La journée du 22 mai 2025 a été marquée par une intensification des hostilités à la frontière sud du Liban, sur fond d’interventions diplomatiques régionales autour de la question palestinienne. L’ensemble des quotidiens publiés ce jour ont accordé une large place aux développements militaires et politiques en lien avec le sud du Liban, les camps palestiniens, et les répercussions sur la stabilité interne du pays.
Attaques israéliennes et climat de guerre
Selon Ad Diyar (22 mai 2025), les tensions à la frontière sud ont connu une recrudescence notable avec de nouvelles frappes israéliennes sur plusieurs localités. Trois civils ont été tués à la suite d’une série de raids aériens : l’un à Ain Baal, présenté comme un cadre du Hezbollah sans que le parti n’ait confirmé cette affiliation, un second à Yater alors qu’il déblayait les ruines de son domicile, et un troisième à Aitaroun. Le journal souligne que ces frappes interviennent dans un contexte d’escalade rhétorique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a menacé de représailles massives en cas de riposte à partir du territoire libanais.
Al Akhbar (22 mai 2025) décrit également le climat pesant qui règne dans les villages du Sud. À Aitaroun, les obsèques de l’un des civils tués ont donné lieu à des scènes de deuil mêlées d’inquiétude. La population locale, déjà éprouvée par des mois de bombardements, craint une nouvelle dégradation de la situation à l’approche des élections municipales prévues le samedi suivant. La violence des raids israéliens et leur impact sur les infrastructures civiles alimentent une colère croissante, tandis que les familles déplacées peinent à retrouver un semblant de normalité.
Al Bina’ (22 mai 2025) relie directement ces développements militaires à la situation à Gaza, qu’il qualifie de « guerre d’extermination ». Le journal évoque les dizaines de morts quotidiens dans l’enclave palestinienne, et l’utilisation par Israël de la stratégie de la faim et du siège comme arme de guerre. Ce climat général de brutalité accentue les tensions régionales et rend plus probable une extension du conflit au Liban, selon le quotidien.
Position officielle et diplomatie libano-palestinienne
Dans ce contexte tendu, la visite du président palestinien Mahmoud Abbas au Liban, rapportée en détail par Al Sharq(22 mai 2025), prend une dimension symbolique et politique forte. Accueilli au palais de Baabda par le président Joseph Aoun, Abbas a réaffirmé dans un communiqué commun son engagement à respecter la souveraineté libanaise. Le texte insiste sur la nécessité de limiter les armes aux mains de l’État libanais et d’empêcher toute utilisation du territoire pour des actions militaires contre Israël. Ce point a été réitéré avec force : « le temps des armes hors du cadre de l’État est révolu », indique la déclaration.
Le même journal rappelle que ce message vise à contenir toute tentative d’escalade depuis les camps palestiniens ou d’implication indirecte du Liban dans le conflit en cours. Nahar (22 mai 2025) va plus loin en soulignant que cette déclaration répond aussi à une exigence internationale croissante : celle de garantir que les camps ne servent pas de base arrière à des groupes armés non étatiques, notamment dans le cadre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Al Bina’ relie cette rencontre à un repositionnement plus large du Liban sur la scène régionale. En mettant l’accent sur le droit des réfugiés au retour et en rejetant les projets de naturalisation, le président Joseph Aoun cherche à réaffirmer une ligne souverainiste claire, tout en consolidant les relations bilatérales avec l’Autorité palestinienne.
Guerre d’usure et implications politiques internes
Les répercussions internes de l’escalade sont également soulignées. Ad Diyar (22 mai 2025) s’interroge sur l’impact du conflit sur les municipales dans les régions du Sud. Des voix locales craignent que la peur et l’incertitude liées aux bombardements compromettent le bon déroulement du scrutin. La même source évoque aussi la stratégie d’Israël visant à créer un climat d’instabilité pour affaiblir les forces politiques adverses, en particulier le Hezbollah.
Al Akhbar (22 mai 2025) rapporte que certaines localités du Sud comme Aitaroun et Houla ont tenté de finaliser des listes électorales malgré le contexte sécuritaire. La prédominance du tandem Hezbollah-Amal y est manifeste, mais des tensions avec des partis de gauche ou des indépendants persistent, notamment en raison du refus de participer à des listes de « consensus partisan ». Le journal note que les frappes récentes ont ravivé un sentiment de marginalisation chez certains habitants, qui reprochent à l’État central son absence sur le terrain, en matière de secours ou de reconstruction.
Réactions régionales et pression sur Israël
Les journaux s’accordent pour souligner l’isolement diplomatique croissant d’Israël. Al Bina’ (22 mai 2025) et Al Akhbar rapportent que les capitales européennes, dont Paris et Madrid, ont intensifié leurs critiques à l’égard de Tel Aviv, notamment après des attaques contre un convoi diplomatique européen à Jénine. Le ministère des Affaires étrangères de l’Union européenne évoque un « tsunami diplomatique » contre Israël, tandis que le soutien inconditionnel de Washington est de plus en plus remis en question.
