Raids aériens intensifs dans le sud du Liban
Le jeudi 8 mai 2025, l’aviation israélienne a mené un raid de grande ampleur contre la région de Nabatieh, au sud du Liban. À partir de 11h15, plusieurs vagues d’assauts ont ciblé successivement les vallées, collines et zones boisées situées entre les localités de Kfar Tibnit, Nabatieh al-Fawqa et Kfar Rumman. La puissance des explosions a été telle que les déflagrations ont été entendues dans la quasi-totalité du district de Nabatieh et dans plusieurs localités du Sud. Ces bombardements sont les plus violents depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu du 27 novembre 2024.
Selon les données recueillies sur le terrain par les secours et les forces de sécurité, les frappes ont visé une infrastructure souterraine supposément utilisée par le Hezbollah, que l’armée israélienne qualifie de « site stratégique ». D’après un communiqué officiel israélien, ce réseau contiendrait des combattants, des armes et des équipements logistiques. L’état-major israélien affirme que le site a été « rendu inopérant ». Les autorités libanaises n’ont pas confirmé l’existence d’une telle installation.
Panique civile et perturbation massive
Le bruit des détonations, particulièrement soutenues dans la deuxième vague de frappes, a provoqué un mouvement de panique généralisé. Dans les quartiers proches de Nabatieh et de ses banlieues, de nombreux parents ont accouru dans les établissements scolaires pour évacuer leurs enfants. L’angoisse a été aggravée par l’absence d’alerte préalable. Plusieurs témoins décrivent une dizaine d’explosions consécutives particulièrement intenses. Dans un témoignage recueilli localement, le docteur Jamal Sabbagh, médecin scolaire de 29 ans, explique avoir interrompu une série de contrôles médicaux pour sécuriser les enfants en urgence, face à des enseignants eux-mêmes désemparés.
Les routes principales de la région ont été immédiatement congestionnées. Un flot continu de véhicules a envahi les axes menant aux centres urbains. Les sirènes d’ambulances retentissaient sans interruption. La Croix-Rouge libanaise a mobilisé en urgence plusieurs dizaines d’équipes pour évaluer les dégâts et évacuer les blessés. Dans un communiqué publié en fin d’après-midi, le ministère libanais de la Santé a confirmé qu’une personne avait été tuée et huit autres blessées, certaines grièvement.
Cibles visées et dégâts constatés
Outre les infrastructures présumées du Hezbollah, les frappes ont aussi touché des zones boisées connues pour leur valeur écologique et leur proximité avec des sites archéologiques classés. L’un des impacts les plus significatifs a été relevé sur la zone dite « d’Ali al-Taher », un ancien site de fouilles partiellement réaménagé en sentier naturel. Des débris ont été projetés à plus de 150 mètres de l’épicentre, selon les données relevées par la Défense civile.
L’évaluation préliminaire réalisée par les équipes techniques du ministère des Travaux publics indique que plusieurs axes secondaires ont été rendus impraticables, notamment entre Nabatieh al-Fawqa et le sud de Kfar Rumman. De nombreux câbles électriques ont été sectionnés, et des lignes téléphoniques restent hors service.
Réaction immédiate des autorités libanaises
Le président de la République, Joseph Aoun, a convoqué d’urgence le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Rodolphe Haykal, afin d’obtenir un compte-rendu précis des zones ciblées et de l’état des lieux sécuritaires. Dans un communiqué diffusé depuis Baabda, la présidence a dénoncé une violation grave des engagements internationaux, affirmant que le Liban « respecte pleinement ses obligations issues du cessez-le-feu » signé sous l’égide des Nations unies.
Parallèlement, le Premier ministre Nawaf Salam, en déplacement à Baalbek, a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a condamné les frappes israéliennes, appelant à une mobilisation internationale urgente. Il a précisé que « le gouvernement libanais a déployé tous les moyens diplomatiques pour faire cesser ces attaques » et a exhorté les États garants du cessez-le-feu, notamment la France et les États-Unis, à « intervenir de toute urgence pour contenir l’escalade ».
Le contexte tendu de l’après-trêve
Ces événements interviennent malgré le cessez-le-feu officiellement entré en vigueur le 27 novembre 2024, après plus de douze mois d’affrontements réguliers entre Israël et le Hezbollah. Selon les termes de cet accord soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU, le Hezbollah devait retirer ses combattants au nord du fleuve Litani, soit à plus de 30 kilomètres de la frontière israélienne, et démanteler ses infrastructures militaires au sud. En contrepartie, Israël s’engageait à retirer l’intégralité de ses forces du territoire libanais.
Or, selon une source sécuritaire libanaise citée dans les dépêches officielles, Israël maintient à ce jour une présence militaire dans cinq positions qu’il qualifie de « stratégiques », en violation de ses engagements. Cette présence continue alimente la tension, d’autant plus que le Hezbollah affirme, documents à l’appui, avoir évacué la zone sud conformément à l’accord et démantelé ses structures militaires. Les accusations croisées se sont multipliées ces dernières semaines, et les frappes du 8 mai semblent marquer une rupture inquiétante.
Bilan humain, choc psychologique et réactions locales
Le ministère libanais de la Santé a confirmé dans la soirée du 8 mai qu’un homme âgé de 41 ans avait succombé à ses blessures peu après son admission à l’hôpital gouvernemental de Nabatieh. L’identité de la victime n’a pas été rendue publique. Huit autres blessés ont été recensés, dont trois enfants et deux femmes, tous touchés par des éclats ou des projections. Les hôpitaux de la région ont lancé un appel au don de sang de groupe O négatif, en raison de l’état critique de l’un des blessés.
