Pour marquer l’ouverture du Festival International de Jounieh, les habitants du Kesrouan ont été aux premières loges depuis leurs bourgades donnant sur la baie, pour assister au fabuleux spectacle pyrotechnique illuminant le ciel libanais.

Un show grandiose certes, mais qui tombe très mal, très franchement. Ces quelques lignes ne se veulent pas être des trouble-fête, mais on aurait pu certainement se passer de ce cirque, de ces fausses allures de célébration aux coûts inutiles et nocives sur tous les plans. Ce cocktail explosif de produits chimiques dans les cieux a inondé l’atmosphère de particules toxiques pour se rabattre ensuite sur les spectateurs, sur l’eau et les habitations avoisinantes.

Si nous étions dans un pays où ces feux d’artifices se font à raison d’une ou deux fois par an, à des occasions bien précises, on n’aurait pas trop à se plaindre. Mais le souci, c’est qu’au Liban, avec le début de la saison estivale, chaque soir, du Nord au Sud, les locaux célèbrent leurs épousailles à coups de Kalachnikov et de feux d’artifices pompeux. Des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars qui partent en fumée, pour quelques minutes de spectacle futile.

L’intérêt commun et national est toujours aux oubliettes, et les lois sont là mais restent sur du papier ; rien qu’à titre d’exemple, l’argent versé pour la fantasmagorie de Jounieh, aurait pu contribuer à beaucoup de projets à but humanitaire ou rénovateur… Il aurait fait beaucoup plus d’habitants heureux à long terme, que de les anesthésier pendant quelques minutes par une scène féerique.

Il n’existe malheureusement pas de sensibilisation aux dangers causés par les feux d’artifices : les risques de brûlures, d’amputations dont peuvent souffrir les artificiers et les spectateurs – les urgences de nos hôpitaux ont beaucoup à raconter sur de tels incidents – les effets néfastes sur la santé cardiaque des personnes âgés, les troubles provoqués chez les nourrissons à proximité, les risques d’incendies, et les retombées catastrophiques sur la faune et la flore…

Un autre facteur absurde sur l’utilisation des feux d’artifice assourdissant, mais ô combien passé sous silence : la pollution sonore. Dire que le son de ces pétards nuit à la faune, notamment aux portées d’oiseaux serait ridicule – malgré les appels pressants des différentes ong libanaises – pour un peuple avide de chasse chaotique et incapable de respecter les droits de l’homme avant ceux des animaux. Il est plus qu’étonnant de voir que notre peuple, ne peut festoyer qu’à coups de fusils, de pétards, et de bombes. Nos décennies de guerres et nos années de guerres froides rythmées à coups d’attentat explosifs n’ont parait-il aucunement suffit à nous casser les oreilles et nous troubler. Quand il n’y a pas de conflits ou d’attentat, on a besoin de scander nos évènements, heureux ou malheureux, à coups d’explosions et de détonations, faisant office de berceuses addictives dont on ne peut se séparer.

Dans un pays sans président depuis plus d’un an, avec un gouvernement et un parlement illégaux, avec la corruption dans laquelle on macère, avec nos soldats au sort inconnu, capturés par Daesh et Al-Nosra depuis 10 mois, avec nos bientôt deux millions de réfugiés qui nous pompent l’air (pollué) parce que l’Etat est aux abonnés absents pour gérer leurs droits et les nôtres, avec des routes aux infrastructures défaillantes, avec les centaines de commerces qui font banqueroute et les milliers d’autochtones qui bouclent leurs valises pour aller vers d’autres horizons pour de bons, on a besoin de faire la fête … sur des airs de pétards envenimés.

Tirer la sonnette d’alarme est désormais inutile, puisqu’inaudible, étouffée par les mélodies pyrotechniques. Peut-être la seul sonnette d’alarme que nous serions capables d’ouïr et d’assimiler, serait celle des canons pour nous secouer et nous rendre compte qu’effectivement rien ne va, et que ces festivités analgésiques ne font que supprimer notre sensibilité à la douleur, sans pour autant éradiquer cette dernière. A bon entendeur,… BOUM !

Par Marie-Josée Rizkallah

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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