Le 24 mars 2025, la presse libanaise s’est penchée sur la dynamique diplomatique entourant la crise sécuritaire au Sud-Liban, où le cessez-le-feu du 27 novembre 2024 entre Israël et le Hezbollah demeure fragile. Face à plus de 1 100 violations israéliennes (frappes, survols, occupation persistante), des initiatives internationales menées par les États-Unis, la France et certains pays arabes visent à éviter une escalade militaire tout en abordant la fixation des frontières, la libération des prisonniers et le respect de la résolution 1701 de l’ONU. Ces efforts, bien que tournés vers la stabilisation, suscitent des tensions politiques au Liban et des réserves sur les intentions des puissances médiatrices.
Une intensification inédite des efforts américains
Ad Diyar (24 mars 2025) met en avant l’activisme diplomatique américain, qualifié d’inédit. Le journal annonce la visite prochaine de Morgan Ortagus, vice-envoyée spéciale de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient, qui doit rencontrer les autorités israéliennes à Tel Aviv avant un éventuel passage à Beyrouth. Selon des sources, cette mission cherche à établir des comités bilatéraux libano-israéliens pour traiter les différends frontaliers, les prisonniers et les territoires occupés par Tsahal (environ 60 localités). Ad Diyar rapporte que cette approche est vue au Liban comme une tentative de contourner les mécanismes multilatéraux, notamment la FINUL, qui collabore avec l’armée libanaise sous la supervision du gouvernement de Nawaf Salam. Le Premier ministre, dans une déclaration récente, a insisté sur la primauté de la résolution 1701, reflétant sa volonté de renforcer la souveraineté étatique.
Une normalisation imposée ?
Al Akhbar (24 mars 2025) critique l’initiative américaine, la qualifiant de tentative de forcer une normalisation diplomatique indirecte. Le journal souligne le soutien de Washington à la stratégie israélienne de pressions militaires (exemple : frappe du 17 mars à Yohmor el-Chakif), qui fragilise la trêve. Une source militaire, en lien avec la FINUL, a confié à Al Akhbar que l’armée libanaise, sous les directives de Salam, rejette toute négociation hors du cadre de la résolution 1701, qui exige le retrait total israélien et la démilitarisation du Sud-Liban, sauf par les forces officielles. Le journal met en garde contre un « effondrement de la position libanaise » si des concessions sont imposées, une préoccupation partagée par Salam, qui cherche à préserver l’unité nationale face aux pressions externes.
Pressions américaines et demandes libanaises
Al Joumhouriyat (24 mars 2025) indique que le gouvernement de Nawaf Salam a exhorté Washington à contenir les actions israéliennes, citant des menaces de frappes sur Beyrouth en cas de tirs vers Metulla. Les responsables américains auraient réaffirmé leur engagement envers la sécurité d’Israël tout en priorisant la création de « trois comités » (frontières, prisonniers, stabilisation). Selon le journal, les États-Unis voient ces structures comme un moyen de « professionnaliser » les négociations, visant une reconnaissance progressive des frontières pour attirer des investissements régionaux. Cette vision contraste avec la position de Salam, qui, lors d’un discours le 10 mars, a appelé à une désescalade immédiate et à un respect strict des engagements internationaux, soulignant la nécessité d’un retrait israélien complet.
Le rôle complémentaire de la France
Al Liwa’ (24 mars 2025) éclaire le rôle de la diplomatie française, incarnée par Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial pour le Liban. Une visite de Le Drian à Beyrouth est prévue cette semaine pour soutenir le dialogue interne et la stabilisation militaire. La France privilégie une approche multilatérale, renforçant la FINUL et appuyant les institutions libanaises sous Salam. Cependant, des diplomates anonymes notent que Paris laisse l’initiative sur les questions frontalières aux États-Unis, se concentrant sur la cohésion politique. Cette stratégie complète les efforts de Salam, qui a salué le soutien français lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de France le 15 mars, tout en réaffirmant son attachement à la FINUL comme pilier de la paix.
Enjeux et tensions politiques au Liban
Ces initiatives internationales accentuent les divisions libanaises. Le Hezbollah rejette toute négociation directe avec Israël, s’alignant sur la résolution 1701, tandis que Salam et le président Joseph Aoun cherchent à renforcer l’autorité de l’État sans provoquer une rupture avec le groupe armé. Les Forces libanaises, dirigées par Samir Geagea, soutiennent les comités bilatéraux pour affaiblir le Hezbollah, créant un fossé avec le gouvernement. Salam, conscient de ces tensions, a appelé à l’unité nationale le 20 mars, déclarant : « Notre force réside dans notre cohésion face aux pressions externes. »
Réserves sur les puissances médiatrices
Les journaux expriment des doutes sur les médiateurs. Al Akhbar dénonce l’alignement américain sur Israël, perçu comme une menace à la souveraineté défendue par Salam. Ad Diyar et Al Liwa’ craignent une marginalisation de la FINUL, pilier du plan de Salam pour stabiliser le Sud. La France, bien que respectée, est jugée en retrait sur les dossiers clés, tandis que les pays arabes restent discrets. Ces réserves reflètent les défis du Premier ministre à naviguer entre influences extérieures et priorités nationales.
Analyse et perspectives
Au 24 mars 2025, les efforts diplomatiques oscillent entre stabilisation et pressions. Les États-Unis, via Ortagus, privilégient une approche bilatérale sous influence israélienne, tandis que la France et Salam insistent sur le cadre multilatéral de la résolution 1701. La persistance de Tsahal au Sud-Liban et les divisions internes limitent les progrès. Sans unité libanaise et respect des engagements internationaux, ces initiatives risquent de rester une gestion de crise plutôt qu’une solution durable.