Oh, le Liban, ce petit bijou de la Méditerranée orientale, où les cessez-le-feu sont aussi solides qu’un château de cartes sous une tempête de sable, et où les occupations temporaires ont une fâcheuse tendance à s’éterniser comme un invité qui squatte votre canapé après un dîner raté. Cette semaine, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, nous a gratifiés d’une nouvelle pépite : Israël a décidé de planter son drapeau sur cinq collines stratégiques du sud du Liban, juste à la frontière, et – cerise sur le gâteau – il assure avoir reçu un « feu vert » des États-Unis pour y rester. Indéfiniment. Parce que, voyez-vous, ce n’est pas une question de temps, mais de « situation ». Traduction : on partira quand on aura envie, c’est-à-dire probablement jamais.
Katz, avec l’assurance d’un homme qui sait que personne n’osera lui demander de justifier quoi que ce soit, a lâché cette déclaration lors d’une conférence, selon un communiqué de son bureau. « Il y a une zone tampon à la frontière avec le Liban, ça n’a pas été facile, mais j’ai tenu bon, et on a eu un feu vert des États-Unis. On leur a donné une carte, et on reste là indéfiniment – ça dépend de la situation, pas du temps », a-t-il dit, probablement avec un petit sourire satisfait. Une carte, hein ? On imagine le topo : une vieille feuille froissée sortie d’un tiroir, un gribouillage au feutre rouge autour de cinq collines, et un « Tenez, les gars, c’est à nous maintenant » envoyé par fax à Washington. Et hop, le tour est joué.
Mais soyons honnêtes une seconde : est-ce que les États-Unis ont vraiment donné leur accord, ou est-ce qu’Israël a juste crié « feu vert » assez fort pour que tout le monde acquiesce par fatigue ? Parce qu’à ce stade, c’est une tactique bien rodée. Vous annoncez quelque chose avec aplomb, vous mettez un gros tampon « Approuvé par l’Oncle Sam » dessus, et vous laissez les sceptiques se débrouiller pour prouver le contraire. Peut-être que Katz a simplement envoyé un texto à un stagiaire du Département d’État – « Yo, on peut garder les collines ? » – et que le gamin, entre deux pauses TikTok, a répondu « Ouais, vas-y, cool ». Ou peut-être – et c’est l’hypothèse la plus hilarante – qu’il n’y a eu aucun feu vert, juste une provocation pure et simple pour forcer les Américains à suivre le mouvement. Après tout, qui va dire non à Israël quand il s’agit de « sécurité » ? Certainement pas le grand patron, le 47e président Donald Trump, trop occupé à faire mumuse en générant des vidéos sur Gaza avec une IA dernier cri – vous savez, ces montages où il se filme en sauveur du Moyen-Orient, coiffure impeccable et pouces levés, pendant que le monde brûle en arrière-plan. Entre deux tweets triomphants et une séance de brainstorming pour son prochain NFT de super-héros, il n’a probablement même pas vu la carte de Katz passer sur son bureau.
Et puis, franchement, cinq collines, ça sonne presque poétique. On dirait un titre de roman d’aventures : Les Cinq Collines de la Discorde. Sauf que dans cette histoire, il n’y a pas de héros, juste des armées qui jouent à Risk avec des vies humaines et des accords internationaux qui finissent en confettis. Ces cinq nouvelles collines viennent s’ajouter à une collection déjà impressionnante : les cinq collines de Kfarchouba, les fermes de Chebaa, et les sept villages occupés par Israël depuis des lustres. À ce rythme, le sud du Liban va bientôt ressembler à une annexe officielle du Golan, avec des pancartes « Propriété d’Israël – Ne pas toucher » plantées sur chaque monticule. Ça va faire plaisir aux colons messianiques, tiens – un peu plus de terres grignotées pour leur grand projet divin, mais ne vous inquiétez pas, il y en aura encore à prendre jusqu’à l’Euphrate. Après tout, pourquoi s’arrêter à cinq collines quand on peut rêver d’un empire biblique avec vue sur le fleuve ? Parce que, soyons clairs, cette occupation – pardon, cette « présence stratégique » – va à l’encontre des accords de cessez-le-feu qui, en théorie, étaient censés calmer le jeu après des mois de bombardements et de chaos. Mais au Liban, les cessez-le-feu, c’est comme les résolutions du Nouvel An : on les prend avec sérieux pendant trois jours, puis on les oublie dans un coin. Israël dit qu’il reste pour « sécuriser sa frontière » ? Évidemment, quoi de mieux que quelques collines libanaises – et puis celles de Kfarchouba, Chebaa, et les sept villages tant qu’on y est – pour admirer le paysage et, accessoirement, tenir le Hezbollah à distance ? C’est une zone tampon, qu’ils disent. Une zone temporaire. Indéfinie, mais temporaire. Vous suivez ? Non ? Normal.
