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Le général Joseph Aoun évoque une négociation avec Israël : ouverture diplomatique ou fracture politique ?

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Une déclaration à forte charge politique

Le président de la République, le général Joseph Aoun, a affirmé que « le Liban doit négocier avec Israël, non par faiblesse, mais pour défendre ses intérêts nationaux ». Prononcée à Baabda devant un groupe d’anciens officiers, la phrase a déclenché un vif débat politique. Selon l’entourage présidentiel, l’intention était de replacer la question dans le cadre des différends frontaliers et énergétiques traités via des canaux indirects, sans préjuger d’une inflexion sur la non-normalisation. Le chef de l’État a précisé : « Le Liban ne renonce pas à ses principes, mais il doit savoir parler à ses adversaires lorsqu’il s’agit de préserver sa souveraineté. »

Le contexte de Naqoura et les frontières maritimes

Depuis plusieurs années, des pourparlers techniques sous médiation internationale se tiennent à Naqoura afin de prévenir les incidents et d’encadrer la délimitation maritime. La présidence présente l’idée de « négocier » comme le prolongement de ces mécanismes, strictement cantonnés à des dossiers techniques. « Négocier ne signifie pas normaliser. C’est protéger nos ressources », a souligné Joseph Aoun, en référence aux gisements offshore et aux enjeux énergétiques qui appellent une gestion prévisible des zones contestées.

Réactions contrastées dans la classe politique

À Ain el-Tineh, Nabih Berri a répondu avec prudence en rappelant que « toute démarche doit rester encadrée par la légalité internationale » et que « la distinction entre négociation technique et dialogue politique doit être maintenue ». À la Saraya, le Premier ministre Nawaf Salam a déclaré : « Le Liban défendra ses droits par tous les moyens pacifiques. Il n’est pas question de dévier de notre position sur la non-normalisation. » Le Courant patriotique libre a salué « le courage d’ouvrir un débat réaliste sur les intérêts du Liban ». Les Forces libanaises ont apporté un soutien conditionnel : « Toute négociation doit servir la souveraineté libanaise et non l’inverse », a déclaré Samir Geagea. Le Hezbollah, par la voix de Naim Kassem, a dénoncé une « déclaration dangereuse » qui « ouvre la porte à une normalisation déguisée », en martelant que « les négociations techniques sont une chose, la reconnaissance politique en est une autre ».

Une ligne de clivage réactivée

La sortie présidentielle a réactivé une ligne de clivage entre une approche pragmatique, qui voit dans le dialogue un outil de préservation des intérêts économiques et sécuritaires, et une approche de confrontation, qui redoute l’érosion progressive de la doctrine de résistance. Un parlementaire proche du Hezbollah a accusé la présidence de « glisser sur un terrain glissant sous couvert d’intérêts économiques ». À l’inverse, un député du bloc présidentiel a défendu la démarche : « Refuser le dialogue, c’est laisser les autres décider à notre place. »

Rapport de forces et marges de manœuvre de Beyrouth

Le constat partagé dans de nombreux milieux politiques et diplomatiques est que les leviers de pression de Beyrouth sont limités. L’asymétrie militaire demeure, la situation économique fragilise la posture de négociation et l’État s’appuie sur des médiations extérieures pour contenir les incidents et traiter les dossiers techniques. La cohésion interne reste fluctuante, ce qui réduit la capacité à brandir une position unifiée et crédible sur la durée. Dans ce cadre, les moyens d’action se concentrent sur le terrain diplomatique et juridique : documentation des incidents, rappel des résolutions internationales, et ancrage des échanges dans des formats encadrés à Naqoura. La marge de manœuvre vise davantage à prévenir l’escalade et à sécuriser des arrangements limités — frontières, énergie, pêche, sécurité — qu’à obtenir des concessions politiques majeures. Les responsables gouvernementaux mettent en avant la nécessité de « parler pour protéger », tout en admettant que le rapport de forces ne permet pas d’imposer un agenda ; l’objectif opérationnel reste d’éviter l’enlisement sécuritaire au Sud et de préserver l’exploitation des ressources maritimes sans provoquer de rupture.

L’argument sécuritaire et la doctrine de retenue

Autour de la présidence, des voix insistent sur la dimension sécuritaire : « L’armée doit prévenir l’escalade et garantir des canaux de désamorçage. » Un officier supérieur souligne que « la communication indirecte ne signifie pas renoncer à nos positions ; c’est une forme de dissuasion rationnelle ». Cette doctrine de retenue s’oppose à la ligne de non-contact prônée par une partie de l’échiquier, qui craint l’installation d’un « glissement sémantique » du technique vers le politique.

