Le 27 mars 2025, une controverse éclate au Liban autour de la proposition d’un nouveau gouverneur pour la Banque du Liban (BDL), alors que le pays traverse une crise économique sans précédent. Le député Michel Doueihi a publiquement critiqué ce choix sur la plateforme X, dénonçant un candidat soutenu par des forces opposées à la transparence et à une répartition équitable des pertes financières. Cette nomination, qui doit être tranchée en Conseil des ministres, soulève des enjeux cruciaux pour l’avenir des dépôts bancaires et les relations avec le Fonds monétaire international (FMI).
Une candidature contestée
Dans son message, Michel Doueihi exprime une opposition ferme au nom proposé pour succéder à l’actuel gouverneur de la BDL. Sans le nommer explicitement, il critique un profil soutenu par des acteurs politiques et économiques qui, selon lui, rejettent toute forme de responsabilité dans la crise financière débutée en 2019. Ces soutiens, affirme-t-il, cherchent à faire porter l’essentiel des pertes à l’État, au détriment des déposants dont les fonds, estimés à plus de 100 milliards de dollars, sont gelés depuis cinq ans.
Le député met en garde contre une candidature qui pourrait aggraver la situation déjà désastreuse des finances libanaises. Il appelle les membres du Conseil des ministres à assumer leur « responsabilité historique » lors du vote prévu ce jour-là, soulignant que ce choix sera un moment de vérité pour la classe politique face aux citoyens et à leurs consciences.
Un lien avec une étude controversée
Doueihi associe le candidat à une étude publiée par l’université Harvard, qu’il aurait défendue par le passé. Ce document, accessible au public, propose des solutions radicales pour résoudre la crise bancaire, notamment la conversion des dépôts en dettes publiques, suivie d’une décote forcée (haircut) de 80 à 90 %. Une telle mesure, si appliquée, anéantirait la majeure partie des économies des Libanais, déjà durement touchés par l’inflation et la dévaluation de la livre. Cette proposition, qualifiée par le député de « pire solution imaginable », suscite une vive inquiétude parmi les déposants et les observateurs économiques.
Cette étude, bien que théorique, reflète une approche qui privilégie la recapitalisation des banques au détriment des citoyens, un scénario que Doueihi juge inacceptable. Il reproche au candidat de s’aligner sur une vision qui sacrifie les droits des déposants au profit d’un système bancaire en faillite.
Des positions incompatibles avec le FMI
Le député va plus loin en attribuant au candidat des positions problématiques, relayées par des enquêtes journalistiques internationales. Parmi celles-ci, une opposition au retrait total de la confidentialité bancaire, une condition clé exigée par le FMI pour débloquer une aide financière. Cette réticence pourrait compromettre les négociations en cours, entamées en 2022 mais toujours au point mort faute de réformes structurelles.
Doueihi critique également les projets du candidat pour la restructuration des banques, qui ne répondraient pas aux exigences du FMI. Ces plans, selon lui, privilégieraient des solutions internes sans transparence ni accountability, risquant de prolonger l’impasse financière. Enfin, il évoque des « orientations particulières » sur la gestion des réserves d’or de la BDL, estimées à environ 18 milliards de dollars en 2025, sans préciser si cela implique une vente ou une utilisation comme garantie, deux options controversées dans le débat public.
Une crise bancaire au cœur du débat
La nomination du gouverneur de la BDL intervient dans un contexte critique. Depuis la crise de 2019, le système bancaire libanais est en quasi-paralysie, avec des restrictions draconiennes sur les retraits et une perte de confiance généralisée. L’ancien gouverneur, Riad Salamé, a quitté son poste en juillet 2023 sous un nuage d’accusations de corruption et de mauvaise gestion, laissant un vide que son intérimaire n’a pas comblé. Le choix du prochain gouverneur est donc déterminant pour redéfinir la politique monétaire et restaurer une crédibilité internationale.
Les déposants, principaux victimes de cette crise, attendent des mesures pour récupérer leurs fonds, tandis que l’État, en défaut de paiement depuis 2020, manque de ressources pour assumer seul les pertes. Le FMI insiste sur une répartition équitable entre l’État, les banques et les gros déposants, une approche que les soutiens du candidat semblent rejeter, selon Doueihi.
Une responsabilité historique
En conclusion de son message, Michel Doueihi interpelle directement ses collègues du Conseil des ministres. « Chaque vote pour ce candidat sera un acte dont ils devront répondre devant les Libanais et leur propre conscience », écrit-il. Cette mise en garde reflète l’ampleur des attentes populaires dans un pays où la crise économique a plongé plus de 80 % de la population sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.