Alors que le Liban traverse une des périodes politiques les plus incertaines de son histoire récente, la course à la présidentielle semble s’orienter vers un nouveau tournant. Le chef de l’armée, Joseph Aoun, apparaît désormais comme le candidat favori pour succéder à la présidence vacante depuis des mois. Cependant, malgré un soutien grandissant, des oppositions subsistent, notamment au sein de la coalition chiite formée par le Hezbollah et le mouvement Amal.
Franjieh se retire, Aoun gagne du terrain
Suleiman Franjieh, chef du Mouvement Marada, a annoncé son retrait officiel de la course présidentielle, affirmant qu’il soutiendrait la candidature de Joseph Aoun. Ce geste marque un tournant dans la bataille politique, Franjieh ayant longtemps été soutenu par le Hezbollah et Amal. Avec ce retrait, le chef de l’armée devient le choix évident pour une partie des blocs politiques, y compris ceux traditionnellement opposés aux partis chiites.
Le retrait de Franjieh a également renforcé les espoirs de consensus, comme l’a exprimé le député Ibrahim Mneimneh dans une interview récente : « Il semble que nous nous dirigeons vers un large consensus autour de la candidature du chef de l’armée. »
Un soutien croissant mais des résistances persistantes
Plusieurs blocs politiques se sont alignés derrière Joseph Aoun, notamment le bloc de Développement et Libération dirigé par Nabih Berri. Ce dernier a déclaré qu’il soutiendrait tout candidat bénéficiant d’un consensus national. Toutefois, des sources proches de Berri ont indiqué que sa position définitive, ainsi que celle du Hezbollah, restait floue.
Le Hezbollah, pour sa part, a exprimé une réticence à modifier la constitution pour permettre l’élection d’Aoun, soulignant que celui-ci, en tant que haut fonctionnaire, devrait démissionner de son poste six mois avant de briguer la présidence. « Tant que Franjieh est candidat, notre choix reste Franjieh », a affirmé un responsable du Hezbollah, tout en laissant entendre que d’autres options, comme Elias al-Bayssari, pouvaient être envisagées.
Une convergence internationale autour de Joseph Aoun
La candidature de Joseph Aoun bénéficie également d’un soutien international significatif. Des pays comme la France, les États-Unis et l’Arabie saoudite ont clairement exprimé leur préférence pour une figure consensuelle capable de stabiliser le Liban. Le rôle du général Aoun dans la gestion des crises internes, notamment lors des manifestations de 2019 et de l’explosion au port de Beyrouth, a renforcé sa stature internationale.
L’envoyé spécial français Jean-Yves Le Drian a multiplié les rencontres avec des leaders libanais ces derniers jours, mettant en avant la nécessité de parvenir à un accord autour d’Aoun. De même, le nouvel envoyé saoudien, Yazid bin Mohammad, est en visite à Beyrouth pour encourager une solution rapide à l’impasse politique.
Les enjeux constitutionnels au cœur du débat
Le principal obstacle à l’élection de Joseph Aoun reste la question constitutionnelle. L’article 49 de la Constitution libanaise stipule qu’un haut fonctionnaire doit quitter ses fonctions au moins six mois avant d’être éligible à la présidence. Cette exigence a été contournée par le passé pour d’autres chefs de l’armée devenus présidents, mais le contexte politique actuel complique une telle initiative.
Le leader du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, a critiqué toute tentative de contournement constitutionnel, qualifiant un vote pour Aoun de « nul et non avenu ». Bassil, qui soutient Jihad Azour, ancien ministre des Finances, a insisté sur la nécessité de respecter les institutions et de parvenir à un véritable consensus.
L’opposition et ses calculs stratégiques
Du côté de l’opposition, les Forces libanaises (FL), dirigées par Samir Geagea, n’ont pas encore annoncé leur candidat officiel. Toutefois, Geagea a laissé entendre qu’il pourrait soutenir Aoun si le Hezbollah et Amal donnaient leur accord. La position des FL reflète une volonté stratégique de peser sur le choix final tout en évitant une confrontation directe avec les partis chiites.
Le Kataëb, de son côté, a déjà exprimé son soutien à Aoun, tout comme une partie des députés indépendants. Le Parti socialiste progressiste (PSP) a également indiqué que son bloc parlementaire, la Rencontre démocratique, était favorable à une candidature consensuelle.
Une session cruciale prévue
La session parlementaire prévue ce jeudi pourrait être décisive. Avec le retrait de Franjieh, les regards se tournent vers Nabih Berri et le Hezbollah pour déterminer s’ils soutiendront officiellement Aoun ou s’ils proposeront un autre candidat. La possibilité d’une série de tours de scrutin reste forte, chaque camp cherchant à imposer ses conditions.
Le Liban, plongé dans une crise économique et politique sans précédent, a besoin d’un président capable de restaurer la confiance et de relancer les institutions paralysées. Joseph Aoun, malgré les controverses, semble être le mieux placé pour remplir ce rôle. Toutefois, sans consensus clair, le risque d’un nouvel échec dans l’élection présidentielle demeure élevé.