Le 23 mars 2025, l’ancien ministre libanais de l’Économie et du Commerce, Amin Salam, a tenu une conférence de presse à la Maison de la Presse à Beyrouth pour répondre aux accusations portées contre lui par le député Ferid Boustani, président de la commission parlementaire de l’Économie et du Commerce. Ces accusations, initialement déposées sous forme de plainte officielle, ont été transformées en une action personnelle auprès du procureur général de cassation, demandant à l’Ordre des avocats l’autorisation de poursuivre Salam, avocat de profession, devant la justice. Cette affaire intervient dans un contexte de tensions politiques et d’efforts de réforme dans un Liban en crise.
Contexte de la conférence de presse
Amin Salam a ouvert sa conférence en exprimant son étonnement face aux campagnes médiatiques et politiques visant à ternir son image. Il a dénoncé des « allégations et mensonges » propagés sur son mandat au ministère de l’Économie, notamment des soupçons de corruption visant à le discréditer auprès de l’opinion publique libanaise. Selon lui, ces attaques ne sont pas isolées mais reflètent une résistance systématique aux réformes qu’il a tenté d’instaurer dans un pays ravagé par une crise économique sans précédent depuis 2019.
Salam a rappelé avoir pris ses fonctions avec une devise claire : « La justice n’est pas qu’un slogan, c’est une action et une lutte. » Il a décrit le ministère de l’Économie comme « le cœur battant de la nation », un lieu où les crises économiques et sociales se croisent avec les souffrances quotidiennes des Libanais. Dans un climat d’effondrement économique, il affirme avoir affronté un système « enraciné » et hostile au changement, composé de « gangs » et d’intérêts établis qui ont prospéré au détriment du peuple.
Une lutte contre la corruption par les actes
L’ancien ministre a insisté sur le fait que sa lutte contre la corruption n’était pas théorique mais concrète. « Nous n’avons pas reculé, négocié ni cédé », a-t-il déclaré, soulignant des décisions qui, selon lui, ont fait une différence tangible. Parmi celles-ci :
- Réforme législative : Salam a relancé la loi sur la concurrence et les agences exclusives, un texte initialement proposé sous Rafic Hariri mais bloqué pendant des années. Adoptée après une « guerre acharnée » au Parlement, cette loi visait à réduire les prix, encourager la compétition et répondre aux exigences du FMI et des organisations internationales. Il a toutefois noté avoir reçu des « mises en garde » contre cette initiative.
- Contrôle des compagnies d’assurance : Il a réactivé une commission de supervision pour enquêter sur les responsabilités des assureurs après l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, cherchant à garantir les droits des victimes. Ce dossier sensible aurait, selon lui, dérangé de puissants intérêts.
- Révision du soutien public : Salam a mis fin au gaspillage des subventions, notamment sur la farine, en limitant le soutien au pain arabe pour protéger les fonds publics. Il a également formé une commission pour superviser la distribution équitable du blé et du pain, réduisant ainsi le monopole et la fraude.
Il a également évoqué un prêt de 150 millions de dollars obtenu du Banque mondiale pour sécuriser l’approvisionnement en blé, soulignant qu’il a restitué 1,6 million de dollars de frais administratifs non utilisés, un geste rare témoignant de sa gestion intègre. « Nous avons travaillé avec les plus hauts standards internationaux », a-t-il affirmé, ajoutant que le pain n’a jamais manqué malgré la guerre en Ukraine et l’absence de réserves stratégiques.
Accusations de Boustani : un règlement de comptes personnel ?
Salam a directement interpellé Ferid Boustani, l’accusant d’avoir lancé une attaque personnelle après son départ du ministère. Il a remis en question le timing et les motivations de la plainte, suggérant qu’elle visait à saboter son bilan réformateur. « Où était Ferid Boustani quand des milliards de dollars ont été dilapidés en subventions, quand les fonds des déposants étaient bloqués, ou après l’explosion du port ? » a-t-il demandé, insinuant que Boustani protège des intérêts personnels en tant que figure influente dans les secteurs des grandes entreprises et des agences exclusives.
Il a également défendu la mécanisation des transactions du ministère (import/export, protection des consommateurs), une mesure visant à réduire la corruption et le clientélisme, mais qui aurait déplu à ceux bénéficiant du statu quo. « Ceux qui veulent la réforme deviennent des ennemis de ceux qui vivent du chaos », a-t-il résumé.
Une bataille pour la vérité et l’espoir
Salam a présenté cette affaire comme une lutte plus large pour la justice et le changement au Liban. « Nous défendons l’idée même de réforme, l’espoir que certains veulent étouffer », a-t-il dit, appelant les Libanais à rester vigilants. Il a accusé ses détracteurs de chercher à « effacer les faits », mais a assuré que « la vérité finit toujours par triompher ». Préparant sa défense juridique, il a promis de dévoiler des preuves pour contrer ce qu’il qualifie de « campagne orchestrée ».
Analyse des enjeux
Les accusations de Boustani, bien que vagues dans leurs détails publics au 24 mars 2025, semblent porter sur des soupçons de détournement de fonds ou d’abus de pouvoir durant le mandat de Salam. Cependant, ce dernier les rejette comme une tentative de vengeance liée à ses réformes, notamment la loi sur la concurrence qui a menacé les monopoles, un secteur où Boustani, homme d’affaires prospère, pourrait avoir des intérêts. La transformation de la plainte en action personnelle renforce l’idée d’un conflit ciblé plutôt qu’une enquête institutionnelle.
Le bilan de Salam, s’il est vérifié, montre des efforts réels pour moderniser le ministère et limiter la corruption dans un contexte de crise aiguë. Sa restitution de fonds au Banque mondiale et la mécanisation des services sont des arguments en sa faveur. Toutefois, l’absence de détails précis sur les accusations de Boustani rend difficile une évaluation complète à ce stade.