Depuis plusieurs mois, le Liban connaît une recrudescence inquiétante des actes criminels, notamment des vols, des braquages et des agressions. Cette montée de la criminalité est étroitement liée à la détérioration des conditions économiques et à l’effondrement des institutions publiques, qui peinent à assurer la sécurité et à répondre aux besoins fondamentaux de la population.
1. Une insécurité en hausse : des chiffres alarmants
Les derniers rapports des forces de sécurité indiquent une augmentation significative du nombre de crimes violents, en particulier dans les grandes villes comme Beyrouth, Tripoli et Saïda. Les cambriolages ont progressé de 35 % en un an, tandis que les vols à main armée ont presque doublé.
Cette hausse de la criminalité s’explique en grande partie par la crise économique qui frappe le pays depuis 2019. Avec une livre libanaise dévaluée de plus de 95 %, une inflation galopante et des salaires de misère, de nombreux Libanais se retrouvent dans une précarité extrême, poussant certains à des actes désespérés.
Un responsable des services de sécurité précise :
« Nous constatons une hausse des crimes opportunistes, principalement commis par des individus qui n’avaient aucun antécédent criminel. Il s’agit souvent de personnes qui ont perdu leur emploi, qui ne peuvent plus subvenir aux besoins de leur famille et qui passent à l’acte par nécessité. ».
Criminalité et crise économique : un lien de cause à effet
L’augmentation de la criminalité au Liban ne peut être dissociée de la crise économique qui frappe le pays depuis plusieurs années. Avec l’effondrement de la livre libanaise, la montée du chômage et l’explosion des prix des biens de première nécessité, une grande partie de la population se retrouve dans une situation de détresse absolue. Cette précarité pousse de plus en plus de personnes à commettre des délits pour survivre, tandis que l’État, affaibli et sous-financé, peine à assurer la sécurité et à garantir l’ordre public.
1. Une paupérisation rapide qui alimente la délinquance
Le Liban traverse l’une des pires crises économiques de son histoire moderne, avec un taux de pauvreté qui dépasse les 80 % selon les dernières estimations des ONG. Les travailleurs du secteur public, dont les salaires sont devenus dérisoires en raison de la dévaluation de la monnaie, se retrouvent dans des situations précaires, parfois contraints de recourir à des activités illégales pour compléter leurs revenus.
Un économiste spécialisé dans les questions sociales commente cette évolution :
« Lorsque les institutions s’effondrent et que les citoyens ne peuvent plus compter sur l’État pour assurer leur survie, des formes de criminalité opportunistes se développent. Ce que nous voyons aujourd’hui n’est pas une montée du crime organisé, mais plutôt une augmentation des infractions de nécessité. ».
Les experts en sécurité confirment que de nombreux crimes aujourd’hui sont commis par des individus qui n’avaient jamais eu d’antécédents judiciaires. Des jeunes diplômés sans emploi, des commerçants ruinés, ou encore des pères de famille incapables de nourrir leurs enfants se retrouvent à braquer des pharmacies, des épiceries ou à voler du carburant dans les stations-service.
2. Un État absent et des forces de l’ordre sous-financées
La crise économique n’impacte pas uniquement la population, mais également les institutions chargées de faire respecter la loi. Les forces de sécurité souffrent d’un manque criant de ressources : les salaires des policiers et des militaires ont été considérablement réduits en raison de l’effondrement monétaire, ce qui entraîne une démotivation et une baisse d’efficacité dans la lutte contre le crime.
Un officier de police témoigne anonymement :
« Nous n’avons plus les moyens de patrouiller comme avant. Le prix du carburant est trop élevé, nos effectifs sont en sous-nombre, et il est difficile de recruter du personnel qualifié dans ces conditions. Les citoyens attendent de nous que nous assurions leur sécurité, mais nous sommes aussi victimes de cette crise. ».
Dans certains quartiers populaires, les habitants dénoncent l’absence totale de présence policière, laissant place à une justice informelle où les citoyens tentent de se protéger eux-mêmes. Des groupes d’autodéfense ont commencé à se former, notamment dans certaines zones de Tripoli et de Beyrouth, où les vols et les agressions se multiplient.
Un expert en sécurité sur la montée des crimes et agressions au Liban
Face à l’augmentation inquiétante de la criminalité, les experts en sécurité alertent sur une dégradation sans précédent de la situation. Ils attribuent cette vague de crimes non seulement à la crise économique, mais aussi à l’effondrement progressif des institutions de l’État, qui ne parviennent plus à jouer leur rôle de garantes de l’ordre public.