Dans ce cadre, Al Bina’ mentionne également une déclaration du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, qui persiste dans la ligne dure sur l’enrichissement d’uranium, tout en qualifiant les menaces israéliennes de « bluff stratégique destiné à couvrir ses échecs militaires à Gaza ».
Le facteur sécuritaire palestinien
Al Sharq et Nahar convergent sur l’importance d’un encadrement accru de la présence armée dans les camps palestiniens. Le communiqué libano-palestinien évoqué plus haut se veut une garantie de sécurité intérieure, notamment pour prévenir des actes isolés pouvant servir de prétexte à une nouvelle escalade israélienne. Al Sharq insiste sur la nécessité de coopération entre les forces de sécurité libanaises et les représentants palestiniens pour maintenir l’ordre, sans que cela n’alimente une logique de répression ni de stigmatisation.
Politique locale : les élections municipales redessinent le paysage sunnite à Beyrouth et dans le Sud
Les élections municipales au Liban, organisées dans un climat de tensions sécuritaires et de recomposition politique, ont mis en évidence une dynamique marquante : la réaffirmation d’acteurs issus de la mouvance sunnite traditionnelle, en particulier à Beyrouth, et les ajustements internes dans le Sud dominé par le tandem Hezbollah-Amal. La presse du 22 mai 2025 consacre une place considérable à ces enjeux, en soulignant les implications locales et nationales de certains résultats ou candidatures inattendues.
La percée du général Mahmoud el-Jammal à Beyrouth : retour en force du courant haririen
L’élection de Mahmoud el-Jammal à la tête de la liste « Beyrouth btehebbak » a constitué l’événement principal dans la capitale. Selon Ad Diyar (22 mai 2025), cette victoire, obtenue malgré l’absence officielle de participation du Courant du Futur, a été perçue comme une démonstration de force symbolique de l’électorat sunnite beyrouthin fidèle à la mémoire de Rafic et Saad Hariri. El-Jammal, présenté comme un proche de l’ancien Premier ministre, a recueilli plus de 40 000 voix, majoritairement dans les quartiers populaires de Tariq el-Jadideh, Mazraa et Ras el-Nabeh.
Al Akhbar (22 mai 2025) détaille le profil du vainqueur, un ancien conseiller en sécurité de Saad Hariri, connu pour sa proximité avec les habitants des quartiers défavorisés et son langage direct. Le journal insiste sur la rupture qu’il incarne avec les élites imposées « d’en haut » dans les précédents scrutins municipaux. Cette posture de proximité a fait mouche dans une ville marquée par la défiance vis-à-vis des alliances de circonstances et des coalitions hétérogènes.
L’analyse de Nahar (22 mai 2025) met l’accent sur la capacité de mobilisation spontanée des bases populaires sunnites, en dépit de l’appel à la neutralité du Courant du Futur. Le succès de la liste de el-Jammal est attribué à une forme de « nostalgie politique » doublée d’une volonté de sanctionner les alliances transversales jugées opportunistes, notamment celle entre Nabih Berri et Fouad Makhzoumi. Cette alliance, qualifiée par plusieurs analystes de « mariage contre nature », n’a pas su convaincre l’électorat traditionnel.
Recomposition dans le Sud : entre hégémonie chiite et tensions locales
Dans les localités du Sud, notamment à Aitaroun, Houla et Marjeyoun, Al Akhbar et Ad Diyar (22 mai 2025) rapportent des candidatures contestées autour du tandem Hezbollah-Amal. Si la domination de ces partis reste écrasante, les critiques sur les listes d’union ont émergé dans plusieurs zones, accusées de marginaliser les candidats indépendants ou affiliés à la gauche.
Al Akhbar relève que dans la municipalité d’Aitaroun, les négociations pour une liste consensuelle ont échoué. Le refus de certains communistes et membres du courant de l’ancien député Asaad Hardan de rejoindre la liste soutenue par le Hezbollah a conduit à la formation de listes concurrentes. Des voix indépendantes, quoique minoritaires, s’opposent désormais frontalement au contrôle politique du tandem.
Ad Diyar souligne que l’exacerbation de ces tensions a été aggravée par les frappes israéliennes sur la région les jours précédents, qui ont remis la sécurité au cœur du débat municipal. Dans plusieurs localités, comme Houla et Kfarkela, la population s’est divisée entre soutien traditionnel au Hezbollah et demandes de gouvernance locale plus inclusive.
