À quelques jours de la visite officielle de Emmanuel Macron à Beyrouth à l’occasion du centième anniversaire de la proclamation de l’État du Grand Liban, une source proche du palais de l’Élysée a indiqué que ce dernier “ne laissera pas tomber, qu’il a fait une promesse de faire ce qui doit être fait et d’appliquer les pressions nécessaires à mettre le programme en place”.

Il faisait ainsi allusion à la mise en place du prochain gouvernement et à la mise en place des réformes jugées nécessaires par la communauté internationale.

Le président français estime également que les partis politiques actuels doivent se mettre de côté dans le cadre de la formation du prochain gouvernement qui aura pour mission de mener ces réformes.

Pour rappel, la présidence de la république a indiqué que le début des consultations parlementaires obligatoires se déroulera ce lundi.

Ces informations interviennent alors que, de source médiatique, on annonce qu’il y a multiplication des contacts entrepris entre les différents partis politiques afin de nommer le prochain locataire du Grand Sérail. Pour l’heure, ces contacts ont échoué.

Selon les propositions actuelles, le mouvement Amal et le Hezbollah souhaiteraient toujours le retour de l’ancien premier ministre Saad Hariri en dépit de l’annonce de ce dernier de ne pas être candidat. Cependant, cette candidature est rejetée par les alliés même de Saad Hariri, à savoir les forces libanaises et le parti socialiste progressiste qui, souhaiteraient tous deux voir un gouvernement neutre arriver au pouvoir, ainsi que du courant patriotique libre. Pour rappel, Saad Hariri avait conditionné son retour à l’absence du dirigeant du parti présidentiel, Gébran Bassil.

Pour l’heure, le retour de Saad Hariri au Grand Sérail serait conditionné à l’acceptation de cette nomination par Gebran Bassil. Les propositions alternatives seraient également sur la table avec la nomination d’une personnalité sunnite, dont l’identité reste à déterminer, par Saad Hariri, ou encore l’organisation des consultations parlementaires obligatoires sans accord préalable et l’acceptation par tous du résultat quel qu’il soit.

Parmi les personnalités alternatives, une controverse touche l’ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies Nawaf Salem, considéré par le Hezbollah comme étant trop proche des États-Unis. Par ailleurs, les noms de Fouad Makhzoumi ou encore de Khaled Kabbani sont également évoqués.

Un poste dont personne ne veut en raison de la crise

Hassan Diab a démissionné le 10 août 2020, suite à un bras-de-fer avec le président du parlement Nabih Berri au sujet de la responsabilité de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Quelques jours plus tôt, Hassan Diab avait évoqué la possibilité d’organiser des élections législatives anticipées

Tout comme son prédécesseur, le prochain premier ministre fera l’objet d’immenses pressions tant en interne en raison de la crise sociale et économique que traverse le pays des cèdres mais également externes, avec le refus de la communauté internationale de débloquer une aide tant que les réformes économiques, monétaires ou encore financières ne sont pas mises en place, en raison des obstacles posés par une classe politico-économique qui refuse ainsi de toucher à ses propres intérêts.

La principale mission sera en effet de débloquer les négociations avec le fonds monétaire international, des négociations jugées nécessaires à l’obtention de l’aide financière visant à relancer l’économie locale. Cependant, le déblocage de ces négociations est jugé difficile en raison du refus de certains intérêts, notamment à reconnaitre l’ampleur des pertes du secteur financier.

Le Liban cumule les crises

Pour rappel, le Liban est confronté à plusieurs crises, crise économique, crise liée au coronavirus, et désormais crise liée à l’explosion du port de Beyrouth, à laquelle s’ajoute désormais une crise politique en raison de la démission du gouvernement Hassan Diab.

La crise du secteur bancaire, bien que maquillée par les opérations d’ingénieries financières menées par la Banque du Liban, avait débuté bien plus tôt, en dépit des profits colossaux annoncés par les banques libanaises jusqu’à l’année dernière. En réalité, la Banque du Liban a ainsi reversé près de 16 milliards de dollars entre 2016 et 2018, vidant ainsi une grande partie de ses réserve réserves monétaires en faveur des établissements bancaires.

