L’ancien Premier ministre Saad Hariri est retourné au Liban. Dans le même temps, Walid Joumblatt – le chef du parti socialiste progressiste (PSP) –, Samir Geagea – le chef du parti des Forces libanaises (FL) – et Samy Gemayel – le chef du parti Kataëb – ont lancé les hostilités et, malgré le confinement nécessaire pour conscrire la pandémie du Coronavirus, des manifestants sunnites sont descendus dans les rues de Beyrouth, Tripoli et Saïda ainsi qu’au Akkar. 

Ces manifestants sont à Beyrouth essentiellement des partisans du Courant du Futur (dont Saad Hariri est le leader) ; à Tripoli principalement de la mouvance proche de la Turquie regroupant les Horras al-Madina (les « Gardiens de la ville »), la Jamaa Islamiya (les Frères Musulmans libanais) et le général Achraf Rifi (avec lequel Saad Hariri s’est réconcilié à la mi-mars 2019) ; et, à Saïda majoritairement de l’Organisation populaire nassérienne d’Oussama Saad, député de Saïda. 

L’ancien Premier ministre Fouad Siniora (le chef du Courant du Futur) et les ex-candidats au poste Mohammad Safadi et Samir Khatib, pris à parti par les manifestants fin 2019, gardent le silence. Mohammad Safadi a toutefois relancé ses activités sociales à Tripoli. 

Quant à Nouhad Machnouk, le député de Beyrouth qui après la démission de Saad Hariri et de son gouvernement dans lequel il était ministre de l’Intérieur – désigné par le Courant du Futur et son leader Saad Hariri – avait fondé un site d’information électronique pour montrer sa différence avec lui, il se consacre également à ses activités sociales notamment dans l’amélioration des conditions en prison. 

À Tripoli, les partisans du Courant du Futur et du mouvement al-Azem de l’ancien Premier ministre Najib Mikati, alliés depuis les élections législatives de 2018, restent discrets. À Saïda, les partisans du Courant du Futur représenté au Parlement par Bahia Hariri (la tante de Saad Hariri) sont moins discrets mais restent pour le moment moins mobilisés que leurs rivaux de l’Organisation populaire nassérienne. 

Au sein même du gouvernement, les ministres choisis par le mouvement Amal du Président du Parlement Nabih Berri et le Courant Marada de Sleiman Frangié s’opposent à leurs autres collègues sur différents sujets. Le 22 avril 2020, Nabih Berri s’en est même pris directement à Hassan Diab en pleine séance parlementaire dans l’enceinte de l’Unesco. Par la suite, il a essayé de calmer le jeu. 

À l’instar des députés du PSP et du parti Kataëb, les députés du mouvement Amal et du Courant Marada s’étaient opposés à l’élection du général Michel Aoun à la présidence de la République fin octobre 2016 contrairement aux députés du Courant du Futur, du Hezbollah, du parti des FL et bien sûr du Courant patriotique libre (CPL, qu’il a lui-même fondé). 

Si Nabih Berri et Sleiman Frangié coordonnent leurs actions, Walid Joumblatt et Samir Geagea également. Walid Joumblatt ne participe pas officiellement au gouvernement mais Nabih Berri y défend ses intérêts : sur le choix de la ministre de l’Information (Manal Abdel Samad Najd) et sur le dossier des nominations (quatre vice-gouverneurs de la Banque du Liban, trois membres de la Commission de contrôle des marchés financiers et le commissaire du gouvernement). Si Sleiman Frangié et Samir Geagea se sont réconciliés à la mi-novembre 2018, on assiste depuis quelques semaines à un rapprochement entre Nabih Berri et Samir Geagea. 

Dans le même temps, Samy Gemayel est également en train de s’en prendre au gouvernement. 

Riad Salamé, le gouverneur de la Banque du Liban (BdL) proche du Courant du Futur et de Saad Hariri, ne coordonne pas les actions de la Banque Centrale libanaise avec le gouvernement de Hassan Diab. Une telle coordination est d’autant plus importante que les circulaires de la BdL concernent la valeur de la livre libanaise et la situation financière du Liban. Hassan Diab a dénoncé cela le 22 avril à l’occasion du bilan qu’il a dressé des 70 premiers jours de son gouvernement depuis le vote de confiance. 

En réalité, on assiste à une contre-révolution qui pourrait bien conduire au retour au pouvoir de Saad Hariri et de ces formations politiques. C’est en tous cas la tendance. 

Hassan Diab le sait et tente d’avoir davantage d’alliés dans la communauté sunnite que les députés de la Rencontre consultative sunnite qui lui ont tous donné leur confiance lors du vote de confiance à l’exception du député tripolitain Jihad Samad (membre du bloc parlementaire du Courant Marada). 

Ces députés de la Rencontre consultative sont le député tripolitain Fayçal Karamé (chef Parti de la Libération arabe et membre du bloc parlementaire du Courant Marada) ; le député de Baalbek-Hermel, Walid Succarié (membre du bloc parlementaire du Hezbollah) ; le député de Marjayoun-Hasbaya, Kassem Hachem (membre du parti Baas et du bloc parlementaire du mouvement Amal) ; le député beyrouthin Adnan Traboulsi (membre de l’association Ahbache Al-Mashari) ; et le député de Rachaya-Békaa-Ouest, Abdel-Rahim Mrad (chef du parti nassérien Ittihad). Ce dernier, ainsi que son fils, l’ancien ministre Hassan Mrad, agissent actuellement beaucoup dans leur circonscription. 

C’est donc dans l’objectif d’avoir plus d’alliés dans sa communauté que le Premier ministre actuel a rendu des hommages à Maarouf Saad (le père d’Oussama Saad), assassiné en 1975, ainsi qu’à l’ancien Premier ministre Sélim Hoss qu’il a rencontré. 

Dans le même temps, le gouvernement de Hassan Diab bénéficie d’une bonne côte de popularité dans la population libanaise. Selon le sondage réalisé les 14 et 15 avril par Information International sur un échantillon de 500 individus, 48% des Libanais estiment la performance actuelle du gouvernement bonne voire excellente, 27% moyenne, 17% mauvaise voire même très mauvaise et 6% pensent qu’il est encore trop tôt pour avoir un jugement. 

Cette contre-révolution qui ne conduirait qu’au retour de Saad Hariri au pouvoir avec les formations politiques – qui ont bloqué le projet de loi du gouvernement visant à débloquer 1 200 milliards de livres libanaises en soutien à l’économie libanaise (principalement au secteur productif et aux petites et moyennes entreprises) – est donc minoritaire dans l’opinion publique. Ce serait ainsi un échec du mandat présidentiel et de la révolution. 

Notons que le projet de loi présenté par le mouvement Amal et le Hezbollah au sujet de la levée de l’immunité des ministres et qu’un autre présenté par le CPL pour recouvrir les fonds transférés à l’étranger ont également été bloqués en raison des divisons dans les rangs de la majorité parlementaire soutenant le gouvernement. 

Enfin, le projet de loi d’amnistie des prisonniers, essentiellement des djihadistes et des trafiquants de drogues et de voitures, soutenu pour des raisons électorales par le Courant du Futur, le mouvement Amal et le Hezbollah a heureusement été aussi bloqué. 

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