Le projet de rencontre entre Poutine et Trump en novembre 2018 avait donné lieu à une vague d’indignations et de critiques aux États-Unis, jusque chez une partie des républicains.

Comme cela s’était régulièrement passé, Trump avait encore été accusé de n’avoir pas de politique cohérente, de commettre des erreurs…

Trump a toujours été logique avec son programme, sa personnalité et il est en phase avec son électorat, essentiellement blanc et représentant les couches pauvres et les couches moyennes déclassées ou menacées de l’être à terme, même s’il commence à s’élargir aux couches aisées, principales bénéficiaires de l’embellie économique actuelle.

Sur le plan idéologique il est en parfaite cohérence avec les mouvements évangéliques et/ou suprématistes (fondamentalement antisémites et alliés à l’État d’Israël) et qui veulent redonner leur hégémonie aux Blancs à l’intérieur et reconquérir la suprématie des États-Unis face au reste du monde.

Un chef d’entreprise mafieux à l’échelle internationale

Son mode d’action est celle d’un chef d’entreprise américain du bon vieux temps, celui qui tient à traiter directement avec son employé en tant qu’individu et lui impose ses règles. La réponse à la contestation sociale organisée est le rejet et l’utilisation de la mafia pour l’obliger à composer ou à la briser si nécessaire lorsque la loi et les institutions censées garantir ses intérêts trouvent leurs limites.

De la mise au pas de l’Union europeéenne…

1) Au niveau international, Trump applique cette méthode du chef d’entreprise américain. Puisque les organismes internationaux censés surveiller l’application des règles qui lui garantissent la suprématie des États-Unis dans le commerce international sont devenus une entrave à celle-ci, il les dénonce et exige de négocier directement avec chaque nation séparément, espérant ainsi obtenir de nouvelles règles et rétablir le rapport de force en faveur des États-Unis. Et plus tard, à obtenir que les organismes internationaux finissent par adopter ces nouvelles règles bien sûr.

Il sait jouer aussi un pays contre l’autre, selon la bonne vieille méthode du diviser pour régner : l’Angleterre et la Pologne contre l’Union européenne, la France contre l’Allemagne,….

Trump a engagé les États-Unis dans une guerre commerciale de plus en plus dure et systématique, mettant en œuvre une dynamique particulièrement dangereuse pour la stabilité mondiale.

Un axe États-Unis/Israël pour une  offensive commerciale et idéologique

Articulée à cette guerre commerciale, une vague de fond de droite extrême et d’extrême droite se développe depuis de nombreuses années. Certains de ces partis sont aujourd’hui au pouvoir dans quelques pays européens et trouvent maintenant un levier extrêmement puissant et offensif avec l’axe Israël-États-Unis. C’est dire s’ils ont le vent en poupe !

De plus ces mouvements sont doublement protégés grâce à :

– leur osmose idéologique (populistes de droite extrême/extrême droite), politique (affirmation des intérêts de la nation comme antinomiques aux bénéfices procurés par la coopération intégrée entre différents pays), ce qui correspond parfaitement à la politique de Trump qui encourage et œuvre dans ce sens.

– leur antisémitisme, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître aux bien pensants. Cet antisémitisme est monnayé par l’État d’Israël : nous vous protégeons contre toute mesure coercitive concrète et efficace des autorités de l’Union européenne et, en contrepartie, vous soutenez l’État d’Israël dans toutes les instances internationales (au sein même de l’Union européenne, à l’ONU, UNESCO….) et vous soumettez à ses diktats sur la shoah et ses corollaires.

L’État d’Israël tire un second bénéficie essentiel de ce deal. Les juifs de ces pays, même lorsqu’ils arrivent à subodorer ce deal nauséeux, vivent dans un sentiment d’insécurité propice à une aliyah en Israël et/ou à devenir des agents actifs à son service dans leur propre pays.

Nous vous protégeons contre l’Union européenne, mais nous vous ouvrons aussi la porte d’entrée à la Maison Blanche pour des relations privilégiées. Vous pouvez constater vous-mêmes combien elle est à notre service. Voilà en substance le langage que l’État d’Israël leur tient.

Il n’est qu’à voir dans l’actualité encore récente le dirigeant hongrois Victor Orban, voué aux gémonies pour son antisémitisme par l’Union européenne, devenir brusquement le chantre de l’État d’Israël après sa visite juillet 2088 et son alliance avec Netanyahou.

