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Réorientation géographique du commerce libanais post-2024 : entre réalignements tactiques et dépendance structurelle

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Une mutation accélérée des flux commerciaux, dictée par la crise et les contraintes logistiques

Depuis la fin de 2023, le commerce extérieur libanais connaît une réorientation géographique marquée, à la fois dans ses importations et dans ses exportations, sous l’effet de dynamiques régionales, de bouleversements logistiques et de facteurs politiques internes. Les données des douanes libanaises pour le premier trimestre 2025 confirment cette tendance : la Chine, la Turquie, l’Égypte et surtout les Émirats Arabes Unis renforcent leur présence sur le marché libanais, tandis que les exportations se concentrent désormais vers la Suissela Syrie et le Qatar. Cette bascule, loin d’être anecdotique, traduit un redéploiement opportuniste du commerce libanais, mais aussi une fragilité structurelle : le pays ne réoriente pas seulement ses flux, il subit leur redéfinition.

Une nouvelle hiérarchie des fournisseurs

La Chine reste le premier fournisseur du Liban avec 487 millions USD d’exportations vers le Liban au T1 2025, en hausse de +19,1 %. Mais ce sont surtout les pays du Moyen-Orient qui enregistrent les progressions les plus spectaculaires :

  • Turquie : +42,4 %
  • Égypte : +113,7 %
  • Émirats Arabes Unis : +141,5 %

À l’inverse, des partenaires historiques européens reculent fortement. L’Italie, par exemple, enregistre une baisse de −23,3 % de ses exportations vers le Liban. Ces évolutions illustrent un glissement du centre de gravité commercial libanais vers l’Asie et la Méditerranée orientale, favorisé par la baisse des coûts logistiques intra-régionaux, la proximité culturelle, et la flexibilité des partenaires turcs et égyptiens.

Pays fournisseurT1 2025 (M USD)Évolution annuelle
Chine487+19,1 %
Turquies.o.+42,4 %
Égyptes.o.+113,7 %
Émirats256+141,5 %
Italie245−23,3 %

L’or libanais part en Suisse : une concentration extrême

Côté exportations, la situation est encore plus tranchée. La bijouterie, dominée par l’or, représente 43,3 % des exportations libanaises, en hausse de +120,2 % sur un an. L’essentiel de cette croissance est capté par la Suisse, qui absorbe désormais 28,9 % des exportations libanaises, contre seulement 3,3 % un an plus tôt. Les expéditions vers la Syrie (+61,9 %) et le Qatar (+44,4 %) confirment cette logique régionale. Mais cette concentration sectorielle et géographique rend le Liban vulnérable à tout choc réglementaire ou fiscal dans le commerce de métaux précieux.

Pays destinataireT1 2025 (M USD)Évolution annuelle
Suisse277+739 %
Émiratss.o.+1,3 %
Syries.o.+61,9 %
Qatars.o.+44,4 %
Égypte35−23,9 %

Corridors terrestres et fret aérien : contraintes redessinées

L’évolution géographique des flux reflète aussi une adaptation logistique. Le fret aérien, via l’aéroport de Beyrouth, explose : +94,4 % d’exportations aériennes au T1 2025. Ce mode, historiquement coûteux, est devenu le principal canal des exportations de bijoux. Le corridor terrestre syrien, bien qu’important, reste instable. Les ports libanais, en particulier Beyrouth et Saïda, sont en recul. Cette géographie commerciale nouvelle s’appuie donc sur une logistique en tension, coûteuse, concentrée, et fragile.

Voie logistiqueT1 2025 Export (M USD)Évolution annuelle
Aérien (BIA)482+94,4 %
Port de Tripoli52+18,2 %
Port de Beyrouth348−1,4 %
Port de Saïda21−34,4 %

Une diversification géographique en trompe-l’œil

Le discours officiel souligne la diversification géographique du commerce libanais. En réalité, cette diversification masque une polarisation croissante autour de quelques produits (bijouterie, métaux) et de quelques partenaires. En 2025, 70 % de la valeur exportée repose sur trois familles de produits. L’économie réelle (industrie, agriculture, agroalimentaire) reste marginale dans les exportations, souvent faute de compétitivité prix ou de normes. La dépendance à la bijouterie n’est pas une stratégie commerciale, mais un reflet de la désindustrialisation et du blocage productif du pays.

Enjeux politiques et dépendances croisées

Cette réorientation est aussi politique. L’approfondissement des liens commerciaux avec la Turquie, l’Égypte, les Émirats ou le Qatar accompagne un recentrage diplomatique implicite. Le Liban s’arrime à un espace économique régional plus flexible, moins exigeant en normes, mais aussi moins stable. La concentration des exportations vers la Suisse dépend de la régulation suisse sur l’or, et d’accords bilatéraux sans filet protecteur. À la moindre inflexion réglementaire, les flux peuvent s’évaporer.

Le commerce extérieur libanais : stratégie ou réaction ?

Cette transformation géographique du commerce n’est pas le fruit d’une politique industrielle ou commerciale planifiée. Elle est le résultat d’une économie en réaction permanente, sans vision stratégique ni accompagnement institutionnel. Aucun accord commercial structurant n’a été signé depuis 2020. L’absence de stratégie nationale d’exportation empêche toute montée en gamme ou pénétration de marchés nouveaux. Le ministère de l’Économie et du Commerce n’a pas publié de feuille de route logistique depuis 2017. Cette absence de cap rend les évolutions actuelles instables et vulnérables aux chocs externes.

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