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Brics élargis : un nouvel ordre mondial en marche ?

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Les BRICS ne sont plus un simple regroupement d’émergents : ils se transforment en une puissance géopolitique qui ébranle l’Occident. Avec l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Indonésie et une liste croissante de candidats, le bloc – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – s’élargit à un rythme fulgurant. Leur ambition ? Un monde multipolaire, libéré de la domination du dollar et de l’influence américaine. La dédollarisation devient leur fer de lance, mais entre rivalités internes, nouveaux prétendants et résistances globales, cette expansion peut-elle vraiment bouleverser la planète ? Plongée dans un basculement en cours.

Expansion éclair : les Brics doublent la mise

Nés comme BRIC en 2001, les BRICS ont pris de l’ampleur avec l’Afrique du Sud en 2010, puis une accélération spectaculaire depuis Johannesburg 2023. L’Iran, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis (EAU) ont rejoint en janvier 2024, suivis par l’Indonésie en 2025 après le sommet de Kazan 2024. L’Argentine, bien qu’invitée, tergiverse sous Javier Milei, qui a freiné sa candidature fin 2023. Avec ces membres, les BRICS+ pèsent 45 % de la population mondiale et 35 % du PIB global (parité de pouvoir d’achat), contre 44 % pour le G7. « C’est un pivot historique », affirme un chercheur en relations internationales basé à Moscou. Une trentaine de pays, de la Turquie au Venezuela, attendent leur tour, signant l’attrait d’un bloc qui défie l’ordre établi.

Dédollarisation : le dollar dans le viseur

La dédollarisation est le cœur battant de cette expansion, un projet audacieux pour démanteler la suprématie du dollar, qui domine encore 58 % des réserves mondiales et 80 % des transactions internationales (FMI, 2024). Les BRICS+ frappent fort : en 2024, l’Arabie saoudite a vendu du pétrole à la Chine en yuan, une première qui a secoué les marchés pétroliers. L’Inde et les EAU ont suivi, échangeant en roupies et dirhams pour des contrats commerciaux bilatéraux dépassant 10 milliards de dollars annuels. « Pourquoi dépendre d’une monnaie qui ne nous appartient pas ? » s’interroge un diplomate brésilien, reprenant une idée lancée par Lula da Silva en 2023. La Russie, sous sanctions depuis 2022, et la Chine, en guerre commerciale avec les États-Unis, mènent cette charge, mais le mouvement s’étend.

Le New Development Bank (NDB), créé en 2015 avec un capital de 100 milliards de dollars, joue un rôle clé. En 2024, il a financé 32,8 milliards de dollars pour 96 projets – routes en Inde, barrages en Afrique du Sud – sans passer par le FMI ou la Banque mondiale, institutions perçues comme des outils occidentaux. Une étape plus ambitieuse émerge : une monnaie commune, surnommée « R5 » (real, rouble, roupie, renminbi, rand), discutée à Kazan. Ce projet vise à créer une unité de compte pour les échanges internes, évitant les fluctuations du dollar. Mais l’Inde freine, préférant internationaliser sa roupie – déjà utilisée pour 5 % de son commerce extérieur en 2024 – plutôt qu’une devise collective. « On n’abandonne pas le dollar du jour au lendemain », tempère un économiste sud-africain, « mais chaque transaction hors dollar est une victoire ».

Les initiatives concrètes se multiplient. En 2024, la Chine a lancé une plateforme numérique, le Cross-Border Interbank Payment System (CIPS), utilisée par les BRICS+ pour contourner SWIFT, le réseau bancaire dominé par l’Ouest. L’Iran a rejoint CIPS en février 2025, facilitant 3 milliards de dollars d’échanges avec Pékin sans dollar. L’Arabie saoudite expérimente une cryptomonnaie adossée au pétrole, testée avec les EAU pour 500 millions de dollars de transactions en 2024. « Ces outils brisent le monopole américain », soutient un expert financier à Shanghai. Les BRICS+ envisagent aussi un panier de devises – mélange de yuan, roupie et rouble – comme alternative aux droits de tirage spéciaux du FMI, un plan qui pourrait voir le jour d’ici 2027.

