Disparition officielle et présence informelle sur le terrain
Lors des élections municipales du Mont-Liban du 4 mai 2025, le Courant du Futur, formation historiquement dominante dans les zones sunnites, n’a officiellement présenté aucune liste sous son étiquette. Aucune affiche électorale, aucun discours public de ses responsables ni aucune conférence de presse n’a été organisée au nom du parti. Cette décision, confirmée par l’entourage de Saad Hariri dès mars 2025, visait selon les termes internes à « se retirer du champ institutionnel visible ». Toutefois, dans plusieurs municipalités à majorité sunnite comme Damour, Naameh, Mazboud, Jiyeh ou Iqlim el-Kharroub, des figures anciennement affiliées au Courant du Futur ont activement participé à la constitution de listes indépendantes. À Damour, la tête de liste victorieuse, un ingénieur du secteur public, était un ancien conseiller technique du député futuriste local. À Naameh, la liste indépendante ayant remporté 11 sièges sur 12 était constituée à 70 % d’anciens candidats du Courant du Futur de 2016.
Moyens logistiques et mobilisation indirecte
Dans les zones de Mazboud, Barja, Ketermaya et Jiyeh, plusieurs comités électoraux non revendiqués officiellement ont été formés à partir du mois d’avril 2025. Ces cellules ont distribué du matériel de campagne, loué des bureaux électoraux et organisé des réunions avec les électeurs. À Jiyeh, le financement d’une liste indépendante a été assuré par une association présidée par un ancien membre du bureau politique du Courant du Futur. À Barja, le délégué d’une liste non partisane a reconnu que des tracts avaient été imprimés dans l’imprimerie privée d’un ancien parlementaire affilié au mouvement. La participation dans ces zones est restée stable : Jiyeh (45,1 %), Mazboud (44,6 %), Naameh (47,5 %), Damour (49,1 %), soit légèrement au-dessus de la moyenne régionale.
Justification officielle et silence stratégique
Aucune déclaration officielle de Saad Hariri n’a été publiée durant la période électorale. Selon les relais locaux du parti, cette position vise à éviter de s’engager dans une compétition à faible impact institutionnel, en prévision d’une éventuelle réorganisation en 2026. Un communiqué non signé, diffusé discrètement dans les bureaux du parti à Saida, mentionnait la volonté de « respecter l’autonomie des initiatives locales ». À Beyrouth, Tripoli et Saida, les antennes régionales du mouvement ont également suspendu leurs activités municipales. Aucun nom du Courant du Futur n’apparaît dans les candidatures déposées au ministère de l’Intérieur pour la phase du Mont-Liban.
Effet sur le vote sunnite et configuration locale des résultats
Dans les zones à majorité sunnite, la dispersion du vote a favorisé des candidatures indépendantes souvent issues d’anciens cadres locaux. À Damour, 3 listes étaient en compétition, toutes composées en partie de figures affiliées au réseau du Courant du Futur. À Jiyeh, la liste victorieuse, composée d’ingénieurs et de commerçants, a obtenu 9 sièges. Aucun candidat FL, CPL ou Kataëb n’a été élu dans ces communes. Le vote communautaire a ainsi été structuré autour d’affiliations historiques, sans intervention des grandes formations nationales.
Cartographie de l’influence post-retrait
Damour : 8 sièges indépendants sur 15 affiliés à d’anciens réseaux du Courant du Futur
Naameh : 11 sur 12
Barja : 7 sur 15
Jiyeh : 9 sur 15
Mazboud : 6 sur 12
Ain Dara : 5 sur 15
Iqlim el-Kharroub : 4 à 6 sièges selon les villages
Total estimé : environ 50 à 60 sièges contrôlés par des figures issues du courant haririen
Comparaison avec les cycles précédents
En 2016, le Courant du Futur contrôlait directement ou indirectement 19 conseils municipaux dans le Mont-Liban. En 2025, malgré l’absence de présence officielle, ses anciens cadres restent présents dans environ 13 conseils sur les 52. La perte d’influence est mesurable en termes de visibilité, mais la base électorale reste partiellement active, notamment via des candidatures locales non partisanes.