En ce 47e anniversaire de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), célébré aujourd’hui à Naqoura, la mission onusienne reste un symbole d’engagement international dans une région où la paix demeure fragile. Créée le 19 mars 1978 par les résolutions 425 et 426 du Conseil de sécurité de l’ONU, la FINUL avait pour objectif initial de rétablir la stabilité au sud Liban, alors plongé dans une crise majeure. Quarante-sept ans plus tard, sous le commandement du lieutenant-général Aroldo Lázaro, elle continue de jouer un rôle clé face à des tensions persistantes, comme en témoignent les récents incidents sécuritaires dans la zone.
« Il y a 47 ans, le sud Liban était au bord d’une crise majeure, et la communauté internationale a répondu présente », a déclaré le général Lázaro lors d’une cérémonie ce matin à Naqoura, siège historique de la FINUL depuis l’arrivée des premiers casques bleus en 1978. « Les résolutions de 1978 ont posé les bases d’un engagement durable pour la paix », a-t-il ajouté, soulignant la continuité de cette mission qui mobilise aujourd’hui plus de 10 000 soldats de 48 pays.
Alors que cet anniversaire coïncide avec une période de vigilance accrue le long de la Ligne bleue – la frontière de facto entre le Liban et Israël –, les récents événements rappellent les défis auxquels la FINUL est confrontée. Cet article retrace son histoire, son évolution et son rôle actuel, tout en intégrant les derniers développements factuels au sud Liban.
Une naissance dans l’urgence
En mars 1978, le sud Liban était en proie à une escalade violente. L’opération Litani, lancée par Israël pour contrer les attaques de groupes palestiniens basés au Liban, avait aggravé un conflit déjà alimenté par la guerre civile libanaise débutée en 1975. Face à cette situation, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, le 19 mars, les résolutions 425 et 426, exigeant le retrait israélien, le rétablissement de la paix et le soutien au gouvernement libanais pour reprendre le contrôle de son territoire méridional. La FINUL voyait le jour avec un mandat précis : surveiller le cessez-le-feu, protéger les civils et désamorcer les tensions.
Quelques jours plus tard, les premiers contingents de casques bleus arrivaient à Naqoura, un village côtier stratégique près de la frontière. Composée initialement de 4 000 soldats, la force incluait des troupes de nations comme la France, l’Irlande et le Nigeria. Dès ses débuts, elle a dû naviguer dans un environnement hostile, entre milices locales, forces israéliennes et populations civiles prises au piège des combats. Naqoura, avec son emplacement face à la Méditerranée, est devenue le cœur opérationnel de cette mission, un rôle qu’elle conserve encore aujourd’hui.
Une mission façonnée par les crises
Au fil des décennies, la FINUL a dû s’adapter à des contextes changeants. Dans les années 1980, l’invasion israélienne de 1982 et la montée en puissance du Hezbollah ont compliqué son mandat. Les casques bleus, souvent limités par des règles d’engagement strictes, ont été témoins de violences qu’ils ne pouvaient empêcher. En 1996, l’opération israélienne « Raisins de la colère » a marqué un tournant tragique : un bombardement sur une base FINUL à Qana a tué plus de 100 civils réfugiés, suscitant une indignation mondiale et des questions sur l’efficacité de la mission.
Le conflit de 2006 entre Israël et le Hezbollah a conduit à une nouvelle étape. La résolution 1701, adoptée à l’issue de cette guerre de 34 jours, a élargi les responsabilités de la FINUL. Outre la surveillance de la cessation des hostilités, elle devait accompagner les Forces armées libanaises (FAL) dans leur déploiement au sud du fleuve Litani et soutenir l’accès humanitaire. Depuis, la Ligne bleue est devenue son principal théâtre d’opérations, avec des patrouilles quotidiennes pour prévenir les escalades entre les parties.
En 2025, la FINUL combine technologie moderne – drones, systèmes de surveillance – et efforts humanitaires. Elle finance des projets pour les communautés locales, comme des écoles et des cliniques, dans une région marquée par la crise économique libanaise et les déplacements de population. « Nous sommes ici pour une paix globale, pas seulement militaire », a rappelé Aroldo Lázaro, mettant en lumière cette dimension essentielle de la mission.
