Dans un contexte de crise énergétique persistante, le gouvernement libanais a annoncé un accord de prêt avec la Banque mondiale, destiné à renforcer la production nationale d’électricité à l’approche de l’été 2025. Cette initiative, révélée par Ad Diyar dans son édition du 25 avril 2025, vise à fournir jusqu’à 16 heures de courant par jour sur l’ensemble du territoire. Si cette promesse suscite l’espoir d’une amélioration notable dans la vie quotidienne des Libanais, elle soulève aussi des interrogations sur la faisabilité technique, la pérennité de l’approvisionnement et la gouvernance du secteur.
Un accord financier inédit pour un secteur en ruines
L’accord signé entre le ministère de l’Énergie et la Banque mondiale porte sur un prêt de 250 millions de dollars, destiné à financer l’achat de fuel, la remise en état de certaines centrales électriques et l’amélioration du réseau de distribution. Selon Ad Diyar (25 avril 2025), ce financement est structuré en plusieurs tranches, conditionnées à la mise en œuvre de mesures de transparence et à la publication régulière des résultats techniques.
Ce prêt s’inscrit dans le cadre d’un programme de soutien à la résilience des infrastructures essentielles, élaboré par la Banque mondiale pour plusieurs pays en situation de crise. Le Liban en est l’un des bénéficiaires, mais sous réserve de respecter des critères stricts, notamment en matière de gouvernance et de suivi budgétaire. Le ministère de l’Énergie devra produire un rapport trimestriel détaillant l’usage des fonds, les résultats atteints et les écarts par rapport aux prévisions.
Objectif : 16 heures de courant par jour
L’annonce phare de cette opération reste l’objectif d’assurer une moyenne de 16 heures d’électricité par jour pendant la période estivale. Ce niveau d’approvisionnement, s’il est atteint, représenterait une amélioration considérable par rapport aux 3 à 5 heures quotidiennes enregistrées durant l’été 2024 dans de nombreuses régions.
Le plan prévoit une montée en puissance progressive, fondée sur plusieurs leviers : augmentation des livraisons de fuel irakien dans le cadre d’un accord renouvelé en mars, réactivation de la centrale de Zahrani, et optimisation du rendement des barrages hydroélectriques dans le Nord. Par ailleurs, la société publique Électricité du Liban a reçu instruction d’améliorer la gestion des pertes techniques et commerciales, qui atteignent encore près de 45 % selon les dernières données disponibles.
Des contrats de maintenance ont été signés avec des prestataires privés pour assurer la fiabilité des équipements, tandis qu’un effort particulier est prévu pour les zones touristiques prioritaires (Jbeil, Batroun, Baalbeck, Saïda), en lien avec le ministère du Tourisme.
Des précédents qui incitent à la prudence
Malgré les annonces optimistes, plusieurs voix s’élèvent pour rappeler les échecs passés. Depuis la fin de la guerre civile, le Liban a englouti des milliards de dollars dans le secteur de l’électricité, sans jamais parvenir à fournir une alimentation stable. L’accusation de mauvaise gestion, de corruption systémique et de favoritisme dans les contrats publics est largement documentée.
Al Akhbar (25 avril 2025) met en garde contre la reproduction des erreurs antérieures : contrats opaques, absence de contrôle parlementaire, instrumentalisation politique des nominations. Le journal rappelle que l’ancienne commission de régulation de l’électricité, pourtant prévue par la loi, a été mise en sommeil pendant plus de quinze ans, faute de consensus politique sur les nominations.
Cette fois, la Banque mondiale a exigé que la commission soit réactivée et que son président soit choisi sur des critères de compétence et d’indépendance. Une clause spécifique du prêt conditionne le décaissement de la seconde tranche à la remise en état du système de supervision du secteur.
Gouvernance, facturation, équité : les défis à venir
Le succès de cette opération dépendra non seulement des moyens techniques, mais aussi des choix de gouvernance. Le ministère de l’Énergie devra établir une grille tarifaire transparente, fondée sur les coûts réels de production, et limiter les subventions croisées. Cette exigence est particulièrement sensible dans un pays où l’électricité gratuite est parfois utilisée comme outil de clientélisme politique.
Par ailleurs, la question de l’équité territoriale est cruciale. Certaines régions, historiquement sous-alimentées, attendent une amélioration tangible de la fourniture. Al Liwa’ (25 avril 2025) relaie les craintes exprimées par des élus de la Békaa et du Akkar, qui redoutent d’être exclus des zones prioritaires. Le ministère a promis que les nouveaux plans de distribution tiendront compte des déséquilibres passés.
Un autre défi majeur est celui du recouvrement. La majorité des consommateurs ne paient pas leurs factures, soit par habitude, soit faute de pouvoir d’achat. Le gouvernement envisage de lancer une campagne de régularisation couplée à des incitations (réductions, étalements), mais les résultats restent incertains.
Une opportunité pour relancer l’économie ?
Si le plan fonctionne, il pourrait avoir des effets positifs sur l’activité économique. Le secteur industriel, fortement dépendant des générateurs privés, verrait ses coûts de production diminuer. L’hôtellerie et le tourisme, secteurs clés pour la saison estivale, pourraient bénéficier d’un environnement plus stable. Enfin, la population pourrait retrouver un certain confort de vie, avec des effets secondaires sur la consommation intérieure.
Nahar (25 avril 2025) souligne que cette amélioration, si elle est visible, pourrait aussi restaurer un minimum de confiance entre l’État et les citoyens, mise à mal depuis des années. Mais pour cela, les autorités devront faire preuve de rigueur dans l’exécution, de transparence dans la communication, et d’écoute face aux frustrations persistantes.
Ce prêt constitue à la fois une opportunité technique et un test politique. Le Liban peut-il démontrer qu’il est encore capable de mettre en œuvre une réforme ciblée, dans un domaine aussi crucial que l’énergie ? La réponse à cette question déterminera en grande partie l’avenir des négociations avec les bailleurs de fonds, mais aussi l’attractivité du pays pour sa diaspora et pour les investisseurs potentiels.