1. Une criminalité qui évolue : entre opportunisme et réseaux organisés
Selon plusieurs analystes en sécurité, la montée de la criminalité au Liban n’est pas un phénomène homogène, mais elle se divise en plusieurs catégories. D’un côté, il y a les crimes de nécessité commis par des individus précarisés qui volent pour survivre. De l’autre, il y a des réseaux criminels qui profitent du chaos pour étendre leur influence.
Un expert en sécurité, interrogé sur cette évolution, détaille :
« Nous observons une hausse des crimes opportunistes, comme les vols et les cambriolages commis par des individus qui n’avaient jamais eu d’antécédents criminels. Mais en parallèle, certains groupes criminels organisés exploitent cette situation pour développer des trafics, notamment de drogue et d’armes. ».
Les zones urbaines les plus touchées par cette montée de l’insécurité sont Beyrouth, Tripoli et certaines parties du Sud du Liban, où la précarité s’est fortement aggravée ces derniers mois. Des braquages à main armée ont été signalés dans des stations-service, des pharmacies et même des boulangeries, ce qui témoigne du désespoir croissant de certaines franges de la population.
2. Le rôle des institutions sécuritaires et la tentation du bouc émissaire
Un autre point soulevé par les experts est la responsabilité des institutions de l’État dans cette situation. Si l’appareil sécuritaire est régulièrement critiqué pour son inefficacité, certains estiment que la montée de la criminalité est utilisée comme un écran de fumée pour masquer les véritables responsables de la crise économique.
Un spécialiste des questions de sécurité explique :
« Il est facile de blâmer la police et l’armée pour la montée de l’insécurité, mais en réalité, ces institutions sont elles-mêmes victimes de la crise. Le véritable problème réside dans l’effondrement du système financier et la corruption qui a appauvri l’ensemble de la population. ».
L’un des éléments troublants est l’évolution du discours médiatique autour de la criminalité. Au début de la crise en 2019-2020, les suicides liés à la détresse économique étaient largement médiatisés, et la population dénonçait la responsabilité des banques et des élites financières dans l’effondrement du pays. Aujourd’hui, ces sujets sont relégués au second plan, et l’accent est mis sur la criminalité, créant un climat de peur et de méfiance.
Un sociologue analyse cette tendance :
« Il y a un glissement dans le discours dominant. En 2020, la colère populaire visait les banques et les milieux économiques qui ont orchestré l’effondrement financier. Désormais, on met en avant l’insécurité et la montée du crime, comme si cela permettait d’éviter de pointer du doigt les véritables responsables. ».
3. L’effacement des suicides du débat public : une stratégie médiatique ?
Un autre indicateur troublant est la disparition progressive du sujet des suicides économiques, qui étaient largement couverts par la presse en 2020. À l’époque, chaque cas de suicide était associé aux difficultés financières et à la pression sociale imposée par la crise. Aujourd’hui, bien que les suicides continuent d’augmenter, ils ne sont plus traités comme un symptôme du système économique défaillant, mais plutôt comme des faits isolés.
Un journaliste libanais exprime son inquiétude :
« Il y a clairement une volonté de détourner l’attention. Lorsque les banques ont commencé à restreindre l’accès aux fonds des déposants, la colère populaire était dirigée contre elles. Aujourd’hui, en focalisant le débat sur la criminalité, on évite d’avoir à poser la question de la responsabilité des élites économiques. ».
4. Comment restaurer la sécurité sans occulter les causes profondes ?
Les experts en sécurité insistent sur le fait que réduire la criminalité passe d’abord par une réponse économique et sociale adaptée. Augmenter le nombre de patrouilles policières et renforcer les effectifs de l’armée ne suffira pas à enrayer le problème tant que la pauvreté et le chômage continueront d’exploser.
Un ancien officier de sécurité propose des pistes pour améliorer la situation :
« Si le gouvernement veut vraiment lutter contre l’insécurité, il doit s’attaquer aux racines du problème. Cela signifie restaurer une économie viable, garantir des salaires dignes et offrir une perspective aux jeunes qui, aujourd’hui, voient la criminalité comme une issue de secours. ».
En l’absence de solutions structurelles, le Liban risque d’entrer dans un cercle vicieux où la criminalité devient un prétexte pour renforcer l’État sécuritaire, au lieu d’apporter de véritables réformes économiques.