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Pourquoi Bachar el-Assad a échoué à devenir un despote éclairé à la manière de Frédéric II de Prusse

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Lorsque Bachar el-Assad accède au pouvoir en 2000, il incarne pour certains un nouvel espoir. Jeune, instruit en Europe et doté d’une formation scientifique, il semble capable de rompre avec l’autoritarisme rigide de son père Hafez el-Assad. Certains observateurs vont même jusqu’à lui prêter l’image d’un « despote éclairé » en devenir, inspiré par des figures comme Frédéric II de Prusse, qui avaient su moderniser leur État tout en consolidant leur pouvoir. Mais plus de deux décennies plus tard, le bilan de Bachar est sans appel : il est resté un tyran défensif, incapable d’incarner cette vision d’autorité progressiste. Pourquoi cet échec ?

L’influence d’Anissa Makhlouf et des intérêts claniques

Dès son arrivée au pouvoir, Bachar se retrouve pris dans les filets de sa propre famille, en particulier de sa mère Anissa Makhlouf. Cette dernière, héritière d’une des familles les plus influentes de Syrie, s’impose comme la gardienne du système clanique mis en place par Hafez el-Assad.

• Les Makhlouf : une domination économique
La famille Makhlouf, incarnée par Rami Makhlouf, cousin de Bachar, contrôle les secteurs stratégiques de l’économie. Toute réforme économique ou tentative de modernisation aurait menacé leurs privilèges. Bachar, soucieux de préserver l’équilibre familial, sacrifie ainsi les réformes nécessaires.

• Le poids du clan
Là où un despote éclairé aurait placé les intérêts de l’État au-dessus des siens, Bachar s’est enfermé dans une logique clanique et familiale, incapable de transcender cette structure pour imposer un État moderne.

Le verrouillage du régime : parti Baas et services sécuritaires

Le régime hérité de Hafez el-Assad repose sur deux piliers : le parti Baas et les services de renseignement (moukhabarat).

• L’État dans l’État : les moukhabarat
Les services de sécurité exercent un contrôle omniprésent sur la société syrienne. Là où Frédéric II pouvait imposer des réformes en s’appuyant sur un pouvoir absolu, Bachar est prisonnier de ces structures, qui rejettent toute forme d’ouverture.

• Un équilibre clanique précaire
Hafez el-Assad avait bâti un équilibre délicat entre les factions tribales, les élites économiques et militaires. Toute tentative de réformer ce système risquait de provoquer un effondrement. Bachar a préféré la stabilité autoritaire plutôt que l’innovation politique.

• Peur de l’effet domino régional
La chute de Saddam Hussein en Irak en 2003 a renforcé la méfiance des régimes arabes envers le changement. Comme ses voisins, Bachar a redouté que des réformes, même limitées, ne provoquent une révolte incontrôlable.

Le manque de vision et de charisme politique

Frédéric II de Prusse était un souverain visionnaire, cultivé et charismatique. À l’inverse, Bachar el-Assad souffre de faiblesses notoires :

• Absence de charisme naturel
Contrairement à son père Hafez, qui imposait respect et crainte, Bachar apparaît souvent comme hésitant et effacé. Ce manque de leadership nuit à sa capacité d’incarner une autorité modernisatrice.

• Manque de vision à long terme
Là où Frédéric II avait pour ambition d’élever la Prusse à travers des réformes économiques, culturelles et sociales, Bachar s’est contenté de gérer la survie du régime sans projet transformateur.

• Dépendance à son entourage
Incapable de dépasser les figures dominantes du régime – famille, parti Baas et services sécuritaires – Bachar montre un manque d’autorité personnelle pour imposer des réformes.

