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Edito: L’accouchement d’un siège mal présenté

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Dans les méandres des mystères obstétriques et politiques, l’accouchement par le siège a toujours fasciné, inquiété et prêté à sourire. Cette figure médicale d’une présentation inversée trouve aujourd’hui un écho particulier au Liban. Depuis 2022, le siège présidentiel reste obstinément vide, comme un ventre refusant de livrer son secret, et le scrutin prévu pour le 9 janvier ressemble à s’y méprendre à une échographie d’un bébé en position défavorable. Permettez-moi de vous narrer cette aventure, à mi-chemin entre la salle d’accouchement et l’hémicycle parlementaire.

Une présentation inversée

L’accouchement par le siège, c’est avant tout une question de position. Au lieu de pointer sa noble tête pour saluer le monde, le futur président libanais semble s’entêter à avancer les pieds – ou peut-être les fesses, allez savoir. Rien ne va comme prévu. Les contractions politiques se succèdent, violentes et irrégulières, mais l’enfant ne descend pas. À chaque séance parlementaire, le diagnostic est le même : « Le siège ne se présente pas bien. »

Le Liban, ce pays qui accumule les crises comme un mauvais scénario de sitcom, parvient encore à surprendre. Qui aurait cru qu’un scrutin présidentiel pourrait s’éterniser plus qu’une partie de Monopoly un soir de coupure d’électricité ? Même les obstétriciens de la politique commencent à désespérer. « Forceps ou césarienne ? », s’interrogent-ils, en scrutant la scène parlementaire où l’on trouve tout sauf un consensus.

Le vide sidéral du fauteuil

Un siège vide, au Liban, n’est pas seulement un problème médical ou politique : c’est une métaphore nationale. Ce fauteuil présidentiel, trônant comme une relique dans un musée de l’incompétence collective, semble condamné à rester inoccupé. Peut-être devrait-on l’inscrire au patrimoine de l’UNESCO comme « monument du vide perpétuel ». Les chefs de clans, les blocs politiques et les parrains régionaux se renvoient la responsabilité de ce non-événement démocratique. Mais pendant ce temps, le siège, lui, attend.

Le peuple, quant à lui, regarde cette mascarade avec l’œil blasé d’un patient en salle d’attente. Cela fait des années que les Libanais ont perdu l’espoir d’une anesthésie générale qui calmerait enfin leurs souffrances. Le fauteuil présidentiel reste vide, comme les rayons des supermarchés pendant une crise économique, comme les poches de ceux qui tentent encore de joindre les deux bouts.

Scrutin ou césarienne ?

Le 9 janvier 2025, c’est un peu le jour J annoncé. La « date prévue d’accouchement », comme disent les médecins. Mais le bébé, capricieux, pourrait bien ne pas se présenter du tout. Ou alors, il arrivera dans un chaos digne des grandes heures du Liban. Imaginez une salle d’accouchement où chaque obstétricien représenterait un parti politique. L’un tirerait d’un côté, un autre du côté opposé, pendant qu’un troisième insisterait sur la nécessité de consulter les parrains étrangers avant toute intervention.

Et si on se décidait enfin pour une césarienne politique ? Une opération rapide, tranchante, où l’on imposerait un président par décret divin ou par accord international. Mais non, cela serait trop simple pour ce pays où même l’évidence passe par mille détours. Alors, on continue d’espérer un miracle naturel. Peut-être qu’un jour, le président sortira spontanément, comme une surprise de fin d’année. Mais soyons réalistes : le Liban n’est pas un pays de miracles, mais de compromissions laborieuses.

Une salle d’attente bien remplie

Dans cette interminable attente, chacun y va de sa suggestion. Certains plaident pour une péridurale symbolique : apaiser les tensions politiques en distribuant des promesses à droite et à gauche. D’autres évoquent un déclenchement artificiel : pourquoi ne pas s’inspirer des monarchies voisines et simplement nommer un roi à vie ? Une idée qui a au moins le mérite de la simplicité.

Mais non, les Libanais aiment les complications. Ils s’enivrent de débats stériles et de polémiques inutiles. Pendant ce temps, la crise économique continue de broyer les citoyens, comme un mauvais travail d’accouchement qui s’éternise. Les Libanais, eux, oscillent entre l’indifférence résignée et l’humour noir. « Au moins, ce siège vide ne coûte pas cher en entretien », plaisante un badaud. Il n’a pas tort. Un président, c’est aussi des voyages officiels, des discours creux et des budgets à trouver. Un fauteuil vide, c’est finalement beaucoup moins de problèmes.

Une délivrance improbable

Alors, que faire ? La question reste entière. À force de jouer les prolongations, ce scrutin présidentiel pourrait bien entrer dans le Guinness des records. Mais au Liban, battre des records d’absurdité est presque une tradition. Peut-être est-ce là notre vrai génie national : faire de l’attente une philosophie, du chaos une constante, et du vide une institution.

Le fauteuil présidentiel restera peut-être vide encore longtemps. Et après tout, ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose. Comme on dit dans les salles d’accouchement : mieux vaut un siège mal présenté qu’un accouchement raté. Alors, chers Libanais, prenez votre mal en patience. Après tout, dans ce pays, même le temps semble marcher sur la tête.

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