La légende de la Chanson Libanaise, Feyrouz
La légende de la Chanson Libanaise, Feyrouz

Je me demande comment je vais ! Je vais bien, ou moins bien, ou plutôt pas mal. Je fais avec. Je circule. Je me réveille le matin et je croule sous un tas de choses à faire. À  ne pas faire.  À omettre. À faire la sourde oreille parfois. Juste pour que la journée passe. Juste pour faire. Pour aller bien. Ou moins bien. Ou être là. Tout simplement. Je me demande comment je vais, parce que dernièrement je n’ai pas eu envie d’écrire. Ecrire pour qui ? Pour quoi ? Écrire après quoi ? 

Les mots foutent le camp. Basta. Bye Bye Birdie. 127 voix pour un nom. Non ! 128. Non ! 127 sans la triche. L’éternelle lutte pour le pouvoir. La condamnation après la guerre civile. Les mêmes dirigeants dirigés qui font une rotation autour de la table. Mon tour ? Ton tour ? Les zinzins de l’espace qui pirouettent pour tirer une chaise. On a bien rigolé devant nos téléviseurs. On s’était cru devant un mauvais remake des sous doués passent le bac avec le génie de Michel Galabru en moins, mais avec un président en plus. Ça arrive ! La sincérité n’a jamais été une vertu de la politique. Le mensonge est toujours justifiable dans les relations dites d’ordres publiques. Notre susceptibilité passive nous pousse à tomber en proie à l’erreur, à l’illusion, à la distorsion de la mémoire, à la défaillance de notre appareil cognitif. Nous sommes des poissons rouges pris dans un bocal.

Koullouna lil Watan ! En boucle partout. Les drapeaux sont dressés. Le cèdre essaye tant bien que mal de rester, érigé, majestueux. Comme pour nous rappeler ce qui fut un jour. Comme pour nous dire que nous continuerons. Que nous sommes encore bien là après des guerres civiles ravageuses. Toujours debout malgré tous les mensonges que les politiques s’efforcent de nous faire avaler depuis des lustres.  Il n’est plus question d’indépendance mais d’une quantité de dépendances! Nous sommes dépendants. Dépendants de la politique extérieure. De la Syrie et de son sanguinaire Serial Killer que plus rien n’arrête. Dépendants de la politique française. Entre Fillon et Le Pen notre cœur bascule. Dépendants de la Russie, des USA et de son Trump complètement trempé dans l’autobronzant bonne mine. Dépendants du beau temps pour une saison estivale, de la pluie pour glisser au ski.  Dépendants de la place présidentielle, de la bonne humeur de Gebran Bassil dernièrement, des blagues twittées de Joumblatt aussi. Un vrai coma éthylique. Mais ce qui nous garde toujours en mode Erectus, c’est justement notre dépendance. Notre dépendance à vouloir produire, créer, innover. Notre dépendance des uns aux autres. Ab Ovo et Ex Nihilo !

Le courage est notre participation sincère à la vie, à une communauté, à une œuvre, à un avenir ! Être courageux ne signifie pas aller ailleurs, mais au contraire rester pour changer la donne. Prendre conscience de ce que nous sommes, apprivoiser les faiblesses, et réagir. Être courageux diffuse notre besoin de placer nos sentiments les plus profonds dans le monde, vivre et résister aux nécessités des relations qui existent déjà, créer une possibilité face aux inquiétudes. Être courageux c’est aussi accepter nos dépendances, la place de l’autre dans notre vie, l’importance de l’autre pour pouvoir accomplir des projets. La tolérance, l’amour d’un pays, la place de l’individu ! De chaque individu qui s’est épris de cette terre et qui s’est battu pour un principe, un projet, un rêve. Et le cèdre a demeuré pour eux ! Ceux qui sont restés libres de changer le monde et de commencer quelque chose de nouveau, loin des mensonges ! Ceux qui doivent leurs existences à l’imagination !

J’ai eu honte tout à coup. Honte de ne pas pouvoir écrire. Je me suis souvenue de tous ceux qui ont donné leurs vies pour une cause. Ces auteurs morts dans des camps de concentration. Ces artistes incarcérés dans des cellules de prisons. Qui ont fait leur travail alors qu’ils étaient harcelés, exilés, vilipendés, pillés. Et ceux qui ont été exécutés. Nous n’avons plus de temps pour succomber au  désespoir, pas de place pour l’apathie, ou les silences, plus de place pour la peur. Il nous faut parler. Choisir des mots. Apprivoiser des langages. Créer. Innover. Produire. C’est ainsi que les nations guérissent !

Je me demande comment je vais… Je vais bien, je crois ! Et je crois que demain ca ira mieux ! Fairuz, dans tous les cas, aurait eu raison de tout !

Hala Moubarak
Trentenaire aux cheveux rouges. Hier, un cri. Aujourd’hui, elle est «À cor et à cri ». Ambidextre. Architecte d’intérieur. Enseignante. Designer à ses heures perdues. Dévoreuse de livres d’histoire et de littérature. Mordue d’art. Râleuse au second degré. Vit une relation ambigüe avec Beyrouth. Se promène souvent avec l’énergie d’une étoile. Aime manger de la glace à la vanille. Grande rêveuse idéaliste. Atteinte d’une folie passagère. Fut le chat de Toulouse Lautrec dans une vie antérieure ! Si, si… je vous le jure !

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