme la gestion des déchets ou la reconstruction du port, ravagé par l’explosion de 2020.
Les chrétiens s’inquiètent. Une réunion des Forces libanaises le 2 avril 2025 a évoqué le risque d’un conseil déséquilibré, poussant à une réponse coordonnée. Pour l’instant, aucune alliance claire n’émerge.
Les indépendants à l’assaut du conseil
Les listes indépendantes misent sur le mécontentement populaire. Beirut Madinati, qui avait obtenu 47 000 voix en 2016, prépare une campagne axée sur la transparence et les services publics. Des réunions publiques tenues en mars 2025 ont attiré des centaines de Beyrouthins, selon des chiffres officiels.
Leur discours séduit une population épuisée. En avril 2025, un sondage commandé par le ministère de l’Information révèle que 62 % des habitants jugent les partis traditionnels inefficaces. Une percée des indépendants bouleverserait les équilibres, mais un conseil fragmenté risquerait la paralysie.
Leur manque d’expérience inquiète. Gérer une ville en crise exige des compromis que ces novices pourraient peiner à trouver. Leur succès dépendra de leur capacité à mobiliser au-delà des cercles militants.
Une alliance souverainiste comme rempart
Les Forces libanaises envisagent une coalition avec des sunnites modérés. Ce front, axé sur la souveraineté et la parité, vise à contrer l’influence chiite. Des discussions ont débuté le 28 mars 2025, mais les divergences freinent les avancées, selon des déclarations officielles.
Cette alliance nécessiterait une discipline stricte. En 2016, une coalition similaire avait échoué face à la machine chiite. Si elle se concrétise, elle garantirait un équilibre, mais accentuerait la polarisation communautaire.
Le temps joue contre ce scénario. À une semaine du dépôt des listes, les sunnites modérés restent divisés. Une entente tardive pourrait manquer de cohérence face aux listes déjà prêtes.
Le Liban sous une nouvelle direction
Joseph Aoun a pris ses fonctions le 9 janvier 2025, élu avec 99 voix sur 128 au Parlement. Ancien commandant de l’armée, il bénéficie du soutien des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France. Nawaf Salam, Premier ministre depuis le 8 février 2025, dirige un gouvernement de 24 ministres, investi par 95 voix le 26 février 2025.
Leur arrivée marque une rupture. Aoun a promis, dans son discours inaugural, de renforcer le monopole de l’État sur les armes, une allusion au Hezbollah. Salam, ancien juge à la Cour internationale de Justice, mise sur des réformes économiques. En mars 2025, il a lancé des négociations avec le FMI pour un plan de sauvetage.
Ces priorités influencent les municipales. Le gouvernement soutient un scrutin à temps, voyant dans les conseils locaux un levier pour stabiliser le pays. Une circulaire du 15 mars 2025 ordonne aux municipalités de préparer des rapports financiers avant mai.
Une crise économique persistante
L’économie libanaise reste exsangue. L’inflation, qui a atteint 221 % en 2023, oscille autour de 180 % en mars 2025, selon la Banque mondiale. La livre libanaise, échangée à 89 000 pour un dollar au marché noir en avril 2025, paralyse le pouvoir d’achat.
Les services publics s’effondrent. Beyrouth subit des coupures d’électricité de 20 heures par jour, selon Électricité du Liban en mars 2025. La collecte des déchets, suspendue dans 40 % des quartiers en avril, aggrave les conditions sanitaires.
Un tableau illustre les défis :
Service | Coût mensuel par foyer | Disponibilité (mars 2025) |
---|---|---|
Électricité | 300 000 LL | 4 heures/jour |
Eau potable | 150 000 LL | 3 jours/semaine |
Collecte des déchets | 100 000 LL | 60 % des quartiers |
Ces chiffres, tirés de rapports officiels, montrent l’ampleur de la crise. Le prochain conseil devra y répondre avec un budget limité.
Les défis du futur conseil municipal
La reconstruction du port stagne. En mars 2025, seuls 15 % des travaux ont avancé, faute de fonds, selon le ministère des Travaux publics. Les habitants exigent des solutions concrètes, cinq ans après l’explosion de 2020 qui a tué 218 personnes.
Les tensions régionales pèsent aussi. Des violations du cessez-le-feu avec Israël, signalées le 20 mars 2025 par la FINUL, rappellent la fragilité du sud. Beyrouth, en première ligne, doit gérer ces pressions tout en assurant ses services.
Le gouvernement Salam a alloué 50 milliards de livres libanaises aux municipales en avril 2025. Cette somme, dérisoire face aux besoins, oblige les élus à prioriser. La transparence, promise par Aoun, sera scrutée.
Une mobilisation électorale incertaine
Les inscriptions sur les listes électorales ont augmenté de 8 % en mars 2025, selon le ministère de l’Intérieur. Cette hausse, notable dans les zones chiites, contraste avec une apathie sunnite. Les chrétiens oscillent entre mobilisation et méfiance.
Les campagnes battent leur plein. Le Hezbollah a tenu un rassemblement de 5 000 personnes le 30 mars 2025 à Haret Hreik. Beirut Madinati, plus discret, mise sur les réseaux sociaux, avec 10 000 abonnés gagnés en avril 2025.