Mais les obstacles sont nombreux. Le yuan, malgré une part de 4 % dans les réserves mondiales (2024), reste entravé par les contrôles stricts de Pékin sur son marché financier, limitant sa convertibilité. Le rouble, dévalué par les sanctions occidentales, n’inspire confiance qu’à une poignée de partenaires comme la Biélorussie ou l’Iran. Les infrastructures financières des BRICS – réseaux bancaires, systèmes de paiement – sont encore embryonnaires face à la sophistication de Wall Street ou de Londres. « La dédollarisation est un marathon, pas un sprint », nuance un analyste indien. Pourtant, les progrès s’accélèrent : en 2025, environ 15 % du commerce pétrolier des BRICS+ se fait hors dollar, contre 5 % en 2023, selon des estimations internes. Si cette tendance atteint 20 % d’ici 2030, comme le prédit Goldman Sachs, les États-Unis pourraient perdre jusqu’à 1 trillion de dollars annuels en demande de bons du Trésor, un scénario qui alarme Washington.

Les implications dépassent les chiffres. Chaque vente hors dollar – comme les 20 milliards de dollars de pétrole saoudien en yuan en 2024 – réduit la capacité des États-Unis à financer leur déficit via des emprunts étrangers. Les sanctions américaines, arme clé contre Moscou ou Téhéran, perdent en efficacité si les pays ciblés commercent sans passer par le système financier occidental. « C’est une guerre économique silencieuse », explique un économiste brésilien. Mais le dollar reste ancré : 80 % des contrats pétroliers mondiaux, y compris hors BRICS, s’écrivent encore en billets verts, et les marchés financiers internationaux privilégient sa stabilité. « Le dollar ne tombera pas avant une décennie, au mieux », prédit un banquier sud-africain, « mais les BRICS plantent les graines ».

Géopolitique : un front anti-occidental ?

Cette expansion redessine les alliances mondiales. La Russie, isolée depuis l’Ukraine, voit dans les BRICS+ une bouée de sauvetage. Le sommet de Kazan 2024, où Vladimir Poutine a accueilli 24 leaders, a défié les efforts occidentaux pour l’exclure. La Chine, en compétition directe avec les États-Unis, y trouve un levier pour son hégémonie. L’Iran, paria de l’Ouest, gagne une tribune, tandis que l’Arabie saoudite, agacée par les pressions américaines sur Vision 2030, diversifie ses partenaires. « C’est une alternative à l’hégémonie US », plaide un diplomate russe.

Mais l’unité est fragile. L’Inde, membre du Quad avec Washington, et le Brésil, proche de l’Europe, évitent une posture trop tranchée. « Les BRICS ne sont pas anti-occidentaux par essence », insiste un expert indien, « mais un espace pour les émergents ». L’Arabie saoudite et les EAU, alliés historiques des États-Unis, gardent un pied dans chaque camp – Riyad négocie encore un pacte de sécurité avec Washington en 2025. Cette ambivalence limite l’élan d’un front uni contre l’Ouest.

Nouveaux membres potentiels : qui frappe à la porte ?

