Dans le jeu complexe du pouvoir libanais, Nabih Berri ne parle jamais pour ne rien dire. Hier, alors que l’annonce du gouvernement de Nawaf Salam était attendue, le président du Parlement a brillé par son absence à Baabda. Un geste qui vaut mille mots : sans l’accord du leader d’Amal, aucun gouvernement ne sera validé. « Sans nous, aucun gouvernement ne verra le jour », aurait-il lâché, selon Al Quds (06/02/2025), à des proches au cours d’une réunion tendue.
Un veto qui pèse lourd
L’absence de Berri à Baabda hier a été perçue comme un signe de blocage définitif. Selon Al Joumhouriyat (06/02/2025), ce boycott est une réponse directe à la volonté affichée de Nawaf Salam de ne pas inclure un ministre chiite imposé par le tandem Hezbollah-Amal. Depuis des semaines, le président du Parlement martèle que la nomination du cinquième ministre chiite est une ligne rouge.
« Il ne peut pas gouverner sans nous », explique un cadre du mouvement Amal cité par Al Akhbar (06/02/2025). « Nous représentons une partie essentielle du pays. Si Salam croit pouvoir nous contourner, il se trompe. »Derrière ces déclarations, un message clair : le tandem chiite détient toujours les clés du jeu politique, et aucun exécutif ne pourra fonctionner sans leur consentement.
Une stratégie de l’usure
Cette posture n’est pas nouvelle. Nabih Berri est un maître de l’attente. Depuis plus de trois décennies, il excelle dans l’art de bloquer un processus jusqu’à obtenir les garanties qu’il souhaite. Selon Al Liwa’ (06/02/2025), son refus de se rendre à Baabda s’inscrit dans cette logique : « Pourquoi donner son feu vert aujourd’hui, alors qu’il sait que plus il attend, plus ses adversaires seront contraints de négocier à son avantage ? ».
Nabih Berri mise sur l’essoufflement de Nawaf Salam. Plus le Premier ministre désigné reste dans l’impasse, plus la pression grandit sur lui pour accepter un compromis. Un ancien ministre cité par Al Sharq Al Awsat (06/02/2025)résume la situation : « Soit Salam plie, soit il part. Il n’a pas d’autre choix. ».
Les marges de manœuvre de Nawaf Salam se réduisent
Mais Nawaf Salam peut-il vraiment tenir face à une telle opposition ? La réponse dépendra de son soutien international. La France et le Qatar tentent toujours de faire pression sur les partis libanais pour accepter une sortie de crise, mais les positions restent figées. « Il n’y a aucun signe d’ouverture du côté du tandem chiite », confie un diplomate occidental à Al Quds (06/02/2025).
Sans une avancée dans les prochains jours, le scénario devient prévisible : soit Nawaf Salam cède et accepte un ministre chiite imposé, soit il jette l’éponge, ouvrant la voie à une nouvelle désignation et un retour à la case départ.
En attendant, Nabih Berri observe. Il sait que le temps joue en sa faveur.