Le 7 janvier 2025 marque un tournant dans l’histoire politique française avec la disparition de Jean-Marie Le Pen, figure incontournable de la droite radicale et du nationalisme en France. Ancien président du Front National, devenu Rassemblement National sous la houlette de sa fille Marine, Le Pen a marqué l’Hexagone pendant plus de cinq décennies par ses prises de position souvent polémiques et sa vision du monde radicalement opposée à l’establishment. Mais que signifie la disparition de ce personnage pour le Liban ? Quels échos son départ peut-il susciter dans le pays du Cèdre, où les enjeux géopolitiques et les relations avec la France sont plus que jamais d’actualité ?
Jean-Marie Le Pen a souvent évoqué le Liban, en particulier à travers son prisme nationaliste et ses préoccupations liées aux relations franco-libanaises, aux enjeux géopolitiques du Moyen-Orient et à la position de la France dans cette région. Voici quelques moments clés où il a évoqué le Liban :
La guerre civile libanaise (1975-1990)
Jean-Marie Le Pen a suivi de près les événements du Liban pendant la guerre civile, notamment à travers sa défense des chrétiens libanais, notamment les maronites, qui étaient perçus par Le Pen comme des défenseurs de l’Occident face à l’expansion du radicalisme islamique. Le Pen a exprimé des préoccupations concernant l’influence grandissante des mouvements islamistes au Liban et la nécessité pour la France, en tant qu’ancienne puissance mandataire, d’intervenir ou d’apporter son soutien aux factions chrétiennes, en particulier durant les années 1980, lorsque la France a joué un rôle dans les négociations du cessez-le-feu et dans les efforts pour stabiliser la région.
Position sur Israël et le Hezbollah
Au fil des années, Le Pen a abordé le conflit israélo-palestinien et les questions liées à la présence du Hezbollah au Liban. Dans ses discours, il a souvent mis en avant une critique de l’influence iranienne au Liban et du rôle du Hezbollah en tant que groupe terroriste, tout en adoptant une posture pro-israélienne, position qui ne passait pas inaperçue au Liban. Cette position était parfois en décalage avec certaines factions libanaises, notamment celles proches de la Syrie ou de l’Iran.
Position sur la Syrie et l’Iran
Concernant la Syrie et l’Iran, deux pays clés du Moyen-Orient, Jean-Marie Le Pen a pris des positions qui ont divergé de celles de la majorité des pays occidentaux, y compris la France sous d’autres gouvernements. Bien qu’il n’ait pas soutenu ouvertement ces régimes, il a parfois exprimé une forme de scepticisme face aux sanctions internationales contre ces pays. Le Pen n’était pas particulièrement hostile à l’Iran, mais il rejetait l’idée d’une guerre contre le pays, préférant une approche de négociation. Cela pouvait être interprété comme une position plus neutre par rapport à l’attitude plus hostile de l’Occident vis-à-vis de l’Iran.
La position de la France au Liban
Jean-Marie Le Pen a également commenté la politique de la France à l’égard du Liban, notamment en matière de soutien aux diverses factions politiques libanaises. Il critiquait souvent la position de la France qui, selon lui, ne défendait pas suffisamment les intérêts français et européens au Liban, notamment face à l’ingérence de puissances extérieures comme l’Iran ou la Syrie. Il prônait une position plus affirmée et indépendante de la part de la France dans ses relations avec le Liban, en particulier dans le cadre de la gestion des relations avec le monde arabe et islamique.
Le rôle de la France dans la reconstruction du Liban après 2005
Après l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005, Jean-Marie Le Pen a pris position sur le rôle de la France dans le processus de reconstruction du Liban. Il a exprimé des opinions sur l’opportunité pour la France de jouer un rôle plus actif dans le soutien à la reconstruction du Liban, mais également d’être plus ferme contre les influences étrangères qui, selon lui, compromettaient la souveraineté libanaise.
