Mardi 15 avril 2025, le Qatar a accueilli simultanément, bien que séparément, les présidents du Liban et de Syrie pour leurs premières visites officielles depuis leur entrée en fonction. Ces déplacements marquent une étape significative dans la réorganisation diplomatique du Moyen-Orient post-Assad, et confirment le rôle croissant de Doha comme interlocuteur privilégié des nouveaux pouvoirs dans la région.
Ces deux visites illustrent la densité des mutations géopolitiques en cours. Le président libanais Joseph Aoun et le président intérimaire syrien Ahmed al-Sharaa ont été reçus dans un contexte de réalignement régional, après la chute du régime syrien en décembre 2024. Le Qatar, qui avait toujours refusé de normaliser ses relations avec le régime de Bachar el-Assad, se positionne désormais comme soutien stratégique au nouveau gouvernement syrien, tout en poursuivant ses engagements vis-à-vis du Liban.
Une première visite diplomatique majeure pour Ahmed al-Sharaa
Le président intérimaire syrien Ahmed al-Sharaa, chef de l’ex-groupe Hayat Tahrir al-Cham, a été reçu par l’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, à Doha. Il s’agissait de sa première visite officielle dans un pays du Golfe depuis sa prise de fonctions à la tête de la Syrie post-Assad. La rencontre a été centrée sur les enjeux de sécurité régionale, les perspectives de reconstruction en Syrie et les relations futures entre les deux pays.
Cette rencontre intervient dans un contexte où le Qatar a joué un rôle déterminant dans le soutien à la rébellion syrienne depuis 2011, et plus récemment à la transition politique engagée après la chute du régime Assad le 8 décembre 2024. Contrairement à plusieurs pays arabes qui avaient rétabli leurs relations avec Damas, Doha avait maintenu sa ligne de refus catégorique tant que le pouvoir autoritaire de la famille Assad demeurait en place.
Le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad al-Shaibani, qui accompagnait le président Sharaa, a souligné dans un message publié sur X que le Qatar « n’a jamais abandonné le peuple syrien » et a salué un partenaire « fidèle depuis le premier jour de la révolution ».
Doha, acteur-clé de la reconstruction syrienne
La visite du président Sharaa s’inscrit dans un calendrier diplomatique dense, qui l’a récemment conduit aux Émirats arabes unis, en Turquie et dans plusieurs capitales arabes. Mais c’est à Doha que les enjeux apparaissent les plus structurants : réhabilitation des infrastructures, sécurisation des frontières, intégration diplomatique régionale.
Le Qatar a déjà signé plusieurs accords pour fournir de l’énergie à la Syrie, pays dont les systèmes d’alimentation ont été dévastés par plus de treize ans de guerre. Des projets communs sont à l’étude dans les domaines électrique, humanitaire et logistique. Cette aide vise à stabiliser les institutions de la nouvelle administration syrienne, tout en maintenant une ligne politique claire contre les formes de pouvoir autoritaire.
Une diplomatie parallèle : Joseph Aoun en visite officielle
Le même jour, le président libanais Joseph Aoun est également arrivé à Doha pour sa première visite officielle au Qatar depuis son élection. Il était accompagné du ministre des Affaires étrangères Youssef Rajji. Selon un communiqué de la présidence libanaise, des discussions bilatérales avec l’émir qatari étaient prévues pour se poursuivre jusqu’au mercredi après-midi, incluant des volets économiques, militaires et politiques.
Ce déplacement intervient peu après la rencontre entre le Premier ministre libanais Nawaf Salam et le président Sharaa à Damas, ce qui signe une volonté manifeste de réouverture diplomatique entre Beyrouth et Damas après des décennies de tensions, d’ingérences et d’accusations mutuelles. Le régime Assad, renversé récemment, avait été accusé de l’assassinat de plusieurs figures politiques libanaises dans les années 2000.
L’objectif affiché du président Aoun est de restaurer une coopération régionale pragmatique, basée sur la stabilité, l’échange d’informations sécuritaires, et la gestion conjointe de dossiers transfrontaliers comme la lutte contre les trafics, les réfugiés syriens, et la sécurisation des frontières.