Depuis plusieurs années, le Liban se trouve dans une situation d’isolement progressif sur la scène internationale, conséquence d’une accumulation de crises internes et d’un contexte régional de plus en plus polarisé. La crise institutionnelle, marquée par l’effondrement économique, la paralysie politique et l’érosion de l’autorité de l’État, a miné la crédibilité du Liban auprès de ses partenaires traditionnels. L’absence d’initiatives diplomatiques cohérentes a renforcé l’idée d’un pays incapable de défendre ses intérêts fondamentaux. À cette situation déjà critique est venue s’ajouter la récente escalade militaire avec Israël, obligeant les autorités libanaises à réagir pour tenter d’éviter une marginalisation définitive. Joseph Aoun, président de la République, et Nawaf Salam, Premier ministre, ont entrepris de relancer l’action diplomatique libanaise, misant sur la mobilisation des soutiens historiques du Liban tout en explorant de nouveaux canaux de dialogue.
Le rôle de Joseph Aoun : restaurer la souveraineté et la crédibilité
Joseph Aoun a fait de la défense de la souveraineté libanaise un axe central de son action depuis son élection. Face aux violations répétées de l’espace aérien libanais et au bombardement de la banlieue sud de Beyrouth, il a engagé une offensive diplomatique auprès des puissances occidentales et régionales. Ses déclarations publiques insistent sur l’attachement du Liban à la résolution 1701 et sur la nécessité d’une mobilisation internationale pour garantir son application effective. Cette approche vise à rappeler aux garants historiques de la paix au Liban, notamment la France et les États-Unis, leurs responsabilités envers un pays qui, malgré ses faiblesses, continue de jouer un rôle de stabilisateur relatif dans une région en ébullition. Joseph Aoun cherche également à rétablir une image d’État respectueux de ses engagements internationaux, élément clé pour obtenir des aides financières conditionnées à des réformes.
Nawaf Salam : diplomatie multilatérale et stratégie d’influence
Parallèlement, Nawaf Salam mise sur une diplomatie multilatérale fondée sur l’activisme auprès des organisations internationales. Juriste reconnu et ancien représentant du Liban aux Nations Unies, il utilise son réseau pour relancer les contacts avec l’ONU, l’Union européenne et plusieurs agences internationales. Sa stratégie repose sur l’idée que seule une mobilisation collective pourra exercer une pression suffisante sur Israël pour contenir ses actions militaires. Nawaf Salam multiplie les appels à des réunions d’urgence du Conseil de sécurité et plaide pour une révision du mandat de la FINUL afin de lui conférer des pouvoirs élargis de surveillance et d’intervention. Cette approche vise à replacer le Liban au centre des préoccupations diplomatiques globales, mais elle se heurte aux priorités stratégiques des grandes puissances, concentrées sur d’autres théâtres de crise.
La mobilisation des garants de la résolution 1701
La résolution 1701, adoptée en 2006 pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hezbollah, constitue le fondement juridique sur lequel repose toute la stratégie diplomatique actuelle. Joseph Aoun et Nawaf Salam tentent de relancer l’engagement des garants de cet accord, principalement la France, les États-Unis, l’Allemagne et la Russie. Ils insistent sur le fait que l’inaction face aux violations israéliennes affaiblit non seulement la souveraineté du Liban mais aussi la crédibilité des mécanismes internationaux de maintien de la paix. La diplomatie libanaise cherche à obtenir une déclaration forte du Conseil de sécurité condamnant explicitement les récentes agressions, mais les divisions internes du Conseil, exacerbées par la guerre en Ukraine et les tensions sino-américaines, rendent cet objectif difficile à atteindre.
Les tentatives de diversification des alliances
Conscients de l’usure de leur influence auprès des partenaires traditionnels, Joseph Aoun et Nawaf Salam explorent de nouvelles pistes pour diversifier les alliances du Liban. Des contacts ont été intensifiés avec la Chine, qui affiche une ambition croissante au Moyen-Orient, ainsi qu’avec la Russie, désireuse de consolider ses positions dans la région. Le Liban cherche également à renforcer ses liens avec les pays du Golfe, notamment le Qatar et les Émirats arabes unis, en mettant en avant la nécessité d’un soutien économique et diplomatique accru. Cette diversification reste cependant limitée par les tensions politiques internes et la méfiance persistante des puissances du Golfe envers certaines composantes du système politique libanais.
Les obstacles internes à la mobilisation diplomatique
La stratégie diplomatique engagée par Joseph Aoun et Nawaf Salam est entravée par des facteurs internes. L’absence de consensus national sur la politique de défense, les rivalités confessionnelles et l’influence persistante du Hezbollah compliquent la présentation d’un message unifié à l’international. Les partenaires étrangers perçoivent le Liban comme un pays fragmenté, incapable de parler d’une seule voix, ce qui réduit l’efficacité des démarches entreprises. De plus, les scandales de corruption, les retards dans les réformes exigées par le Fonds monétaire international et les critiques sur la gestion de la crise économique entachent la crédibilité des autorités libanaises et affaiblissent leur capacité de négociation.
Les premiers résultats des démarches diplomatiques
Malgré ces difficultés, certaines démarches ont produit des effets limités. La France a réaffirmé son soutien verbal à la souveraineté libanaise, tandis que les États-Unis ont exhorté Israël à éviter toute escalade. L’Union européenne a réitéré son engagement en faveur de la stabilité du Liban et a proposé une aide humanitaire supplémentaire pour faire face aux conséquences de l’escalade militaire. Ces signes de soutien, bien que symboliques, offrent un espace politique à Joseph Aoun et Nawaf Salam pour continuer à plaider la cause libanaise dans les forums internationaux. Toutefois, aucun engagement ferme ou contraignant n’a encore été obtenu, et la situation sur le terrain reste extrêmement volatile.
La diplomatie libanaise face aux priorités globales
Le contexte international complique considérablement la tâche des diplomates libanais. La guerre en Ukraine, les tensions en mer de Chine méridionale et la crise humanitaire à Gaza monopolisent l’attention des grandes puissances. Le Liban peine à s’imposer comme une priorité dans les agendas diplomatiques mondiaux. Cette marginalisation relative rend la mobilisation internationale plus difficile et oblige les autorités libanaises à multiplier les initiatives pour éviter que leur cause ne tombe dans l’oubli. La diplomatie de crise engagée par Joseph Aoun et Nawaf Salam doit ainsi composer avec une géopolitique mondiale fragmentée, où les solidarités traditionnelles sont remises en cause par de nouveaux rapports de force.
Perspectives à court et moyen terme
À court terme, la priorité de la diplomatie libanaise reste d’obtenir une désescalade militaire et un soutien humanitaire renforcé pour les régions affectées par les frappes israéliennes. À moyen terme, Joseph Aoun et Nawaf Salam cherchent à repositionner le Liban comme un acteur diplomatique crédible, capable de défendre ses intérêts sans s’aligner automatiquement sur l’un ou l’autre des grands blocs géopolitiques. Cette stratégie exige un renforcement des institutions nationales, une amélioration de la gouvernance et une réduction de l’influence des acteurs non étatiques armés sur les décisions politiques. Le succès de cette entreprise reste incertain, tant les défis internes et externes sont nombreux.