Au 28 février 2025, le Liban n’a délivré que 965 permis de construire selon les données consolidées des Ordres des Ingénieurs de Beyrouth et de Tripoli, marquant une baisse annuelle de 39,23 %. Cette dégradation s’inscrit dans un contexte économique toujours très instable, couplé à une situation sécuritaire incertaine, deux facteurs qui freinent fortement les investissements immobiliers. Dans le même temps, la superficie totale autorisée à la construction (CAP – Construction Area Authorized by Permits) n’a reculé que légèrement de 0,17 % sur un an, atteignant 973 547 m². Cette dissociation entre le nombre de permis et la surface totale témoigne d’un nombre réduit de projets, mais de taille similaire à ceux de l’année précédente.
L’impact géographique : Beyrouth et la Békaa en fort recul
Toutes les régions du pays ont enregistré des baisses notables, mais certaines sont particulièrement touchées. Beyrouth enregistre la plus forte baisse, avec un effondrement de 85 % du nombre de permis, ne totalisant que 12 autorisations, contre 80 un an plus tôt. Viennent ensuite la Békaa (-57,52 %) et Nabatiyé (-52,26 %), alors que les autres gouvernorats subissent des reculs compris entre 23 % et 50 %.
Gouvernorat | Nombre de permis | Poids (%) | Évolution annuelle (%) |
---|---|---|---|
Beyrouth | 12 | 1,00 | -85,00 |
Mont Liban | 409 | 34,17 | -23,12 |
Liban-Nord | 13 | 1,09 | -50,00 |
Békaa | 96 | 8,02 | -57,52 |
Liban-Sud | 257 | 21,47 | -43,02 |
Nabatiyé | 116 | 9,69 | -52,26 |
Total national | 965 | 100,00 | -39,23 |
La région du Mont Liban reste la plus dynamique avec 409 permis délivrés, représentant plus du tiers du total national (34,17 %). Toutefois, cette zone enregistre elle aussi une contraction significative de 23,12 % par rapport à l’année précédente.
Un climat sécuritaire toujours tendu
La chute du nombre de permis de construire s’explique par plusieurs facteurs concomitants. Outre la récession persistante et les restrictions sur les financements bancaires, la dégradation du climat sécuritaire joue un rôle central. Malgré un accord de cessez-le-feu signé le 27 novembre 2024, les frappes israéliennes sur certaines zones libanaises se poursuivent en 2025, nourrissant l’instabilité. Entre février et septembre 2024, le conflit s’est étendu du sud du pays jusqu’à Beyrouth, provoquant la fuite d’investisseurs et le gel de nombreux projets immobiliers.
Cette incertitude continue de peser lourdement sur le secteur du bâtiment, traditionnellement moteur dans l’économie libanaise. Le retrait de capitaux et le refus d’engagement de la part des promoteurs et ingénieurs trouvent dans ces chiffres une expression tangible.
Tendance sectorielle : ralentissement mais pas effondrement des surfaces
Un élément important à souligner : malgré la forte baisse du nombre de permis, la surface autorisée à la construction a peu varié. La CAP ne recule que de 0,17 %, passant de 975 182 m² en février 2024 à 973 547 m² en février 2025. Cela signifie que les projets déposés restent de grande ampleur, suggérant que seuls les promoteurs les plus solides et résilients parviennent encore à initier ou poursuivre leurs opérations.
Lecture économique : le secteur du bâtiment à l’arrêt technique
Le secteur de la construction est l’un des indicateurs avancés de l’économie libanaise. En raison de son rôle multiplicateur, une baisse d’activité impacte directement des branches connexes telles que les matériaux de construction, l’ingénierie, l’urbanisme et l’emploi non qualifié. La diminution de 39,23 % des permis délivrés représente donc une alerte structurelle. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant qu’il ne s’accompagne pas d’une reprise parallèle dans d’autres indicateurs de confiance économique (crédit immobilier, investissements directs étrangers, etc.).
Les données du CAP et des permis sont également révélatrices d’un déséquilibre régional : les grandes agglomérations historiquement dynamiques (Beyrouth, Tripoli, Tyr, Saïda) deviennent des zones à risque sécuritaire, tandis que les régions périphériques plus stables n’attirent pas suffisamment d’investissements pour compenser.
Institutions concernées : Ordres des Ingénieurs de Beyrouth et Tripoli
Les données publiées dans cet article proviennent des Ordres des Ingénieurs de Beyrouth et de Tripoli, institutions professionnelles représentant les ingénieurs libanais. Elles supervisent, valident et recensent les permis de construire au Liban. Ces ordres jouent un rôle-clé dans la régulation de la profession et dans le suivi statistique du secteur. À titre d’exemple, l’Ordre de Beyrouth regroupe plus de 57 000 membres en 2024, tandis que celui de Tripoli en compte environ 18 000. Leur base de données fait autorité dans la surveillance de l’activité du bâtiment au Liban.