La liste des candidats s’allonge, renforçant l’attrait des BRICS+. Plus de 30 pays ont signalé leur intérêt après Kazan, selon des sources officielles :

  • Turquie : En conflit avec l’OTAN, Ankara a déposé une demande en 2024. Avec un PIB de 1 trillion de dollars et sa position stratégique, elle serait un pont Eurasie-Moyen-Orient. « On diversifie nos options », confie un officiel turc.
  • Nigeria : Géant africain de 220 millions d’habitants, il vise les BRICS pour son pétrole et son influence régionale, avec une candidature probable en 2025.
  • Venezuela : Sous sanctions US, Caracas (18 % des réserves pétrolières mondiales) pousse sa demande depuis 2023, cherchant un bouclier.
  • Thaïlande : Économie dynamique d’Asie du Sud-Est, elle a manifesté son intérêt fin 2024 pour sécuriser ses échanges hors dollar.
  • Kazakhstan : Riche en uranium, proche de la Russie et la Chine, il discute d’une adhésion depuis 2024.
  • Pakistan : Allié de Pékin mais rival de l’Inde, il a exprimé son intérêt en 2023, bien que New Delhi puisse bloquer.

« Chaque ajout redéfinit le jeu », observe un analyste à Brasilia. Mais le consensus requis freine : l’Inde s’oppose au Pakistan, et l’Arabie saoudite doute du Venezuela, trop instable. « Trop grand, c’est risquer l’éclatement », prévient un économiste chinois.

Rivalités internes : l’union ou la fracture ?

L’élargissement amplifie les tensions. L’Inde et la Chine, en conflit frontalier depuis 2020, restent méfiantes – Kazan n’a rien apaisé. L’Iran et l’Arabie saoudite, malgré une détente en 2023, se disputent le leadership régional. L’Éthiopie et l’Égypte s’écharpent sur le barrage de la Renaissance. « Plus de membres, plus de frictions », note un expert sud-africain. La Russie et la Chine veulent un front anti-Ouest, mais l’Inde et le Brésil prônent l’équilibre, rendant les décisions laborieuses.

Énergie et marchés : un levier colossal

Avec l’Arabie saoudite, l’Iran, les EAU et la Russie, les BRICS+ contrôlent 43 % du pétrole mondial (S&P Global, 2024). La Chine et l’Inde, consommant 35 % du pétrole, sécurisent leurs flux hors sanctions. Ils détiennent aussi 72 % des terres rares, vitales pour les technologies vertes. « C’est une forteresse économique », vante un expert à Dubaï. Si la dédollarisation progresse, Wall Street – qui a perdu 5 % en 2024 après les ventes en yuan – pourrait vaciller davantage, avec des pertes estimées à 1 trillion de dollars d’ici 2030 si le trend s’accentue.

L’Occident en alerte : perdre le contrôle ?

Les États-Unis s’inquiètent : une dédollarisation massive fragiliserait leurs 7 trillions de bons du Trésor détenus à l’étranger (Trésor US, 2024). Chaque transaction hors dollar – 15 % du commerce pétrolier BRICS+ en 2025 – réduit leur capacité à financer leur déficit via emprunts étrangers. Une perte d’efficacité des sanctions, arme clé contre Moscou et Téhéran, menace aussi. L’UE, dépendante à 30 % de l’énergie moyen-orientale, craint une perte d’influence sur les prix. « Si les BRICS dictent le marché, on est vulnérables », admet un conseiller économique à Bruxelles. Le G7 riposte : accords avec l’Inde et le Brésil, 1 milliard d’euros d’aide à l’Afrique pour contrer la Chine. Mais le Sud global, lassé du FMI, regarde ailleurs.

Un bloc en devenir : triomphe ou mirage ?

Les BRICS+ affichent 35 % du PIB mondial et une ambition multipolaire, mais leurs divisions – Inde-Chine, Iran-Arabie – et dépendances (Chine sur les exportations) freinent leur unité. La dédollarisation avance : le yuan grimpe à 5 % des réserves en 2025, les ventes hors dollar atteignent 15 % du commerce BRICS+. Mais le dollar reste dominant à 58 %. « Ils secouent l’ordre sans le renverser encore », conclut un politologue sud-africain. Avec la Turquie ou le Nigeria en vue, le sommet 2025 au Brésil dira si ce bloc peut transformer ses rêves en réalité.

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Newsdesk Libnanews
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