Un projet de déclaration ministérielle sous tension
Le gouvernement libanais a récemment présenté un nouveau projet de déclaration ministérielle qui vise à réaffirmer la souveraineté nationale tout en restant évasif sur le rôle de la Résistance. Ce texte, censé définir les orientations politiques et sécuritaires du pays, a immédiatement divisé la classe politique. D’un côté, les partisans d’un État central fort estiment qu’il est nécessaire d’affirmer clairement l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, tandis que de l’autre, les défenseurs du Hezbollah dénoncent une tentative de remettre en cause son rôle dans la défense du Liban face à Israël.
Ce projet marque un tournant dans la gouvernance du pays, alors que la situation régionale reste hautement instable avec le retrait israélien partiel du Sud-Liban et la crise persistante à Gaza. Pour le gouvernement, il s’agit de trouver un équilibre fragile entre les exigences internationales et les réalités locales, où la présence du Hezbollah reste un sujet de controverse majeure.
Un équilibre fragile entre souveraineté et Résistance
Le contenu du projet de déclaration ministérielle a immédiatement suscité des débats houleux au sein du gouvernement et du Parlement. Le texte affirme clairement « l’attachement du Liban à sa souveraineté et au monopole de l’État sur les décisions de guerre et de paix », une formulation qui semble viser à réaffirmer le rôle central de l’État tout en évitant une confrontation directe avec le Hezbollah. Cependant, il ne fait aucune mention explicite de la Résistance, une omission qui n’a pas manqué de provoquer la colère du parti chiite et de ses alliés.
Selon Al Akhbar (18/02/2025), plusieurs ministres affiliés au Hezbollah et au mouvement Amal ont exigé une clarification du texte, insistant sur le fait que « la Résistance fait partie intégrante de la défense nationale ». Les représentants du Courant patriotique libre (CPL), allié du Hezbollah, ont également exprimé leur réserve, estimant que le Liban ne peut ignorer le rôle de la Résistance face à Israël. À l’inverse, les partis pro-occidentaux, notamment les représentants des Forces libanaises (FL) et du Parti Kataëb, ont salué cette approche, la considérant comme « un premier pas vers une normalisation des relations institutionnelles et une réaffirmation de l’État de droit ».
Dans une déclaration relayée par Nida’ Al Watan (18/02/2025), Samir Geagea, chef des Forces libanaises, a qualifié ce projet de déclaration comme « une opportunité historique pour mettre fin à la dualité des armes au Liban », ajoutant que « le Hezbollah ne peut continuer à opérer en dehors du cadre de l’État ».
Un Premier ministre sous pression : Nawaf Salam face à l’impasse politique
Le Premier ministre Nawaf Salam, récemment nommé à la tête du gouvernement, se retrouve désormais au cœur d’une crise politique majeure. Son objectif initial était de présenter une déclaration ministérielle équilibrée, capable de réaffirmer la souveraineté de l’État tout en évitant un affrontement direct avec le Hezbollah. Cependant, face à la fronde du parti chiite et de ses alliés, il est contraint de naviguer entre des exigences contradictoires qui pourraient compromettre l’adoption rapide du texte.
D’après des informations relayées par Nahar (18/02/2025), Salam aurait tenté de rassurer toutes les parties lors d’une série de consultations avec les principales forces politiques du pays. Il aurait ainsi assuré aux représentants du Hezbollah et d’Amal que « le texte final ne visera ni à affaiblir ni à marginaliser la Résistance, mais plutôt à réaffirmer le rôle de l’État comme garant de la stabilité nationale ». Dans le même temps, il aurait tenu un discours similaire auprès des Forces libanaises et du Courant du Futur, insistant sur le fait que « la souveraineté de l’État reste un principe fondamental qui ne saurait être compromis ».
Mais ces tentatives de conciliation semblent insuffisantes pour désamorcer la crise. Selon Ad Diyar (18/02/2025), des tensions sont apparues au sein même du gouvernement, certains ministres exprimant des doutes sur la faisabilité d’un compromis. Des fuites indiquent que des ajustements du texte pourraient être envisagés, notamment en insistant davantage sur la nécessité d’une coopération entre l’armée et les forces de la Résistance, sans toutefois en préciser la nature exacte.
En coulisses, des pressions internationales s’exercent également sur Nawaf Salam. Selon Al Sharq Al Awsat (18/02/2025), des diplomates occidentaux, notamment français et américains, auraient discrètement exhorté le Premier ministre à maintenir une ligne ferme sur la souveraineté de l’État, sans toutefois pousser à une confrontation directe avec le Hezbollah. Washington et Paris souhaitent éviter une nouvelle crise gouvernementale au Liban, qui pourrait paralyser davantage les institutions et compliquer les négociations économiques avec le FMI.
Des enjeux diplomatiques et économiques majeurs
Au-delà du débat politique interne, le contenu de la déclaration ministérielle revêt une dimension internationale cruciale. Plusieurs chancelleries étrangères, notamment les États-Unis, la France et les pays du Golfe, suivent de près l’évolution de cette crise, car elle pourrait influencer directement les négociations économiques en cours entre le Liban et les institutions financières internationales.