L’État d’Israël a une supériorité totale de décision sur tout autre État au sein de  l’Union européenne. La France tout comme l’Allemagne n’y représentent qu’elles mêmes malgré un poids réel, voire essentiel lorsqu’elles s’allient. L’État d’Israël, lui, a ses représentants et hommes de mains, officiels et clandestins, dans chaque pays et dans chaque instance de l’Union européenne.

C’est ce qui lui permet de peser efficacement sur toute décision qui l’intéresse ou de l’enrayer. C’est ce qui fait sa supériorité sur tous les autres États membres et lui donne une parfaite maîtrise des instances de l’Union européenne.

À ceux qui joueraient aux vierges effarouchées, je rappellerai que les évangéliques américains sont notoirement antisémites et qu’ils sont parmi les meilleurs alliés de l’État d’Israël ; que Trump lui-même à fait preuve notoire d’antisémitisme, y compris depuis le début de son mandat et qu’il a été chaque fois absous par le gouvernement israélien.

… à l’offensive contre la puissance asiatique

Enfin un développement de l’islamophobie dans le monde, pas seulement en Europe et aux États-Unis, développement auquel participe largement l’État d’Israël qui ne manque pas d’encourager ce sentiment en Chine, et surtout en Inde où il est en osmose avec les nationalistes hindouistes.

L’État d’Israël ne recule devant rien lorsqu’il s’agit de ses intérêts qu’il traduit par “sa sécurité”. Il ne cesse de le proclamer et de le répéter. Il est temps de le prendre au mot.

Nous avons déjà connu dans l’histoire la double dynamique en cours, guerre commerciale d’une part, développement des égoïsmes nationaux et des mouvements de droite extrême/extrême droite d’autre part. On en connaît les conséquences et on en paie encore le prix. À cette double dynamique s’y ajoute une troisième, l’islamophobie.

L’histoire ne se répète pas toujours,  mais quand elle bégaie, quand “les loups entrent dans Paris” ….

Du potentiel d’un équilibre mondial tripolaire à la restauration d’un monde unipolaire

La phase entamée à l’orée du vingt unième siècle avec un nouveau stade de construction de l’Union européenne, l’émergence de la Chine et de l’ensemble du sous-continent indien avait laissé augurer la possibilité d’un nouvel équilibre tripolaire, portant en gestation la naissance d’un quatrième pôle africain dans les décennies futures.

L’ambition d’un pôle européen indépendant annoncé et programmé a été enrayée. L’Union européenne a été neutralisée et soumise comme nous l’avons évoqué ci-dessus.

L’Asie, à son tour, n’est pas à l’abri de ce type d’offensive en vue de saneutralisation et de sa soumission à l’Empire américain.

Même s’il n’a pas les mêmes capacités d’intervention qu’en Europe, l’État d’Israël n’y manque pas d’atouts. Nous avons déjà évoqué l’alliance qu’il a su tisser avec les intégristes hindous autour de l’islamophobie. Avec une pérennisation sur une longue période des nationalistes hindous au pouvoir, cela peut se traduire par une influence significative sur l’orientation politique de l’État indien lui-même.

Cette capacité d’influence est encore plus forte avec la Russie. Il existe des relations privilégiées entre les deux pays. Celles-ci s’explique aussi bien par la personnalité de Poutine que par le fait que plus de la moitié de la population israélienne est slave, qu’elle a constitué la force fondatrice d’Israël, en a structuré et dirigé l’État des décennies durant et, enfin, qu’il y a en son sein plus d’un million de Russes récemment immigrés.

L’État d’Israël cherchera à jouer un rôle décisif dans la politique de division entre la Russie et la Chine afin d’enrayer le processus d’un axe sino-russe face à l’Empire américain.

Il agira de même vis à vis de la Chine où, même avec des moyens beaucoup plus réduits, il cherchera à jouer aussi un rôle pour empêcher un tel axe. Les atouts en seront les échanges technologiques, la mise à disposition du port de Haïfa et la promesse d’une place au Proche-Orient dans le cadre du Deal du siècle, la coopération dans la répression et le musellement des Ouïgours…

Autant les États-Unis sont au service d’Israël pour ses ambitions au Moyen-Orient, autant ce dernier est le pont avancé dans la stratégie de l’Empire américain de reconquête de sa suprématie mondiale.