L’échec de la libéralisation économique

Dans les années 2000, Bachar tente timidement une ouverture économique. Mais là où Frédéric II avait investi dans des réformes pour le bien de tous, la politique de Bachar s’avère désastreuse :

• Une économie inégalitaire et clientéliste
L’ouverture profite exclusivement à l’élite proche du régime, notamment Rami Makhlouf, tandis que la majorité de la population ne voit aucune amélioration. Cette économie de rente accentue les inégalités et alimente les frustrations.

• L’absence de protections sociales
Aucun investissement sérieux n’est réalisé dans les secteurs clés comme l’éducation, la santé ou les infrastructures, privant Bachar d’une légitimité populaire.

• Tensions rurales et urbaines
Les politiques économiques aggravent la marginalisation des zones rurales, provoquant un exode vers les villes déjà saturées. Ce déséquilibre sera un facteur clé des soulèvements de 2011.

La question confessionnelle : un pouvoir tribal et sectaire

Là où un despote éclairé transcende les divisions pour construire un État unifié, Bachar s’enferme dans une logique confessionnelle :

• La domination alaouite
Les alaouites, minorité à laquelle appartient la famille Assad, monopolisent l’armée et les services de sécurité. Cette domination exacerbe les tensions avec la majorité sunnite.

• Diviser pour régner
Plutôt que de réconcilier les communautés, Bachar instrumentalise les clivages confessionnels pour asseoir son pouvoir, sapant toute possibilité d’unité nationale.

La politique étrangère : une dépendance stratégique

• Des alliés encombrants
L’Iran et la Russie soutiennent Bachar militairement et économiquement, mais au prix d’une perte de souveraineté. Le régime syrien est ainsi contraint de servir les intérêts de ses protecteurs.

• Isolement diplomatique
Depuis l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, la Syrie est isolée sur la scène internationale, ce qui rend impossible toute ouverture vers l’Occident.

L’absence d’un pacte social avec le peuple

Un despote éclairé repose sur un contrat implicite : la population accepte un pouvoir autoritaire en échange de stabilité, de prospérité et de justice sociale. Bachar a échoué sur tous ces points.

• Corruption et injustice
Le régime est gangrené par la corruption et l’inégalité, alimentant la colère populaire.

• La répression systématique
Plutôt que d’écouter les revendications sociales, Bachar a répondu par la violence, détruisant tout pacte social et toute légitimité populaire.

Conclusion

Bachar el-Assad avait le potentiel, en apparence, de suivre les pas d’un despote éclairé. Pourtant, il échoue pour des raisons profondes : le poids de sa famille, les structures sécuritaires omnipotentes, son manque de charisme et de vision, ainsi que l’échec de sa politique économique et sociale. Prisonnier d’une logique confessionnelle et dépendant d’alliés étrangers, il sacrifie toute modernisation pour la survie de son régime.

Loin d’être un souverain éclairé, Bachar el-Assad restera dans l’histoire comme un dirigeant défensif, incapable de réformer, et dont les choix ont plongé la Syrie dans une tragédie humaine et nationale sans précédent.

Bernard Raymond Jabre

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Bernard Raymond Jabre
Bernard Raymond Jabre
Bernard Raymond Jabre, Etudes scolaires à Jamhour puis à l’Ecole Gerson à Paris, continua ses études d’économie et de gestion licence et maitrise à Paris -Dauphine où il se spécialise dans le Master « Marchés Financiers Internationaux et Gestion des Risques » de l’Université de Paris - Dauphine 1989. Par la suite , Il se spécialise dans la gestion des risques des dérivés des marchés actions notamment dans les obligations convertibles en actions et le marché des options chez Morgan Stanley Londres 1988 , et à la société de Bourse Fauchier- Magnan - Paris 1989 à 1991, puis il revint au Liban en 1992 pour aider à reconstruire l’affaire familiale la Brasserie Almaza qu’il dirigea 11 ans , puis il fonda en 2003 une société de gestion Aleph Asset Management dont il est actionnaire à 100% analyste et gérant de portefeuille , de trésorerie et de risques financiers internationaux jusqu’à nos jours.