Selon Al Sharq Al Awsat (18/02/2025), Washington aurait conditionné une partie de son aide financière au Liban à une clarification du rôle de l’État en matière de défense et de souveraineté. Des diplomates américains auraient exhorté Nawaf Salam à éviter toute reconnaissance officielle de la Résistance dans le texte final, estimant que cela « pourrait compliquer les relations entre le Liban et la communauté internationale ». De son côté, la France tente de jouer un rôle de médiateur, cherchant à faciliter un compromis qui éviterait une crise politique tout en préservant une coopération minimale avec le Hezbollah.
Les pays du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, adoptent une position plus intransigeante. D’après Nida’ Al Watan (18/02/2025), Riyad aurait clairement signifié au gouvernement libanais que toute mention positive du Hezbollah dans la déclaration ministérielle pourrait entraîner un gel des investissements saoudiens et une révision des relations diplomatiques. Cette position met le Liban dans une situation délicate, car son redressement économique dépend en grande partie des aides et des investissements étrangers.
Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) observe également avec attention ces débats. Le Liban est en négociation pour obtenir un nouveau programme d’aide financière, et l’une des conditions évoquées concerne la stabilisation politique du pays. Si le gouvernement de Nawaf Salam échoue à faire adopter une déclaration ministérielle cohérente et consensuelle, cela pourrait retarder, voire compromettre, l’obtention de nouveaux financements internationaux.
Un risque de blocage institutionnel et d’instabilité politique
Alors que le gouvernement tente de trouver un compromis acceptable pour toutes les parties, les divisions internes menacent de paralyser le processus politique. L’adoption de la déclaration ministérielle est un passage obligé pour obtenir la confiance du Parlement, mais avec une classe politique profondément fragmentée, le risque d’un blocage institutionnel est bien réel.
Selon Al Joumhouriyat (18/02/2025), plusieurs députés du bloc du Hezbollah et d’Amal ont averti qu’ils ne voteront pas en faveur de la déclaration ministérielle si le texte ne mentionne pas explicitement le rôle de la Résistance. Cette position pourrait priver le gouvernement de la majorité requise au Parlement, le forçant à renégocier son programme politique.
D’un autre côté, les partis souverainistes, notamment les Forces libanaises et le Parti Kataëb, ont déjà indiqué qu’ils s’opposeront à tout texte qui accorde une légitimité, même implicite, aux armes du Hezbollah. Samy Gemayel, chef des Kataëb, a dénoncé « une tentative de contourner la question fondamentale du monopole de l’État sur l’usage de la force », soulignant que « tout flou sur cette question empêche la reconstruction d’un véritable État de droit ».
Cette impasse politique pourrait avoir des conséquences directes sur la stabilité du gouvernement de Nawaf Salam. Si la déclaration ministérielle n’obtient pas la confiance du Parlement, cela ouvrirait la voie à une crise institutionnelle majeure, voire à une nouvelle vacance du pouvoir exécutif.
Selon Nahar (18/02/2025), des figures influentes du paysage politique, dont Nabih Berri et Walid Joumblatt, tentent en coulisses de négocier un compromis pour éviter une confrontation frontale entre les blocs politiques. Mais ces efforts restent incertains, d’autant plus que les tensions sont exacerbées par le contexte régional instable et les pressions économiques croissantes.
Le spectre d’un nouveau blocage gouvernemental inquiète également la population. Alors que le Liban traverse une crise économique et sociale sans précédent, un échec politique ajouterait une couche supplémentaire d’instabilité. Les Libanais, déjà exaspérés par l’inaction de leurs dirigeants, voient dans ce nouvel affrontement un symbole de l’incapacité du système politique à répondre aux défis du pays.
Alors que le gouvernement tente de sauver la cohésion nationale, l’avenir politique du Premier ministre Nawaf Salam reste incertain. Son pari de réaffirmer la souveraineté de l’État sans s’aliéner le Hezbollah s’avère plus difficile que prévu. S’il cède aux pressions du parti chiite en reconnaissant son rôle dans la défense nationale, il risque de perdre le soutien des partis souverainistes et de voir s’effondrer la fragile confiance internationale. S’il maintient une ligne stricte sur le monopole de l’État, il pourrait provoquer une crise politique qui ferait chuter son gouvernement avant même d’avoir obtenu un vote de confiance au Parlement.
Les jours à venir seront déterminants. Une médiation est en cours entre plusieurs acteurs politiques pour ajuster la formulation du texte et tenter de débloquer la situation. Selon Al Sharq Al Awsat (18/02/2025), des modifications pourraient être apportées pour éviter une confrontation directe avec le Hezbollah tout en maintenant une affirmation de l’autorité de l’État. L’option d’une déclaration plus vague sur les questions de défense, insistant sur « la protection du Liban contre toute agression », semble gagner du terrain.
Mais ce compromis sera-t-il suffisant pour éviter un affrontement politique ? Le Hezbollah acceptera-t-il un texte où il n’est pas explicitement mentionné, mais où son rôle est indirectement reconnu ? Les partis souverainistes accepteront-ils un compromis qui ne règle pas définitivement la question des armes en dehors de l’État ?
En attendant, le Liban reste suspendu à cette décision. Tout échec dans l’adoption de la déclaration ministérielle ouvrirait la voie à une nouvelle période d’instabilité institutionnelle, avec des répercussions économiques et sociales potentiellement désastreuses. Dans un pays déjà fragilisé par une crise financière, une défiance populaire croissante et des tensions géopolitiques exacerbées, chaque décision prise dans les prochains jours aura des conséquences majeures sur l’avenir du pays.