Le rêve d’un équilibre mondial tripolaire pourrait tout à fait faire place au désastre du rétablissement d’un monde unipolaire. Désastre parce que cela finirait nécessairement par la guerre. Après l’abdication de l’Europe, seul un axe asiatique peut conjurer la catastrophe annoncée et faire réémerger le rêve brisé.

La place de l’Iran dans la stratégie guerrière de Trump

Depuis la fin de l’occupation israélienne du Sud Liban, plus particulièrement depuis la guerre de 2006 contre le Liban, la stratégie de l’État d’Israël, reprise à leur compte par les américains comme les européens, est de combattre l’arc chiite qui va de l’Iran au Liban en passant par l’Irak et la Syrie.

Cette stratégie a donné des résultats probants, entraînant dans son sillage les monarchies du Golfe, l’État d’Israël leur ayant offert le même type d’os à ronger qu’aux évangéliques américains, aux premiers la menace perso-chiite, au derniers la bataille de l’Armageddon. C’est dire si la stratégie qui consiste à fabriquer un ennemi commun pour rassembler des forces hétéroclites est efficace et fonctionne toujours.

Nous avons donc, dans cette guerre qui se prépare, pour moteurs idéologiques d’une part un messianisme autour du retour du Christ, d’autre part un antagonisme arabo-sunnite contre l’ennemi perso-chiite.

L’objectif de l’État d’Israël, quant à lui, reste tout à fait terre à terre et ne varie pas d’un iota, à savoir la réalisation d’Eretz Israël et son corollaire, la soumission de l’ensemble des États de la région à ses intérêts propres.

Ce train, pour certain qu’il puisse être, en cache un autre avec la dynamique infernale enclenchée par l’alliance Trump/État d’Israël et la stratégie dans laquelle Trump s’engouffre progressivement, quasiment par pur enchaînement empirique.

La combinaison entre la guerre commerciale mondiale de Trump pour rétablir la suprématie de l’Empire américain et l’alliance Israël/Etats-Unis/Monarchies du Golfe pour l’aboutissement de la réalisation d’Eretz Israël porte en elle les germes d’une troisième guerre mondiale.

Dans cette stratégie, l’Iran n’est plus simplement la clé de voûte de l’arc chiite à détruire au profit de l’État d’Israël, c’est aussi l’avant-poste dans la guerre qui se prépare contre un axe sino-russe dans laquelle Trump s’engouffre avec sa dynamique, et dont le Proche-Orient, avec ses richesses en pétrole et gaz, constitue la base arrière essentielle.

La résistance persistante de l’Iran face aux prétentions de l’Empire américain encourage progressivement le Pakistan comme la Turquie à se rebiffer contre la mainmise américaine et entraîne petit à petit la constitution d’un bloc qui risque fort de s’arrimer à l’axe sino-russe et à l’Asie dans son sillage. Une telle perspective constituerait une force d’attraction suffisamment puissante pour entraîner à son tour l’Inde, malgré ses dissensions avec la Chine et le Pakistan. Cependant qu’un Iran à genou verrait au contraire la Turquie et le Pakistan rentrer dans les rangs.

Le centre du monde n’est plus à la City ni tout à fait à Washington. Il est en train de glisser depuis deux décennies dangereusement vers l’Asie. Rendre l’Amérique « great again » selon l’expression de Trump risque fort de transformer la guerre commerciale en cours en guerre tout court. l’Iran est la porte d’entrée de cette guerre à partir du Proche et Moyen-Orient.

Cela dit clairement l’intérêt stratégique fondamental de l’Iran pour la Russie comme pour la Chine dans leur stratégie de défense et de prévention contre la guerre que prépare objectivement Trump, même s’il pense ou a l’illusion de pouvoir maîtriser la dynamique qu’il a enclenchée. La force et l’importance de l’Iran dans ce jeu de dominos ne se mesurera pas seulement à sa puissance militaire défensive, elle se mesurera aussi et surtout à ses progrès technologiques, sa stabilité et à son essor économique. Cela relève aussi de la responsabilité de ces deux pays.

L’Union européenne seule aurait eu la crédibilité nécessaire auprès de l’opinion américaine pour faire face à cette machine infernale, mais elle s’est mise à genou sans même se battre. Il appartient à la Chine, la Russie, l’Inde entre autres d’y répondre résolument. Et il n’y a pas un pays, si petit qu’il puisse se penser, qui n’ait pas sa part de responsabilité à assumer face aux nuages qui s’amoncellent et conjurer la catastrophe annoncée.

Scandre Hachem

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