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Les défis économiques du nouveau gouvernement : la réforme bancaire et l’accord avec le FMI

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Un système économique en faillite, entre crise monétaire et effondrement bancaire

Le Liban traverse une crise économique et financière d’une ampleur inédite. En l’espace de quatre ans, la livre libanaise a perdu plus de 98 % de sa valeur, plongeant la majorité de la population dans une pauvreté généralisée. Les prix des biens de consommation ont été multipliés par dix, l’inflation dépasse les 210 %, et le secteur bancaire, autrefois un pilier de l’économie nationale, est devenu totalement dysfonctionnel.

L’effondrement du système financier libanais trouve ses racines dans des décennies de mauvaise gestion, de corruption et d’endettement incontrôlé. Le modèle économique qui a longtemps permis au Liban de prospérer était basé sur un afflux de capitaux étrangers, notamment ceux de la diaspora et des investisseurs régionaux. Cependant, cette manne s’est tarie en raison de la perte de confiance des investisseurs internationaux et du blocage politique. La dette publique a explosé, atteignant près de 185 % du PIB, et la Banque centrale ne dispose plus des réserves nécessaires pour stabiliser la monnaie.

Dans ce contexte, les banques libanaises, anciennement florissantes, sont devenues des institutions fantômes, incapables de restituer les dépôts en dollars bloqués depuis 2019. Ce gel des fonds a entraîné une colère sociale massive et un sentiment d’abandon parmi les Libanais, dont les économies ont été effacées du jour au lendemainAl Nahar (11 février 2025) rapporte que l’État a utilisé les dépôts des citoyens pour financer ses déficits budgétaires, un choix qui a conduit au crash financier actuel.

La nécessité d’une restructuration bancaire et la bataille pour la répartition des pertes

Le gouvernement de Nawaf Salam, récemment formé, se retrouve face à un défi colossal : restructurer un secteur bancaire en faillite tout en préservant un minimum de stabilité sociale. Le problème central réside dans la répartition des pertes financières. La Banque du Liban estime que le trou financier dépasse 72 milliards de dollars, une somme qui doit être comblée pour restaurer la confiance des investisseurs et des institutions internationales.

Mais qui doit assumer ces pertes ? Les banques privées, qui ont engrangé des profits faramineux avant la crise, refusent de porter l’essentiel du fardeau. Elles cherchent à imposer aux petits épargnants et à l’État une grande partie des pertes, une approche jugée inacceptable par le FMI et par la majorité de la population. Selon Al Joumhouriyat (11 février 2025), un plan de restructuration pourrait inclure un bail-in, c’est-à-dire une conversion forcée des dépôts bancaires en actions dans les banques, une mesure impopulaire qui risque d’alimenter la contestation sociale.

Les discussions au sein du gouvernement sont extrêmement tendues, car certaines factions politiques veulent préserver les intérêts des grandes fortunes, tandis que d’autres poussent pour une approche plus égalitaire, où les grandes banques et les investisseurs institutionnels absorberaient la majorité des pertes. Le bras de fer entre les élites bancaires et l’État ne fait que commencer, et toute tentative de réforme sera scrutée de près par la population et les créanciers internationaux.

L’accord avec le FMI : une nécessité, mais à quel prix ?

Parallèlement à la restructuration bancaire, le Liban négocie un plan de sauvetage avec le Fonds monétaire international (FMI). Cette institution a proposé une aide de 3 milliards de dollars, qui pourrait être débloquée en plusieurs tranches, à condition que Beyrouth s’engage à mettre en œuvre des réformes drastiques.

Le FMI exige notamment une réduction du déficit budgétaire, qui implique des coupes dans les dépenses publiques, la suppression des subventions sur les carburants et les produits de base, ainsi qu’une réforme du secteur public. Il réclame aussi une meilleure transparence dans la gestion des finances publiques et des mesures fortes contre la corruption, un problème structurel qui gangrène l’État depuis des décennies.

Cependant, ces exigences se heurtent à une opposition farouche de plusieurs acteurs politiques. Le Hezbollah et ses alliés, notamment, considèrent le FMI comme un instrument des puissances occidentales, et craignent que son intervention ne réduise leur influence sur l’économie libanaise. De leur côté, les banques et les grandes fortunes refusent toute réforme qui impliquerait une taxation de leurs avoirs, préférant que l’État endosse l’essentiel du coût de la restructuration​.

Le Premier ministre Nawaf Salam se trouve donc dans une impasse délicate. Accepter les conditions du FMI signifierait une austérité sévère pour la population, déjà épuisée par la crise, et risquerait de provoquer une nouvelle vague de contestation sociale. Mais refuser cet accord reviendrait à condamner le Liban à un isolement économique, réduisant drastiquement ses chances de stabilisation.

L’impact des réformes sur la population : le spectre d’une explosion sociale

L’application des réformes économiques exigées par le FMI aurait un effet immédiat sur le quotidien des Libanais. La suppression des subventions sur les carburants et les produits de première nécessité entraînerait une flambée des prix, rendant la vie encore plus difficile pour les couches les plus vulnérables de la population.

De nombreuses familles dépendent encore de l’aide internationale et des transferts de la diaspora pour survivre. Une étude récente citée par Al Bina’ (11 février 2025) indique que 80 % des Libanais vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, un chiffre alarmant qui souligne l’urgence d’une intervention économique.

Les syndicats et les organisations sociales ont déjà prévenu qu’ils s’opposeraient à toute réforme qui pèserait uniquement sur les citoyens, sans contrepartie pour les grandes entreprises et les banques. Le risque de nouvelles manifestations massives et de grèves générales est donc très élevé​.

Un avenir incertain : quel chemin pour le gouvernement Nawaf Salam ?

Le gouvernement libanais se retrouve à un carrefour critique. Trois scénarios se dessinent pour l’avenir économique du pays :

  1. Accepter l’accord du FMI et appliquer les réformes, en espérant que la stabilisation économique permette une relance à moyen terme. Cette option est risquée politiquement, car elle pourrait provoquer une colère populaire immédiate.
  2. Rejeter les conditions du FMI et chercher des alternatives, notamment en renforçant les liens économiques avec les pays du Golfe ou la Chine. Mais ces options sont incertaines et nécessiteraient du temps, ce que le Liban n’a pas.
  3. Opter pour une solution intermédiaire, en négociant un accord moins contraignant avec le FMI et en mettant en place des mesures de transition pour protéger les plus vulnérables. Cette voie médiane semble la plus viable, mais elle dépend de la capacité de Nawaf Salam à convaincre les acteurs politiques d’accepter un compromis​.

L’avenir du Liban repose donc sur une équation complexe entre politique, finance et stabilité sociale. La marge de manœuvre du gouvernement est étroite, et chaque décision prise dans les prochains mois pourrait déterminer le sort du pays pour la décennie à venir.

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