Le Liban dans le contexte des relations franco-arabes
Dans ses interventions publiques, Jean-Marie Le Pen a souvent souligné l’importance des relations entre la France et le monde arabe, y compris le Liban. Il plaidait pour une politique étrangère plus indépendante, en particulier en ce qui concerne les relations avec le monde musulman. Le Pen a régulièrement évoqué le Liban dans ce cadre, en soulignant la complexité des relations entre les différents groupes confessionnels libanais et les puissances régionales, notamment la Syrie et l’Iran.
La question de l’immigration en France et au Liban : une analyse similaire de l’impact sociétal
Jean-Marie Le Pen a souvent souligné que l’immigration, qu’elle soit en provenance d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie, constituait une menace pour l’identité nationale et la cohésion sociale en France. Il prônait une politique stricte de contrôle de l’immigration et de priorité donnée aux Français d’origine. Il a fréquemment comparé l’immigration en France à celle qu’il percevait comme étant un facteur de fragilisation pour les sociétés occidentales en général, y compris le Liban. Le Liban, étant un petit pays avec une population relativement faible comparée à la diversité de ses réfugiés et immigrants (notamment syriens, palestiniens et irakiens), offre un terrain d’analyse intéressant pour Le Pen qui comparait souvent la gestion de cette émigration à la situation en France.
En effet, tout comme la France, le Liban a dû faire face à des vagues de migration massives, que ce soit en raison de conflits régionaux ou de crises internes. Le Pen a, à plusieurs reprises, souligné la manière dont l’immigration non contrôlée pouvait exacerber les tensions internes, et ce, tant en France qu’au Liban. Toutefois, alors que la France faisait face à des migrants économiques ou des réfugiés de guerre, le Liban devait gérer des communautés de réfugiés permanents, notamment palestiniens et syriens, sur son propre territoire.
Les émigrants libanais en France : un parallèle entre l’accueil et la réintégration
Jean-Marie Le Pen a aussi abordé la question de l’émigration des Libanais vers la France, en particulier au début du 20e siècle et au cours des années de guerre civile (1975-1990). Pour Le Pen, l’immigration libanaise en France était souvent perçue sous un angle positif, en tant que communauté d’origine chrétienne, partageant des valeurs communes avec l’identité française. Les Libanais de la diaspora, en particulier ceux d’origine chrétienne maronite, ont en effet été perçus comme un groupe relativement bien intégré, surtout dans les années 80 et 90, et contribuant à l’économie et à la culture françaises. Le Pen évoquait parfois ce groupe d’émigrants comme une émigration qui réussissait à préserver une identité culturelle forte tout en s’intégrant dans le tissu social français.
Cependant, le discours de Jean-Marie Le Pen sur l’immigration en France a aussi fait écho à son rejet plus large de l’immigration en provenance de pays musulmans, notamment en raison des conflits géopolitiques au Moyen-Orient. À ce titre, il mettait souvent en garde contre ce qu’il percevait comme un double standard dans le traitement des réfugiés, où certaines communautés, comme les Syriens ou les Palestiniens, étaient perçues différemment par rapport aux Libanais émigrés, qu’il considérait comme mieux intégrés à la société française.
Les risques de communautarisme : Le Pen et la comparaison des communautés libanaises en France et au Liban
Le Pen mettait également en avant les risques du communautarisme, tant en France qu’au Liban, soulignant que l’immigration massive pouvait mener à des enclaves culturelles distinctes, à des conflits internes, voire à la déstabilisation de la société. Il critiquait l’idée de multiculturalisme, qu’il estimait incompatible avec l’identité nationale française. Cette vision pouvait également s’appliquer au Liban, où la coexistence de multiples groupes confessionnels – chrétiens, musulmans sunnites et chiites, druzes – rendait difficile une véritable unité nationale, tout comme il percevait des tensions similaires en France, où la question de l’intégration des immigrés, en particulier ceux issus de pays à majorité musulmane, était souvent mise sur la table.
Le Pen, en évoquant la situation libanaise, insista parfois sur les dangers d’une trop grande ouverture aux réfugiés, en pointant du doigt le risque que ces vagues migratoires puissent renforcer des divisions sociales et communautaires dans le pays. Pour lui, tant la France que le Liban devraient se méfier de l’augmentation de ces communautés homogènes qui risqueraient, selon lui, d’éroder la cohésion sociale et d’entraver l’intégration.