Une visite présidentielle hautement symbolique
Le mercredi 8 mai 2025, le président de la République libanaise, Joseph Aoun, a effectué une visite officielle au siège de la Banque du Liban à Beyrouth. Accueilli par le nouveau gouverneur, Karim Souaid, récemment nommé à la tête de l’institution, le chef de l’État a tenu à souligner l’importance du rôle de la Banque centrale dans la relance économique du pays. Cette visite, la première d’un président de la République depuis le mandat de Fouad Chéhab, symbolise l’alignement institutionnel entre le pouvoir exécutif et la BDL dans un contexte de crise multidimensionnelle.
Redonner confiance dans un système bancaire fragilisé
Dès l’ouverture de son discours, Joseph Aoun a mis l’accent sur les attentes fortes des Libanais envers leur système bancaire, gravement ébranlé par la crise financière déclenchée en 2019. « La confiance ne se décrète pas, elle se reconstruit. C’est à la Banque du Liban de jouer ce rôle », a-t-il déclaré devant le gouverneur Souaid et les quatre vice-gouverneurs présents : Wassim Mansouri (1er vice-gouverneur), Béchir Yaqzan (2e), Salim Chahine (3e), et Alexandre Mouradian (4e).
Joseph Aoun a appelé à un engagement sans faille de la direction de la BDL pour garantir la transparence, assurer la protection de la monnaie nationale et mener les opérations financières en dehors de toute ingérence politique. Selon lui, l’indépendance institutionnelle de la BDL est une condition sine qua non du retour de la stabilité monétaire et d’un climat propice à l’investissement.
Une gestion collégiale face à des défis systémiques
La rencontre s’est poursuivie dans la grande salle de réunion du siège de Hamra, où le président a insisté sur la responsabilité collective de l’équipe dirigeante de la banque centrale. Dans son allocution, il a rappelé que « la stabilité financière est un pilier fondamental de la souveraineté nationale », ajoutant que « sans elle, aucune reprise économique durable n’est envisageable ».
Faisant référence aux efforts du gouvernement et du Parlement pour faire avancer les réformes structurelles exigées par les bailleurs internationaux, Joseph Aoun a souligné la nécessité pour la BDL d’accompagner ce processus par une gouvernance exemplaire. Il a rappelé que plusieurs lois économiques fondamentales, votées ces dernières semaines, offrent un cadre légal renforcé pour la réforme du secteur bancaire, à condition que les institutions financières s’y engagent pleinement.
Karim Souaid : « Une boussole technique, loin de la politique »
Le nouveau gouverneur, Karim Souaid, a pris la parole à son tour pour remercier le président de sa visite, qu’il a qualifiée de « message fort de soutien aux institutions financières de l’État ». Il a assuré que la mission de la BDL resterait alignée sur « les règles de droit, le Code de la monnaie et du crédit, et les principes de bonne gouvernance ».
Souaid a affirmé que la BDL allait poursuivre ses efforts de réorganisation du secteur bancaire, tout en œuvrant à la stabilisation des réserves en devises, à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la protection des déposants, aujourd’hui largement affectés par les restrictions bancaires imposées depuis 2020.
Il a également insisté sur la cohésion retrouvée au sein de la direction : « Le gouverneur et ses vice-gouverneurs forment désormais une seule équipe. Cette coordination sera le socle de toutes nos décisions à venir. »
Des enjeux critiques pour les mois à venir
La reprise de la gouvernance à la BDL intervient dans un contexte extrêmement complexe. Le Liban demeure en défaut de paiement depuis mars 2020, la livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur par rapport au dollar, et les négociations avec le Fonds monétaire international restent en suspens malgré plusieurs projets de loi adoptés récemment.
Pour que les réformes économiques produisent leurs effets, le président Aoun a rappelé que l’indépendance de la BDL, sa capacité à résister aux pressions politiques et son efficacité administrative seront déterminantes. Il a également rendu hommage au travail du vice-gouverneur Wassim Mansouri, qui a assuré l’intérim à la tête de la banque centrale pendant plusieurs mois, dans un climat institutionnel délicat.
Une feuille de route pour la BDL
Parmi les priorités énoncées figurent :
- La restructuration bancaire et l’assainissement des bilans ;
- Le rétablissement de la politique monétaire sur des bases techniques et crédibles ;
- La normalisation des relations avec les banques correspondantes internationales ;
- Le renforcement de la transparence dans les opérations de change et de gestion des réserves ;
- La modernisation du système de paiement libanais.
Le président Aoun a conclu sa visite en appelant les membres de la direction de la BDL à être « les gardiens de la confiance des Libanais » et à « faire preuve d’exemplarité dans l’exercice de leur mission ».