Sur le plan économique, la crise qui a débuté de 2018 s’est révélée au grand jour durant l’été 2019 avec une pénurie en devises étrangères pourtant nécessaires à l’achat de produits de première nécessité notamment. Cependant, un inversement des flux financiers avait été constaté dès janvier 2019. Cette crise s’est ensuite accentuée suite à l’imposition de manière unilatérale par les banques libanaise d’un contrôle des capitaux, bloquant ainsi l’accès aux comptes.

Par ailleurs, la dégradation des conditions socio-économiques a abouti à de nombreuses manifestations dès octobre 2019, les manifestants dénonçant une classe politique considérée comme corrompue et en exigeant le départ.

Après la démission de l’ancien premier ministre Saad Hariri, le 29 octobre 2019, un nouveau gouvernement présidé par son successeur Hassan Diab a été constitué le 17 janvier 2020. Dès mars, les autorités libanaises ont annoncé un état de défaut de paiement sur les eurobonds arrivant à maturité. Par ailleurs, Liban a ouvert les négociations avec le FMI en vue d’obtenir une aide économique d’un montant espéré de 10 milliards de dollars.

Cependant, les négociations, aujourd’hui suspendues, ont rapidement achoppé sur la capacité des autorités libanaises à mener les réformes nécessaires pour le déblocage de l’aide internationale ainsi que sur le dossier du chiffrage des pertes du secteur financier. Les autorités libanaises estiment ainsi que ses pertes atteindraient 241 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 3600 LL/USD, soit 80 milliards de dollars environ, ce que refusent les banques locales via l’association des banques du Liban ou encore la Banque du Liban elle-même.

L’association des banques du Liban a ainsi activé ses relais présents au sein du parlement via la commission parlementaire des finances et du budget. Cette dernière, où sont présents certains actionnaires et représentants de banques locales, n’ont chiffré les pertes financières qu’à 81 000 milliards de dollars sur la base d’un taux de change de 1507 LL/USD.

Parallèlement, l’association des banques du Liban a présenté un plan de sauvetage rejeté par le FMI et les autorités libanaises, prévoyant la vente d’une partie de l’or du Liban et la session pour une durée déterminée de biens publics. Ce plan est également rejeté par les spécialistes qui estiment que la vente de biens publics ne pourrait se faire qu’en les bradant en raison des circonstances actuelles.

Certaines sources évoquent désormais des pertes pour le secteur financier qui dépassent les 100 milliards de dollars, estimant que le Liban nécessiterait désormais un plan de relance de 63 milliards de dollars mais que seulement 26 milliards au maximum sont disponibles. Selon ces mêmes sources, toutes les banques libanaises sont aujourd’hui insolvables.

La situation économique s’est, par ailleurs, encore dégradée avec la dégradation de la valeur de la livre libanaise et la mise en place de différents taux de change : taux de change officiel à 1507 LL/USD, taux de change dit du-marché pour les agents de change ou encore certaines entreprises fixées par la banque du Liban, aujourd’hui à 3900 LL/USD et taux de change au marché noir, qui a fluctué jusqu’à atteindre les 9000 LL/USD, au mois de juin.

Enfin, l’explosion du port de Beyrouth, qui a ravagé également une grande partie de la capitale libanaise, a encore aggravé la situation, avec des dégâts estimés entre 10 à 15 milliards de dollars.

Ainsi, si le taux de croissance du produit intérieur brut est estimé à -14 % avant cette explosion, de nouvelles estimations font état d’une récession économique de – 24 % en 2020.

Parallèlement, le Liban est également touché par le coronavirus. Les mesures prises par les autorités se sont révélées être aujourd’hui insuffisantes et le pays des cèdres risque de perdre le contrôle de l’épidémie, avec une augmentation quasi incontrôlée du nombre de cas, notamment après l’explosion du port de Beyrouth. Désormais, les capacités hospitalières actuelles sont saturées depuis 2 semaines, amenant également à l’augmentation du nombre de décès depuis la fin du mois d’août.