Un aveu tardif d’un système en ruine
Lorsque le Premier ministre Nawaf Salam a déclaré publiquement que « Le Liban est un État en faillite », ses propos ont résonné comme une confirmation officielle de ce que la population subit depuis plusieurs années. L’effondrement économique, la crise bancaire, la paralysie institutionnelle et la fuite des capitaux avaient déjà convaincu les Libanais que leur pays était en faillite de fait. Mais entendre ces mots prononcés par un chef du gouvernement représente un tournant majeur, car ils consacrent l’échec total du modèle de gouvernance mis en place depuis des décennies.
Si cette déclaration est perçue comme un constat évident pour la population, elle soulève néanmoins plusieurs questions. Pourquoi ce discours intervient-il maintenant ? Quels sont les objectifs politiques derrière cet aveu ? Cette reconnaissance officielle de la faillite du Liban ouvre-t-elle la voie à des réformes, ou s’agit-il simplement d’un aveu d’impuissance destiné à préparer l’opinion à de nouvelles restrictions ?
Une crise financière hors de contrôle et un État sans ressources
L’aveu de Nawaf Salam sur la faillite de l’État libanais intervient alors que le pays est confronté à une crise financière d’une ampleur sans précédent. Depuis 2019, les finances publiques se sont progressivement effondrées, et l’État est aujourd’hui incapable de remplir ses obligations fondamentales.
L’une des principales causes de cette faillite officielle est l’effondrement du secteur bancaire et l’incapacité de la Banque du Liban à stabiliser la monnaie nationale. La livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur, provoquant une hyperinflation qui a rendu les produits de première nécessité inaccessibles à une grande partie de la population. Les banques ont bloqué les dépôts des épargnants depuis plusieurs années, et aucune solution crédible n’a été proposée pour restituer les fonds confisqués.
L’État libanais, autrefois financé par un système de dettes et de subventions externes, n’a plus aucune source de revenus fiable. Les recettes fiscales ont chuté en raison de la récession économique, et les aides internationales restent bloquées tant que des réformes structurelles ne sont pas mises en place. Nawaf Salam a reconnu que le Liban ne peut plus emprunter pour couvrir ses déficits et que les institutions publiques ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions essentielles.
Des institutions paralysées et une absence de plan de sauvetage
L’une des conséquences les plus dramatiques de cette faillite officielle est la paralysie totale des institutions libanaises, qui ne parviennent ni à gouverner ni à mettre en place un plan de sauvetage économique. Le Parlement, dominé par des luttes partisanes, est incapable de voter les réformes nécessaires, tandis que les ministères manquent de budget pour assurer un fonctionnement minimal.
Dans ses déclarations, Nawaf Salam a reconnu que le gouvernement ne dispose pas des leviers nécessaires pour rétablir la confiance des Libanais et des investisseurs étrangers. La corruption, qui gangrène l’administration publique, freine toute tentative de relance. Plusieurs dossiers essentiels, notamment la réforme du secteur bancaire et la restructuration de la dette publique, restent bloqués en raison des divergences politiques et des intérêts conflictuels des différentes factions.
Les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), qui auraient pu permettre au Liban de bénéficier d’une aide financière conditionnée à des réformes économiques, sont dans l’impasse. Les exigences du FMI, notamment en matière de lutte contre la corruption et de transparence budgétaire, sont rejetées par une grande partie de la classe politique, qui refuse de céder ses prérogatives et de perdre le contrôle des circuits financiers de l’État.
Une population abandonnée face à l’effondrement des services publics
L’aveu de Nawaf Salam sur la faillite de l’État a également mis en lumière l’effondrement des services publics, laissant les citoyens livrés à eux-mêmes sans perspectives d’amélioration. Les hôpitaux publics sont en rupture de financement, contraints de réduire leurs capacités ou de fermer certaines unités. Les médicaments essentiels ne sont plus disponibles, et les infrastructures médicales sont délabrées, ce qui pousse une grande partie de la population à dépendre du secteur privé, devenu inabordable pour la majorité.
L’éducation, autrefois un secteur clé du Liban, est également au bord de l’effondrement. Les universités publiques et privées souffrent d’un manque de financements, tandis que de nombreux enseignants quittent le pays en raison de la précarité des salaires. Les écoles publiques, déjà en difficulté, ne peuvent plus assurer une scolarité normale, avec des enseignants en grève et des bâtiments laissés à l’abandon.
Le secteur énergétique est un autre point de crise majeur. L’électricité est disponible seulement quelques heures par jour, et les générateurs privés, qui assurent l’essentiel de l’alimentation, pratiquent des tarifs exorbitants. Les promesses de réformes et d’investissements dans les énergies alternatives sont restées lettre morte, tandis que l’État ne parvient plus à garantir un approvisionnement stable.
Face à cet abandon général, de nombreux Libanais prennent la décision d’émigrer, notamment les jeunes diplômés et les professionnels qualifiés, qui ne voient plus aucun avenir dans le pays. L’exode massif des talents aggrave encore plus la situation, privant le Liban des ressources humaines nécessaires pour reconstruire son économie.