Le Liban a formé un nouveau gouvernement technocratique dirigé par le Premier ministre Salam, suscitant des réactions mitigées parmi les acteurs économiques et financiers. Selon un rapport de Bank of America, cette nouvelle configuration politique pourrait ouvrir la voie à des réformes structurelles tant attendues, essentielles pour relancer une économie en crise depuis plusieurs années. Le gouvernement inclut des technocrates indépendants occupant des ministères clés, un élément jugé favorable par les observateurs. Toutefois, plusieurs scénarios restent possibles quant à l’avenir économique du pays.
Trois scénarios identifiés par Bank of America
Bank of America identifie trois trajectoires potentielles pour le Liban. La première repose sur le statu quo jusqu’aux élections législatives de 2026, un scénario où les divisions politiques actuelles empêcheraient toute avancée significative, maintenant le pays dans une situation de paralysie économique. La seconde envisage une progression vers un programme du Fonds monétaire international (FMI) non conventionnel, soutenu par la communauté internationale. Cette option pourrait être perçue comme défavorable aux créanciers obligataires, car elle impliquerait une restructuration de la dette publique avec des pertes importantes pour les détenteurs d’Eurobonds. Cependant, une révision à la hausse du produit intérieur brut (PIB) nominal, passant de 18 à 25 milliards de dollars, offrirait davantage de flexibilité dans l’analyse de la soutenabilité de la dette. Enfin, le troisième scénario, considéré comme le plus optimiste, suppose une adoption complète d’un programme orthodoxe du FMI, appuyé par la communauté internationale et mettant en œuvre des réformes strictes, notamment dans le secteur bancaire et fiscal.
Impact sur la Banque du Liban et les réformes financières
La Banque du Liban (BDL) joue un rôle central dans ce contexte. Son gouverneur sera nommé par décret du cabinet d’ici juin 2025, et l’ensemble du conseil d’administration de l’institution sera également renouvelé. Une direction indépendante de la BDL pourrait permettre une restructuration bancaire progressive, sans intervention parlementaire, en s’appuyant sur les lois 2/67 et 110/91. Cette stratégie viserait à préserver les dépôts bancaires en dollars bloqués dans le système financier, une question cruciale pour la stabilité sociale et économique.
Réactions des marchés financiers
La formation du nouveau gouvernement a déjà eu un effet notable sur les marchés financiers libanais. Les Eurobonds ont bondi de 6 % en une semaine, atteignant 18,15 à 18,85 cents par dollar, un niveau inédit depuis mars 2020. La Bourse de Beyrouth a également enregistré une progression de 0,4 % de son indice principal, tandis que la liquidité en dollars de la Banque centrale a augmenté de 253 millions de dollars en janvier 2025, portant ses réserves à 10,4 milliards de dollars.
Indicateur | 07/02/2025 | 13/02/2025 | Variation |
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Eurobonds (cents/dollar) | 17,25 – 17,95 | 18,15 – 18,85 | +6 % |
Réserves BDL (milliards $) | 10,135 | 10,388 | +253 M$ |
Indice boursier BSE | 222,98 | 223,95 | +0,4 % |
Les défis à venir pour le gouvernement
Toutefois, plusieurs défis persistent. Le gouvernement devra naviguer entre la pression sociale, le poids politique du Hezbollah et les exigences du FMI. Un programme orthodoxe du FMI exigerait des mesures impopulaires, notamment la levée des subventions résiduelles, une réforme fiscale approfondie et une restructuration des banques, ce qui pourrait provoquer des tensions sociales et politiques. À l’inverse, un programme moins strict pourrait ralentir la reprise économique, laissant planer l’incertitude sur la capacité du pays à stabiliser ses finances publiques.
Bank of America estime que les gains économiques à venir pourraient profiter davantage aux déposants qu’aux détenteurs d’obligations souveraines. Un accord de restructuration de la dette publique pourrait se traduire par l’émission d’un nouvel instrument obligataire permettant un redressement progressif des obligations d’État.
Bank of America : un acteur clé du suivi économique libanais
Fondée en 1904, Bank of America est l’une des plus grandes banques américaines, avec un actif total de 3 200 milliards de dollars en 2024 et une présence dans plus de 35 pays. Son département de recherche fournit des analyses économiques et financières approfondies sur les marchés mondiaux et émergents. Dans son dernier rapport, la banque souligne que les décisions du gouvernement libanais dans les six prochains mois seront cruciales pour la reprise économique et pour le rétablissement de la confiance des investisseurs internationaux.