Le Ramadan 2025 déploie sa ferveur à travers le globe, mais entre traditions savoureuses, tensions explosives et une flambée des prix alimentaires, ce mois sacré oscille entre célébration et survie. Du Liban, où la crise économique ternit les festins, à Gaza, sous blocus et surveillance, en passant par des dates décalées et des plats emblématiques, ce tour d’horizon révèle un Ramadan où la solidarité défie l’adversité. Voici les dates, les saveurs et les défis qui le définissent.
Liban : quand la faim vole la vedette au festin
Au Liban, le Ramadan s’ouvre le vendredi 28 février 2025, après l’observation du croissant par le Dar al-Fatwa, bien que certaines communautés chiites optent pour le 1er mars en raison de divergences méthodologiques. Traditionnellement, les rues de Beyrouth s’illuminent de lanternes (fanous), et les iftars réunissent les familles autour du fattoush, une salade fraîche de pain pita grillé, tomates, concombres, radis, menthe et sumac, relevée d’huile d’olive et de citron, symbolisant la simplicité méditerranéenne. En dessert, le kallaj, une pâte filo croustillante farcie de fromage ashta (crème caillée) et trempée dans un sirop parfumé à l’eau de rose, offre une douceur réconfortante. Mais en 2025, la crise économique, exacerbée depuis 2019 par des conflits régionaux et 1,5 million de réfugiés parmi 6 millions d’habitants, réduit ces plats à de rares luxes. Avec un panier alimentaire à 150 dollars – trois fois son prix de 2020 – les Libanais se rabattent sur des soupes de lentilles, partagées dans une solidarité forcée.
Un tour du monde des saveurs et des dates : qui jeûne quand ?
Arabie saoudite : le royaume des épices
Le Ramadan débute le 28 février après l’observation du croissant à La Mecque. Les Saoudiens rompent le jeûne avec des dattes, suivies du kabsa, un plat copieux de riz basmati cuit avec du poulet ou de l’agneau, parfumé au safran, à la cardamome et aux clous de girofle, souvent garni d’amandes grillées, incarnant la générosité du désert. Les sambosa, petits beignets triangulaires fourrés de viande hachée ou de légumes épicés, accompagnent les tarawih (prières nocturnes) dans les mosquées illuminées.
Émirats arabes unis : douceurs sous les étoiles
Alignés sur le 28 février, les Émiratis célèbrent avec le luqaimat, des beignets ronds frits, croquants dehors et moelleux dedans, nappés de sirop de dattes ou de miel, servis avec du café arabe au cardamome. Ces douceurs, partagées dans des tentes somptueuses, reflètent l’hospitalité bédouine sous les lumières des gratte-ciel.
Égypte : le roi du konafa
Le 28 février, les Égyptiens ouvrent leurs iftars avec le konafa, une pâte filo fine enroulée autour de fromage fondu ou de noix, cuite puis trempée dans un sirop sucré, et le foul, un ragoût de fèves brunes mijotées avec ail, cumin et huile d’olive, accompagné de pain baladi. Ces plats, abordables et savoureux, précèdent les feuilletons télévisés, une tradition culturelle.
Qatar : tradition prophétique
Le 28 février, le tharid – pain émietté dans un bouillon riche d’agneau ou de poulet, épicé au curcuma et poivre noir – rappelle les repas du Prophète. Les enfants fêtent le garangao, collectant des bonbons en costumes traditionnels à mi-parcours du mois.
Turquie : le réveil des tambours
Le 28 février, le pide, un pain plat ovale garni de fromage ou de viande, cuit au four à bois pour une croûte dorée, est servi chaud avec des olives et des dattes. Les tambours du sahur réveillent les jeûneurs, une coutume ottomane vibrante.
Indonésie : sucré et lumineux
Le 28 février, le kolak, un dessert de bananes ou patates douces cuites dans du lait de coco et du sucre de palme, ouvre les iftars, suivi de riz et poulet grillé. Les processions de torches (obor) illuminent les villages avant le jeûne.
Maroc : soupe et miel sous le croissant
Le 1er mars, faute d’observation le 27 février, les Marocains rompent le jeûne avec la harira, une soupe épaisse de tomates, lentilles, pois chiches et agneau, relevée de coriandre et cannelle, et les chebakia, biscuits frits en forme de rose, enrobés de miel et sésame, symboles de partage.
Iran : sobriété chiite
Le 1er mars, les chiites iraniens savourent le sholeh zard, un pudding de riz safrané sucré au sucre et à l’eau de rose, décoré d’amandes et pistaches, en mémoire de l’Imam Ali, assassiné en Ramadan 661. Ce plat sobre accompagne des prières prolongées.
Inde : épices et bazars
Le Kerala commence le 28 février, le nord le 1er mars. Les biryanis, riz long parfumé au safran, cuit avec poulet ou mouton et épices (clous de girofle, cardamome), et le haleem, ragoût lent de blé, lentilles et viande épaissi des heures, dominent les marchés nocturnes comme à Hyderabad.
Palestine et Gaza : prières sous surveillance, tables dépouillées
En Palestine et à Gaza, le Ramadan débute le 28 février dans un climat de guerre. À Gaza, le qatayef, des crêpes pliées remplies de noix ou fromage, arrosées de sirop sucré, est une tradition presque éteinte après 16 mois de conflit depuis octobre 2023. Les 2,3 millions d’habitants, dont 80 % déplacés, rompent le jeûne avec des rations – riz ou conserves – dans des tentes à Rafah, sous blocus israélien avec drones et contrôles stricts. Le Hamas patrouille pour protéger les stocks alimentaires, rares dans un territoire où 90 % souffrent d’insécurité alimentaire.
En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, le qatayef persiste, mais les prières à Al-Aqsa sont encadrées par des milliers de policiers israéliens, avec des checkpoints limitant l’accès. Ces mesures, justifiées par des risques d’attentats après 400 morts depuis 2023, entravent les traditions de lanternes et chants.
Prix alimentaires : le jeûne devient un luxe
La hausse des prix alimentaires frappe durement ce Ramadan 2025, liée à la guerre en Ukraine, aux sécheresses et aux coûts énergétiques. Au Liban, fattoush et kallaj cèdent aux lentilles, un panier à 150 dollars défiant les 6 millions d’habitants. En Égypte, foul reste accessible, mais konafa et viande grimpent de 40 %, une famille dépensant 50 dollars par semaine contre 35 en 2024. À Gaza, viande à 40 dollars le kilo, œufs à 1 dollar pièce, les habitants cueillent des herbes sauvages. En Indonésie, le kolak pâtit d’un riz 20 % plus cher.
En France, où vivent 5 à 6 millions de musulmans, les tajines – ragoûts de viande, pruneaux et amandes mijotés avec safran et cannelle – et le makroud, gâteau de semoule aux dattes frit et trempé dans le miel, persistent, mais les dattes Medjool passent de 10 à 14 euros le kilo. En Europe (25 millions de musulmans), huile d’olive et produits importés suivent la même hausse, limitant les festins.