lundi, mai 12, 2025

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Liban-Sud : l’armée en première ligne entre tirs croisés et accords tacites

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Le Sud du Liban, déjà marqué par des décennies de conflits, est redevenu un foyer de tensions complexes, à la croisée de plusieurs dynamiques militaires, politiques et diplomatiques. Alors que les regards sont tournés vers la bande de Gaza, des incidents sécuritaires répétés dans les zones frontalières libanaises rappellent la fragilité de l’équilibre local. Ces événements mettent à l’épreuve l’armée libanaise, désormais sommée de jouer un rôle de stabilisateur dans un environnement fragmenté, sur fond de rapports ambigus avec les milices palestiniennes et les forces de résistance.

Début mai, une série de tirs de roquettes en provenance de zones proches de la frontière israélienne a été rapportée. Si aucun groupe ne les a officiellement revendiqués, les regards se sont rapidement tournés vers des factions palestiniennes implantées dans les secteurs de Qlayleh et Rashidieh. Ces tirs, bien que sporadiques, ont suscité une riposte immédiate de l’artillerie israélienne, visant ce que l’armée hébraïque qualifie de « positions opérationnelles » dans les zones non contrôlées directement par l’armée libanaise.

Face à cette escalade limitée mais récurrente, l’état-major de l’armée libanaise a intensifié ses patrouilles dans la région de Tyr et le long du secteur est de la ligne bleue. Des checkpoints temporaires ont été érigés, et des unités mécanisées ont été redéployées afin de maintenir la pression dissuasive sur les groupes susceptibles d’agir hors contrôle. Toutefois, comme le rappelle un officier supérieur cité dans la presse, « l’armée n’est pas seule dans ce théâtre ; la gestion du terrain implique des équilibres complexes que nous devons respecter ».

Ces propos font allusion à une réalité bien connue mais rarement officialisée : certaines zones au Sud échappent partiellement au contrôle direct de l’État. Des groupes armés palestiniens, notamment affiliés au Hamas et au Jihad islamique, y opèrent dans une forme de tolérance mutuelle implicite. Officiellement, l’armée libanaise ne coopère avec aucune faction armée. En pratique, une coordination de fait semble exister, surtout pour éviter des confrontations ouvertes sur le terrain.

Dans ce contexte, la remise discrète de plusieurs suspects palestiniens impliqués dans des tirs de roquettes a été confirmée par des sources locales. Aucun communiqué officiel ne mentionne cet événement, mais des articles de presse évoquent un « échange sécurisé » entre des représentants palestiniens et des unités de renseignement militaire libanaises. Ce geste, interprété comme un signal de bonne volonté, viserait à limiter les représailles israéliennes en démontrant que l’État libanais conserve une capacité d’encadrement, même indirect, des groupes présents sur son sol.

La marge de manœuvre de l’armée est toutefois étroite. Elle doit affirmer sa souveraineté sans provoquer de clash avec les groupes armés établis, ni compromettre la stabilité locale. Plusieurs officiers, dans des échanges avec des journalistes, insistent sur l’importance de préserver un « front interne cohérent » pour éviter une détérioration généralisée. D’un autre côté, la communauté internationale, et notamment la FINUL, exerce une pression constante sur le Liban pour que l’intégralité de la zone sud reste exempte d’activités militaires non étatiques.

Le gouvernement libanais reste discret sur ces événements. Le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam ont tous deux souligné, dans des discours récents, l’importance de la stabilité nationale et de la neutralité militaire face aux conflits régionaux. En parallèle, le ministre de la Défense a reçu plusieurs représentants onusiens afin de discuter de la coordination sur le terrain, notamment dans les zones où la FINUL dispose d’un mandat renforcé. Aucune mesure nouvelle n’a été annoncée, mais le ton général vise à rassurer sur l’engagement de l’armée dans le respect de la résolution 1701.

La population civile, elle, vit dans une inquiétude chronique. À Naqoura, Marjayoun et Khiam, les habitants redoutent une reprise des hostilités sur le modèle des précédentes escalades. Certains ont temporairement quitté leurs villages après les bombardements israéliens, tandis que d’autres dénoncent le silence des autorités sur les mesures de protection prévues. Dans les écoles, des exercices d’évacuation ont été organisés en urgence, et les hôpitaux de la région ont activé leurs protocoles de crise.

Sur le plan politique, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer le double discours de certains acteurs. Des députés de la région sud rappellent que la souveraineté de l’État ne peut être négociable, et appellent à une clarification officielle du rôle des groupes palestiniens sur le territoire libanais. En face, les représentants de ces groupes insistent sur leur « rôle de résistance » et accusent certaines formations politiques de vouloir « criminaliser l’action nationale palestinienne ».

La situation actuelle met en lumière la limite du modèle sécuritaire libanais. L’armée est respectée, mais sous-dotée. Son mandat est clair, mais ses moyens restent faibles face à des acteurs bien organisés et armés. La coordination avec la FINUL, bien qu’efficace dans certains secteurs, ne permet pas d’endiguer à elle seule les initiatives isolées ou les provocations tactiques.

Ce fragile équilibre sécuritaire risque d’être mis à rude épreuve si les tensions régionales s’intensifient. L’armée libanaise, bien que loyale à ses missions constitutionnelles, se retrouve dans une position où elle doit contenir l’instabilité sans disposer de la pleine autorité sur le terrain. Les “accords tacites” mentionnés en coulisse ne suffisent plus à masquer l’ambiguïté d’un système où l’État est à la fois garant de la souveraineté et gestionnaire de rapports de force parallèles.

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Newsdesk Libnanews
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