Sur le plan psychologique, de nombreux témoignages concordent sur un sentiment de terreur parmi la population civile. Les écoles publiques et privées ont été évacuées dans l’urgence. Les directions scolaires ont été submergées par l’afflux de parents, certains sous le choc, d’autres en larmes, incapables d’entrer en contact téléphonique avec leurs enfants. Des enseignants ont confié avoir dû interrompre des examens ou des ateliers pédagogiques pour conduire les élèves vers les abris improvisés. Les pleurs des enfants résonnaient encore longtemps après les frappes, selon plusieurs responsables éducatifs.
Le Conseil municipal de Nabatieh a décrété la fermeture temporaire de l’ensemble des administrations publiques et a demandé aux commerçants de baisser le rideau. La circulation des véhicules de secours a par ailleurs provoqué un engorgement massif dans les artères principales, entravant le travail des pompiers. La Défense civile a dressé des barrages pour canaliser la population et sécuriser les zones les plus touchées.
Le Hezbollah, cible désignée et enjeu régional
L’armée israélienne a justifié ses frappes par la présence présumée d’un complexe souterrain affilié au Hezbollah, situé entre Kfar Tibnit et Nabatieh al-Fawqa. Selon le communiqué publié par le porte-parole de Tsahal, ce site aurait abrité des dépôts d’armes, des tunnels de communication et un centre de commandement souterrain. L’armée précise que des « forages opérationnels » y avaient été identifiés par imagerie satellite. Aucune source indépendante ne confirme pour l’instant la véracité de ces assertions.
Depuis la guerre de 2023-2024, le Hezbollah a renforcé ses installations au nord du Litani, conformément aux engagements pris sous la pression internationale. Toutefois, Israël accuse régulièrement le groupe chiite de maintenir des « cellules dormantes » au sud de la rivière, en infraction avec la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Hezbollah, quant à lui, nie toute activité militaire dans la zone concernée, affirmant que son redéploiement a été total et vérifiable.
Le mouvement n’a pas revendiqué de riposte immédiate après les frappes du 8 mai. Un communiqué laconique publié le lendemain au matin évoque une « escalade grave et calculée » et promet une réponse « au moment et à la manière choisis ». Ce silence relatif est interprété par plusieurs analystes comme une volonté d’éviter un embrasement immédiat, dans un contexte régional déjà tendu par la situation en Syrie et en Palestine.
Une violation manifeste de la trêve ?
L’accord du 27 novembre 2024, négocié avec le soutien de la France et des États-Unis, avait pour objectif de mettre un terme à plus d’un an de tensions armées entre Israël et le Hezbollah. Le document prévoyait le retrait réciproque des forces, la cessation des frappes transfrontalières, ainsi que l’activation complète du rôle des forces de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban) au sud du Litani. Depuis sa signature, plusieurs violations mineures avaient été relevées mais sans escalade majeure. Le 8 mai marque une rupture significative.
Le ministère libanais des Affaires étrangères a adressé une note de protestation officielle au Conseil de sécurité de l’ONU, qualifiant les frappes d’« acte d’agression unilatéral » et dénonçant « une stratégie israélienne visant à provoquer un effondrement de l’accord de cessez-le-feu ». Le texte demande l’envoi immédiat d’une mission d’observation pour évaluer les violations et renouveler les garanties internationales.
En parallèle, la France a exprimé par voie diplomatique sa « vive inquiétude » et a appelé « toutes les parties à la retenue ». Le Quai d’Orsay a rappelé l’importance de la stabilité au Liban pour l’ensemble de la région. Du côté américain, le département d’État a indiqué « suivre la situation de très près », sans toutefois condamner explicitement les frappes israéliennes.
Rôle de la FINUL et inertie des mécanismes de surveillance
Depuis l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024, le rôle de la FINUL a été renforcé par une résolution additionnelle du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce texte stipule que les casques bleus doivent disposer d’un accès illimité à l’ensemble des zones situées entre la ligne bleue et le fleuve Litani. Malgré cette disposition, les commandants de la mission reconnaissent en privé les obstacles persistants : refus d’accès à certaines parcelles, suspicion de fausses identifications de civils comme militants, et tensions constantes avec les habitants.
Le quartier général de la FINUL à Naqoura n’a pas été en mesure de confirmer si des observateurs étaient présents dans la région de Nabatieh au moment des frappes. Dans un communiqué publié le lendemain, la mission onusienne a exprimé sa « profonde préoccupation » et a annoncé l’ouverture d’une enquête interne sur la nature des violations. Elle a également lancé un appel au calme, soulignant que « toute escalade unilatérale compromet l’équilibre précaire instauré par le cessez-le-feu ».
La diplomatie libanaise en alerte maximale
Face à l’ampleur des frappes et à la gravité des violations, le ministère libanais des Affaires étrangères a convoqué plusieurs ambassadeurs en poste à Beyrouth pour les informer officiellement de la situation. Parmi eux, les représentants de la France, de la Russie, de la Chine, ainsi que l’ambassadrice d’Allemagne. L’objectif affiché : mobiliser les garants de l’accord et dénoncer ce que le Liban qualifie de « mépris systématique du droit international humanitaire ».
Le président Joseph Aoun a multiplié les échanges avec ses homologues, notamment Emmanuel Macron et Abdel Fattah al-Sissi. Selon la présidence, ces échanges ont permis de réaffirmer le soutien des pays signataires à la souveraineté libanaise, sans pour autant aboutir à une action contraignante contre Israël. Le Liban a également porté le dossier devant la Ligue arabe, réclamant une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères.
À l’ONU, la mission permanente du Liban a demandé l’inscription immédiate de la question des frappes de Nabatieh à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Cette demande s’appuie sur l’article 34 de la Charte des Nations unies, relatif aux menaces contre la paix. À ce stade, aucun calendrier de réunion n’a été communiqué.