Les garde-fous institutionnels

Nabih Berri a rappelé que « le Liban n’a pas changé de cap » et que toute négociation « relève d’un mandat clair du gouvernement et du respect des résolutions internationales ». Nawaf Salam a renchéri : « Le gouvernement est le seul habilité à conduire une négociation officielle. » Ces rappels tracent les bornes institutionnelles entre la magistrature présidentielle, la Chambre et l’exécutif, et visent à prévenir toute polémique sur la répartition des compétences.

Positions des blocs et calculs politiques

Le Courant patriotique libre soutient l’ouverture d’un « débat de souveraineté » articulé aux enjeux énergétiques. Les Forces libanaises veulent un cadre « strictement borné par la souveraineté et la transparence ». Les Kataëb exigent des clarifications sur « l’objet exact de toute discussion » et sur « la garantie d’un contrôle parlementaire ». Le bloc Amal insiste sur la « protection du cadre onusien » et la « nécessité d’éviter tout chevauchement entre le technique et le politique ». Le Hezbollah fixe une ligne rouge sur toute « reconnaissance politique », tout en tolérant des formats de gestion des incidents « tant qu’ils restent bornés et réversibles ».

Enjeux économiques et énergétiques

La présidence met en avant l’argument des ressources offshore et la nécessité de sécuriser des investissements dans un contexte de crise prolongée. « Négocier pour protéger nos richesses » est présenté comme un impératif de souveraineté économique. Les opposants rétorquent que « l’urgence économique ne peut justifier une inflexion stratégique » et réclament des garanties publiques sur les clauses, les médiations et les limites de tout échange.

Réception régionale et internationale

Dans plusieurs capitales arabes, la déclaration est lue comme un signe de pragmatisme. Un diplomate régional estime que « le Liban explore des marges de gestion, pas un axe de normalisation ». À l’international, des partenaires soulignent que « la continuité de formats encadrés » réduit le risque d’escalade, tout en évitant une crise politique interne. Les Nations unies saluent « toute initiative qui consolide la stabilité le long de la Ligne bleue », rappelant le rôle de la FINUL comme interface technique.

Opinion publique et société civile

Dans l’opinion, la prise de position suscite une polarisation. Les partisans d’une approche pragmatique jugent « nécessaire de parler pour éviter le pire et sécuriser l’économie ». Les opposants y voient une « banalisation » des contacts et une « pente glissante ». Des ONG réclament « une transparence totale sur les objectifs, les mandats et les résultats », ainsi qu’un « contrôle démocratique » via des comptes rendus périodiques.

Le test de la communication politique

Joseph Aoun a maintenu sa ligne : « Le Liban a payé le prix de décennies de conflits. Il est temps de protéger ses frontières et ses richesses par la parole autant que par la force. » Pour ses soutiens, il s’agit d’un « aggiornamento » nécessaire du discours officiel. Pour ses détracteurs, d’un « précédent » susceptible d’ouvrir une brèche. Entre l’affirmation de souveraineté et la crainte d’un glissement politique, le débat se concentre sur la méthode : formats indirects, mandat gouvernemental clair, contrôle parlementaire, et bornage explicite des sujets traités.

Paramètres de faisabilité et points de vigilance

Les paramètres mis en avant par les partisans d’un dialogue borné incluent la définition d’un périmètre strict (frontières, incidents, ressources), la traçabilité des échanges, la présence d’un médiateur reconnu, et la publication d’éléments de synthèse pour garantir la redevabilité. Les opposants demandent des « clauses coupe-circuits » permettant d’interrompre toute séquence si les lignes rouges nationales sont franchies, et la réaffirmation publique de la non-normalisation comme principe directeur.

Équilibre institutionnel et suite possible

Le triangle Baabda–Ain el-Tineh–Saraya a affiché une coordination de façade : soutien à des canaux techniques encadrés, refus d’un glissement politique, rappel des compétences de l’exécutif. La suite dépendra de deux facteurs : l’évolution de la situation au Sud et la capacité des institutions à préserver une parole publique mesurée. Dans l’immédiat, la présidence teste une voie de prudence active ; la majorité parlementaire exige des garde-fous ; l’opposition de résistance brandit la ligne rouge politique. Entre exigence de souveraineté et contraintes de rapport de forces, la négociation est envisagée comme un outil de gestion des risques plus que comme un levier de bascule stratégique.

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