En mars 2025, alors que le Liban reste englué dans une crise économique profonde, une interrogation persiste : où se trouve l’or de la Banque du Liban (BDL) ? Avec 286,8 tonnes de réserves, valorisées à environ 23 milliards de dollars, cet actif représente un enjeu stratégique pour un pays à la monnaie dévaluée – plus de 89 000 livres pour un dollar au marché parallèle. Est-il à Beyrouth ou à Fort Knox, aux États-Unis ? Cette question, accentuée par le contexte économique mondial sous la présidence de Donald Trump, soulève des débats sur la souveraineté, la vente potentielle de l’or et ses conditions légales, dans un écho aux préoccupations de pays comme l’Allemagne.
Les réserves d’or : un actif sous pression
La BDL détient 286,8 tonnes d’or, plaçant le Liban au 19e rang mondial et au 2e dans la région MENA. À 2 500 dollars l’once en mars 2025, cet or constitue plus de 50 % des réserves de la banque centrale, un rempart face à une crise débutée en 2019. Accumulé pour stabiliser la livre jusqu’aux années 1970, il a pris une dimension critique durant la guerre civile (1975-1990), période où une partie aurait été transférée à Fort Knox pour des raisons de sécurité. La répartition exacte entre Beyrouth et les États-Unis reste non précisée officiellement.
Transparence et audits : un flou persistant
Un inventaire en 2022 a confirmé la présence d’une partie de l’or à Beyrouth, mais sans englober les 286,8 tonnes. Des audits de Deloitte et EY en 2018 avaient noté un accès restreint aux réserves locales, limité aux dirigeants de la BDL. Pour l’or supposément à Fort Knox – environ 60 % selon des estimations historiques –, aucune mise à jour récente n’existe. Ce manque de clarté alimente les doutes dans un pays où la confiance envers les institutions est fragilisée.
Le contexte économique sous Trump : incertitudes globales
Depuis son retour à la présidence en janvier 2025, Donald Trump a lancé une politique économique marquée par des tarifs douaniers élevés et une dérégulation, influençant les marchés mondiaux. Des taxes de 10 % sur les importations et de 25 % sur des partenaires comme le Canada et le Mexique, imposées début février, ont perturbé le commerce international, augmentant les coûts pour les consommateurs américains et leurs partenaires. Cette approche protectionniste, visant à relocaliser la production aux États-Unis, a renforcé le dollar, mais elle complique les flux financiers pour des pays comme le Liban, dépendants des importations et des dollars.
La guerre commerciale ravivée avec la Chine et les tensions géopolitiques ajoutent une pression sur les matières premières, y compris l’or, dont le prix reste élevé mais volatile. Pour le Liban, cette conjoncture limite les options : vendre l’or pour obtenir des devises fortes est tentant, mais expose le pays à des risques accrus dans un climat instable dominé par les politiques de Trump.
Fort Knox et l’exemple allemand
Stocker de l’or à Fort Knox offre une sécurité contre l’instabilité interne, comme les conflits au sud en 2024, mais suscite des inquiétudes face aux tensions avec les États-Unis. L’Allemagne, avec 3 352 tonnes de réserves, a connu un débat similaire. Entre 2013 et 2020, elle a rapatrié 674 tonnes de Fort Knox et New York à Francfort, répondant à des demandes de transparence et à des préoccupations sur la dépendance extérieure. En mars 2025, les guerres commerciales de Trump ravivent ces questionnements en Allemagne, où certains s’interrogent sur la sécurité des stocks restants à l’étranger.
Au Liban, un tel rapatriement est envisagé, mais les infrastructures et la stabilité nécessaires font défaut. La comparaison avec l’Allemagne montre une différence clé : Berlin disposait d’une économie robuste pour gérer ce processus, contrairement à Beyrouth.
Conditions légales de la vente au Liban
La vente de l’or est régie par la loi n° 42 de 1986, qui interdit son utilisation sans un vote du Parlement. Le Code de la monnaie et du crédit de 1963 exige également un décret exécutif après approbation législative, rendant toute décision politiquement complexe dans un pays divisé. L’or ne peut être vendu pour des besoins budgétaires courants ou pour rembourser des dettes, comme les Eurobonds en défaut, sauf si le Parlement le juge vital pour la stabilité nationale. Un audit préalable est requis, une étape entravée par le manque de transparence historique.
Un dilemme accentué par le contexte mondial
Le protectionnisme de Trump complique les choix du Liban. Rapatrier l’or renforcerait la souveraineté, mais exige des garanties sécuritaires absentes. Vendre une partie des réserves, comme suggéré par certains pour injecter des dollars, se heurte aux contraintes légales et aux risques de volatilité accrue dans un marché mondial perturbé. Comme en Allemagne ou en Suisse, où les fonds gérés par des banques américaines interrogent, le Liban se trouve à un carrefour : dépendance extérieure ou autonomie incertaine. Sans clarification sur sa localisation et les intentions de la BDL, l’or reste un actif précieux mais énigmatique.