L’actualité récente : une mission sous pression
Les derniers mois ont mis la FINUL à l’épreuve. Le 27 novembre 2024, un cessez-le-feu négocié par les États-Unis et la France a mis fin à plus d’un an de combats entre Israël et le Hezbollah, déclenchés par la guerre à Gaza en octobre 2023. Cet accord stipule le retrait des forces israéliennes du sud Liban d’ici le 26 janvier 2025, et le déplacement des combattants du Hezbollah au nord du Litani, sous la supervision d’un comité incluant la FINUL. Cependant, des violations ont été signalées. Le 3 janvier 2025, la FINUL a rapporté des opérations israéliennes au nord de la Ligne bleue, tandis que des destructions de zones résidentielles persistaient, selon un communiqué officiel.
Le 14 février 2025, un incident grave a secoué la mission : un convoi FINUL a été attaqué près de Beyrouth, blessant le commandant adjoint sortant et incendiant un véhicule. L’ONU a condamné cette « attaque violente » et exigé une enquête immédiate. Cet événement, survenu dans un contexte de manifestations contre l’interdiction d’atterrissage de deux avions iraniens au Liban, illustre les tensions locales qui affectent la sécurité des casques bleus.
Plus récemment, le 17 janvier 2025, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a visité Naqoura. Il a révélé que la FINUL avait découvert plus de 100 caches d’armes du Hezbollah depuis le cessez-le-feu, tout en dénonçant la « présence continue » israélienne comme une violation de la résolution 1701. Le lendemain, le président libanais Joseph Aoun a insisté sur l’urgence du retrait israélien, lors d’une rencontre avec Guterres à Baabda. Ces déclarations reflètent les pressions croissantes sur la FINUL pour faire respecter l’accord de novembre.
Défis et critiques
Malgré son engagement, la FINUL fait face à des critiques récurrentes. Certains, au Liban et ailleurs, estiment qu’elle manque d’autorité pour empêcher les violations, notamment l’armement du Hezbollah ou les incursions israéliennes. En mars 2025, des posts sur X ont qualifié la FINUL d’« inutile », suggérant un besoin de règles d’engagement plus fermes, similaires à celles utilisées en Yougoslavie. Ces opinions, bien que non représentatives, reflètent une frustration partagée par certains observateurs.
Sur le terrain, la FINUL doit aussi gérer des risques directs. Depuis 1978, elle a perdu 337 peacekeepers, un bilan humain lourd qui souligne les dangers de sa mission. Les incidents d’octobre 2024, où ses positions ont été visées plus de 30 fois, et l’attaque de février 2025 en sont des rappels récents. Pourtant, elle maintient ses positions, comme l’a noté Jean-Pierre Lacroix, sous-secrétaire général pour les opérations de paix, lors d’un briefing au Conseil de sécurité le 17 janvier 2025.
Un avenir incertain
En ce 19 mars 2025, la FINUL incarne une résilience face à l’adversité. Avec plus de 10 000 soldats et un budget annuel d’environ 500 millions de dollars, elle reste une force significative. Mais son succès dépend de la coopération des parties – Israël, le Hezbollah, le gouvernement libanais – et du soutien international. Guterres, lors de sa visite en janvier, a appelé à une pleine mise en œuvre de la résolution 1701, un « chemin vers une paix durable ».
Alors que le sud Liban reste marqué par les stigmates de la guerre – 124 000 déplacés selon l’OIM en janvier 2025, et des villages encore en ruines –, la FINUL continue de patrouiller, de médiatiser et de reconstruire. « La communauté internationale a fait un choix en 1978, et nous sommes toujours là pour l’honorer », a conclu Aroldo Lázaro. À 47 ans, la FINUL n’est pas seulement un vestige du passé : elle est un acteur actif dans un présent incertain, où chaque jour est une lutte pour la stabilité.