Accord stratégique entre le Liban et l’Autorité palestinienne
Le Liban s’apprête à franchir un tournant sécuritaire majeur avec le lancement, à partir de mi-juin 2025, d’un plan de désarmement progressif des camps de réfugiés palestiniens. Cette décision, fruit d’un accord bilatéral entre Beyrouth et Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, marque une étape décisive dans la reprise en main de la souveraineté libanaise sur l’ensemble de son territoire.
Selon une source gouvernementale ayant requis l’anonymat, les premières opérations débuteront dans les camps situés à Beyrouth, avant d’être étendues aux autres régions. Le projet a été confirmé à l’AFP en marge de la visite officielle du président Abbas à Beyrouth.
Historique de la sécurité dans les camps palestiniens
Depuis plusieurs décennies, les camps palestiniens au Liban échappent à l’autorité de l’armée libanaise, en vertu d’un accord tacite remontant à 1969, connu sous le nom d’accord du Caire (abrogé officiellement en 1987, mais ses effets persistent). Ce vide sécuritaire a permis l’émergence de multiples groupes armés, allant du Fatah à des organisations islamistes radicales, rendant ces camps particulièrement instables.
Le camp d’Aïn el-Héloué, situé dans le Sud du Liban, illustre cette complexité : il a été le théâtre de violents affrontements armés en 2023, causant des dizaines de morts et des centaines de déplacés. Des armes lourdes y ont été utilisées, démontrant l’ampleur du défi sécuritaire.
Composition et objectifs du comité conjoint
La mise en œuvre du plan de désarmement a été confiée à un comité conjoint libano-palestinien formé récemment. Cette entité comprend des représentants :
- Du gouvernement libanais, notamment le chef de la Sécurité générale Hassan Choucair et le président du Comité de dialogue libano-palestinien Ramez Dimachkié ;
- De l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le secrétaire général du comité exécutif Azzam al-Ahmad ;
- Du bureau du Premier ministre libanais Nawaf Salam, également présent à la réunion inaugurale.
Le comité a adopté un calendrier précis pour la collecte des armes, accompagné de mesures d’accompagnement sociales et économiques destinées à améliorer les conditions de vie des réfugiés.
Calendrier du désarmement
Le plan sera déployé en trois phases :
Période | Localisation | Groupes ciblés |
---|---|---|
Mi-juin 2025 | Camps de Beyrouth | Fatah, groupes salafistes |
Début juillet 2025 | Vallée de la Bekaa | Front populaire, groupes mineurs |
Fin juillet 2025 | Sud du Liban | Aïn el-Héloué, groupes islamistes armés |
Ce calendrier est susceptible d’évoluer selon la situation sur le terrain et la coopération des acteurs locaux.
Réactions divergentes des factions palestiniennes
Du côté palestinien, les réactions sont mitigées. Si le Fatah a exprimé son plein soutien, considérant que ce processus s’inscrit dans une volonté de normalisation des relations avec le Liban, d’autres factions sont plus réticentes.
Le Hamas n’a pas encore formulé de position officielle, mais des voix internes évoquent un soutien conditionnel à la protection des droits civiques des réfugiés.
Des groupes plus radicaux, actifs dans le camp d’Aïn el-Héloué, dénoncent en revanche une tentative d’asservissement politique et affirment que le désarmement compromet leur sécurité face à Israël.
Situation socio-économique des réfugiés palestiniens au Liban
En parallèle au volet sécuritaire, l’accord inclut des mesures sociales importantes. Le Liban accueille environ 222 000 réfugiés palestiniens, principalement dans 12 camps officiels, selon l’UNRWA. Ces derniers vivent dans des conditions souvent précaires, souffrant de restrictions juridiques sévères :
- Interdiction de posséder des biens immobiliers ;
- Accès limité à plus de 70 professions ;
- Aucune possibilité de naturalisation.
Les réfugiés vivent dans des infrastructures dégradées, avec un accès restreint à l’eau potable, aux soins et à l’éducation.
Le gouvernement libanais s’engage à assouplir certaines lois, notamment en matière d’emploi, et à faciliter l’entrée des jeunes réfugiés dans les universités libanaises via des bourses spécifiques, à condition que le processus de désarmement progresse.
Contexte géopolitique et sécurité régionale
Ce plan s’inscrit dans une dynamique régionale tendue, marquée par les risques d’escalade entre Israël et les groupes armés présents au Liban, y compris le Hezbollah. Des observateurs internationaux estiment que ce désarmement pourrait constituer un préalable à des discussions élargies sur l’application intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelle à la démilitarisation de toutes les milices au Liban.
Le soutien diplomatique à cette initiative est notable. Des officiels européens et représentants de l’ONU ont salué un « signal positif » du gouvernement libanais vers un renforcement de l’État de droit.