Un bureaux de change au Liban. . Crédit Photo Francois el Bacha pour Libnanews.com. Tous droits réservés
Un bureaux de change au Liban. Crédit Photo Francois el Bacha pour Libnanews.com. Tous droits réservés

Début août, le Président de la commission parlementaire de la santé Assem Araji avait déjà confirmé que le plan de déconfinement mis en place au mois de mai au Liban intervenait pour des raisons économiques et non sur des bases seulement scientifiques ou sanitaires, alors que le Liban était déjà confronté à une grave crise économique dès l’été 2019. Certaines sources faisaient ainsi état de pression sur le gouvernement par des organismes économiques, comme le syndicat des restaurateurs ou encore celui des stations balnéaires et de certaines chambres de commerce afin de permettre une réouverture de leurs entreprises.

Depuis, les autorités sanitaires et notamment le conseil de l’ordre des médecins ou encore celui des propriétaires des hôpitaux privés avaient à plusieurs reprises tiré la sonnette d’alarme face au fait que la population ne respectait pas en général, les règles de distanciation ou encore ne portait pas de masques, faisant craindre une propagation rapide du coronavirus au Liban.

Cependant, une hausse importante du nombre de cas de personnes contaminées par le coronavirus a été constatée ces derniers jours, notamment dans la capitale, faisant craindre aux autorités, une perte totale de contrôle face à la maladie.

Le nombre total des personnes touchées par le virus atteint le chiffre de 13 687 dont 12 377 localement et 1 310 en provenance de l’étranger, depuis la découverte du virus sur le sol libanais, le 21 février 2020.

Le bilan publié hier faisait état de la guérison de seulement 3 815 personnes et on dénombre 9 872 personnes toujours atteintes par le virus, soit de 72% des cas, depuis le 21 février, date de la découverte d’un premier cas au Liban, un chiffre inquiétant qui démontre que le virus continue à circuler de manière véloce au Pays des Cèdres. Le nombre de personnes atteintes connait donc une nouvelle hausse importante, démontrant que l’épidémie continue à s’accélérer au Liban et faisant craindre une perte de contrôle sur la maladie.

Une crise économique également d’une ampleur inconnue et les autorités publiques coincées entre impératif de santé publique et crise économique

Cependant, le Pays des Cèdres est également touché par une crise économique majeure, avec un PIB qui devrait reculer de 24% en 2020, selon plusieurs études, passant ainsi de 55 milliards de dollars en 2019 à 33 milliards de dollars fin 2020.

Sur le plan économique, la crise qui a débuté de 2018 s’est révélée au grand jour en été 2019 avec une pénurie en devises étrangères pourtant nécessaires à l’achat de produits de première nécessité notamment. Cette crise s’est accentuée suite à l’imposition de manière unilatérale par les banques libanaise d’un contrôle des capitaux, bloquant ainsi l’accès aux comptes.

Par ailleurs, la dégradation des conditions socio-économiques a abouti à de nombreuses manifestations dès octobre 2019, les manifestants dénonçant une classe politique considérée comme corrompue et en exigeant le départ. Les manifestations étaient un symptôme et non une cause de la dégradation des conditions économiques qui avaient débuté depuis bien plus longtemps au final. Déjà dès 2011, certains indicateurs, notamment dans le BTP s’étaient inversés et l’activité par une injection massive de fonds par la BDL. La BDL a également soutenu ensuite le secteur bancaire par ses opérations d’ingénierie financière. Cependant, au lieu de provisionner les possibles pertes à venir, ces fonds ont servi à être généralement redistribués via des dividendes aux actionnaires des banques.

Après la démission de l’ancien premier ministre Saad Hariri, le 29 octobre 2019, un nouveau gouvernement présidé par son successeur Hassan Diab a été constitué le 17 janvier 2020. Dès mars, les autorités libanaises ont annoncé un état de défaut de paiement sur les eurobonds arrivant à maturité. Par ailleurs, Liban a ouvert les négociations avec le FMI en vue d’obtenir une aide économique d’un montant espéré de 10 milliards de dollars.

La situation économique s’est encore dégradée avec la dégradation de la valeur de la libanaise et la mise en place de différents taux de change : taux de change officiel à 1507 LL/USD, taux de change dit du-marché pour les agents de change ou encore certaines entreprises fixées par la banque du Liban, aujourd’hui à 3900 LL/USD et taux de change au marché noir, qui a fluctué jusqu’à atteindre les 9000 LL/USD, au mois de juin.

Enfin, l’explosion du port de Beyrouth, qui a ravagé également une grande partie de la capitale libanaise, a encore aggravé la situation, avec des dégâts estimés entre 10 à 15 milliards de dollars.

Ainsi, si le taux de croissance du produit intérieur brut est estimé à -14 % avant cette explosion, de nouvelles estimations font état d’une récession économique de – 24 % en 2020.

Dans de nombreux secteurs d’activités déjà dès septembre 2019, de nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes en raison d’une part du contrôle des capitaux qui empêche l’importation de matières premières, notamment dans l’industrie ou encore de l’augmentation plus simplement des prix qui a réduit le pouvoir d’achat de leurs clientèles habituelle ou encore pour d’autres secteurs, le simple fait de remettre à plus tard les investissements, comme par exemple l’achat de véhicules ou de biens immobiliers, même si ce secteur en particulier a été considéré comme une valeur refuge par rapport au risque de devoir subir un haircut de ses comptes en banque, en raison de l’incertitude qui pèse actuellement.

Par ailleurs, la Banque du Liban a annoncé, par l’intermédiaire de son gouverneur, Riad Salameh, devoir interrompre d’ici trois mois le programme de subvention les produits de première nécessité, comme la farine, les médicaments ou encore le fioul. Cette décision pourrait entraîner une dégradation accrue de la valeur de la livre locale et induire hausse importante des prix qui devront s’aligner sur ceux des marchés mondiaux, faisant craindre pour certains, de voir un risque de famine apparaitre au Liban.

La Maladie ou la Faim, quid d’une 3ème option?

Comme l’avait résumé le directeur de l’Hôpital Universitaire Libanais, “les libanais ont le choix entre mourir de la maladie ou de faim”.

Cependant, une économie, cela peut se relancer, notamment si on accède à l’aide internationale mais dans le cas du Liban, cela réclame des sacrifices, non pas de la population, mais d’une classe politique et économique, qui, jusqu’à présent ne s’est épargnée aucun effort pour rejeter le programme de réformes structurelles, économiques, monétaires et financières dont elle bénéficie au détriment de la population. Il y avait un gâteau que tout ce petit monde se partageait au final au détriment de la population, via les dividendes des banques financés par la dette publique, les importations et les agences exclusives etc…

On a des réformes structurelles à mener et il s’agit de remettre à plat ce système. Aussi, il s’agit de relancer l’ascenseur social puisque la classe moyenne est passée en un an à peine de 57% à 40%, démontrant une paupérisation de la population, puisque 55% de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de 6 USD par jour.

Pour autant, si on peut refaire partir une économie, reconstruire le port, on peut reconstruire les immeubles, on peut rebâtir le patrimoine qui s’est effondré, une vie, une fois partie, c’est fini.