Ce qui est fascinant, c’est cette capacité à transformer le temporaire en permanent avec une nonchalance qui frise l’art. Parce que le Liban, voyez-vous, est une terre d’expérimentation pour ce genre de tours de passe-passe. Souvenez-vous des réfugiés palestiniens. En 1948, après la Nakba, des dizaines de milliers d’entre eux ont fui vers le Liban. « C’est temporaire », disait-on. « Ils rentreront chez eux dès que les choses se calmeront. » Sauf que 77 ans plus tard, ils sont toujours là, entassés dans des camps comme Bourj el-Barajneh ou Sabra et Chatila, avec des générations qui naissent et meurent sans jamais avoir vu la Palestine. Temporaire, qu’ils disaient. Et voilà qu’Israël nous refait le coup avec ses collines – cinq de plus, après Kfarchouba, Chebaa, et les sept villages. « On reste juste le temps que la situation soit sous contrôle », promet Katz. Bien sûr. Et moi, je vais arrêter le café demain matin. Promis.
Le plus ironique dans tout ça, c’est que le Liban n’a même plus l’énergie de s’indigner. À force de voir des occupations, des guerres, et des ingérences étrangères avec la bénédiction locale s’empiler comme des strates géologiques, les Libanais ont développé une sorte de fatalisme désabusé. Cinq collines israéliennes de plus ? Bah, ajoutez-les à la liste, avec Kfarchouba, Chebaa et les sept villages. Le pays ressemble déjà à un Monopoly grandeur nature où tout le monde veut sa part du plateau. Pourquoi pas quelques collines supplémentaires ? Ça fera une belle carte postale : « Venez visiter le Sud-Liban, ses paysages ravagés et ses zones tampons pittoresques ! »
Mais revenons à ce fameux « feu vert » américain. Admettons, pour le plaisir de l’exercice, que les États-Unis aient vraiment donné leur bénédiction. Qu’est-ce que ça dit de la diplomatie internationale ? Que les accords de cessez-le-feu ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits ? Que la souveraineté du Liban est une blague que plus personne ne prend au sérieux ? À force, on peut même se demander si les États-Unis sont encore un « honest broker » dans ce merdier ou juste une partie prenante qui a choisi son camp depuis belle lurette. Ou peut-être que Washington a juste haussé les épaules et murmuré un « Faites ce que vous voulez, mais ne nous appelez pas si ça dégénère ». Ce ne serait pas la première fois. Les Américains ont une longue histoire de distribuer des feux verts et des feux rouges selon l’humeur du moment, et tant pis pour les petits pays comme le Liban qui se retrouvent coincés au milieu.
Et si ce feu vert n’existe pas ? Si Katz bluffe, comme un joueur de poker avec une mauvaise main mais un sourire confiant ? Alors là, chapeau. C’est du génie tactique. Parce que même si les États-Unis n’ont pas explicitement dit oui, ils ne vont pas dire non non plus. Pas publiquement, en tout cas. Trop risqué, trop compliqué. Mieux vaut laisser Israël faire son truc et prétendre qu’on n’a rien vu. C’est la beauté de l’ambiguïté stratégique : tout le monde peut sauver la face, sauf le Liban, bien sûr, qui n’a jamais eu de face à sauver dans ce genre de scénario.
Pendant ce temps, sur le terrain, les habitants du sud du Liban regardent ces nouvelles collines occupées – et celles de Kfarchouba, Chebaa, et les sept villages – avec une résignation qui confine au sublime. Eux aussi connaissent la chanson : le temporaire qui devient permanent, les promesses qui s’évaporent, les cartes redessinées sans leur avis. Ils ont vu leurs villages bombardés, leurs maisons rasées, leurs vies mises en pause pendant des mois de guerre. Et maintenant, on leur dit que ces collines – leurs collines – sont une « zone tampon » pour la sécurité d’un autre pays. C’est presque comique, si on aime l’humour noir. Imaginez : vous survivez à une guerre, vous commencez à ramasser les débris de votre vie, et là, un voisin débarque avec une carte et vous dit : « Désolé, mais ton jardin, et celui d’à côté, et celui de Chebaa, c’est ma sécurité maintenant. Indéfiniment. »
Et comme la situation au Moyen-Orient est aussi stable qu’un funambule bourré sur une corde raide, autant dire qu’on peut déjà prévoir des colonies sur ces collines d’ici quelques décennies. Des petites maisons blanches avec des drapeaux bleus, des panneaux « Bienvenue dans la Zone Tampon » et des touristes qui prennent des selfies avec vue sur Beyrouth.
En attendant, le Liban continue de s’enfoncer dans son rôle de punching-ball régional, un pays où les cessez-le-feu sont des suggestions, où les frontières sont des lignes pointillées, et où le temporaire est juste un mot poli pour dire « éternel ». Merci, Israel Katz, pour ce rappel hilarant que dans ce coin du monde, les cartes ne sont pas des outils de navigation, mais des armes de conquête. Et merci aux États-Unis – avec ou sans feu vert – pour avoir une fois de plus prouvé que la paix, c’est bien, mais la paix armée, c’est encore mieux. Cinq collines aujourd’hui, plus Kfarchouba, Chebaa, et les sept villages – peut-être cinq villages de plus demain. Après tout, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?