Crise de représentation et fragmentation dans la périphérie sunnite
En dehors de Beyrouth, le scrutin a également mis en évidence des zones d’ombre dans la représentation sunnite. Naharévoque les difficultés rencontrées à Tripoli, où des listes rivales soutenues par des figures locales et des réseaux de notables se sont affrontées sans orientation centrale claire. L’absence de coordination entre ces acteurs a permis à certaines formations indépendantes d’émerger, bien que leur pouvoir effectif reste limité.
Le même journal note que dans la Bekaa Ouest, plusieurs figures locales anciennement proches de Saad Hariri ont mené campagne de manière indépendante, s’adressant à une base communautaire attachée à la mémoire de la gouvernance haririenne, sans pour autant bénéficier d’un appui officiel.
Al Sharq (22 mai 2025) analyse ce phénomène comme un symptôme de la fin d’un monopole politique sunnite structuré. En l’absence d’un leadership national fort, chaque région développe ses propres équilibres, souvent influencés par les réalités tribales, économiques ou sécuritaires. Le résultat est un morcellement du vote et une perte d’homogénéité dans les messages portés.
La liste Makhzoumi-Berri : une tentative échouée de synthèse confessionnelle
La tentative de coalition entre le président de la Chambre Nabih Berri et le député beyrouthin Fouad Makhzoumi a été lourdement sanctionnée dans les urnes. Al Akhbar observe que l’alliance, présentée comme une solution « transconfessionnelle », a souffert de l’image clivante de ses deux leaders auprès des électeurs sunnites. Berri, perçu comme une figure chiite dominante, et Makhzoumi, vu comme distant et opportuniste, n’ont pas réussi à capter l’électorat populaire beyrouthin.
Ad Diyar explique que cette défaite s’explique par un rejet instinctif de toute tentative de dilution identitaire perçue comme imposée. Le vote pour el-Jammal a fonctionné comme une « Fousha Khalq » selon un cadre du Futur cité par le journal : un exutoire émotionnel contre une configuration politique jugée artificielle.
La perspective nationale : quel avenir pour la représentation sunnite ?
L’ensemble de ces dynamiques pose une question centrale : qui représente aujourd’hui la communauté sunnite au Liban ? Nahar et Al Sharq soulignent que l’absence de Saad Hariri du champ politique actif crée un vide que ni le leadership traditionnel ni les figures émergentes n’ont su combler pleinement. Si el-Jammal incarne une forme de continuité symbolique, il ne possède ni la stature nationale ni l’architecture partisane pour imposer une ligne politique durable.
Al Akhbar va plus loin en affirmant que la réussite d’el-Jammal ouvre la voie à une redéfinition du leadership sunnite, en dehors des canaux classiques. Le modèle haririen pourrait survivre, mais sous des formes plus locales, fragmentées, voire informelles. La question reste entière : comment ces figures issues du terrain s’inséreront-elles dans un jeu national dominé par les coalitions parlementaires ?
Diplomatie : Dialogue sécuritaire entre Beyrouth et Ramallah, pressions régionales sur Israël et repositionnements arabes
La journée du 22 mai 2025 a vu converger plusieurs dynamiques diplomatiques autour du Liban et de la Palestine. Entre la visite du président Mahmoud Abbas à Beyrouth, les critiques européennes contre la politique israélienne à Gaza, et les nouvelles initiatives arabes pour la reconnaissance d’un État palestinien, la diplomatie régionale semble tenter de reprendre la main sur des dossiers jusqu’ici monopolisés par la confrontation militaire. La presse libanaise du jour met en lumière ces évolutions avec un accent particulier sur le rôle du Liban dans les négociations régionales et les conséquences d’un repositionnement palestinien à ses frontières.
L’entretien Abbas – Aoun à Baabda : sécurisation des camps et cadre de souveraineté
Dans Al Sharq (22 mai 2025), la rencontre entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue palestinien Mahmoud Abbas est présentée comme un moment de recentrage diplomatique. Le communiqué conjoint diffusé à l’issue de leur entretien réaffirme l’engagement commun pour « le respect de la souveraineté libanaise, la limitation du port d’armes à l’État et l’interdiction d’utiliser le territoire libanais pour des opérations militaires ». Le texte précise que « le temps des armes hors de l’État est terminé », une formule qui reflète un consensus fragile mais recherché entre les deux dirigeants.
Al Bina’ (22 mai 2025) analyse cette déclaration comme un message politique à double sens. D’une part, elle vise à rassurer les alliés occidentaux du Liban sur sa capacité à contenir toute dérive militarisée à partir des camps palestiniens. D’autre part, elle s’adresse à l’Autorité palestinienne elle-même, sommée d’assumer une responsabilité active dans la gestion sécuritaire de ces espaces, sans pour autant provoquer de tensions avec les factions plus radicales qui y sont implantées.
Al Akhbar évoque aussi la volonté affichée par Mahmoud Abbas de dissocier les réfugiés au Liban des dynamiques de confrontation directe avec Israël, tout en réaffirmant leur droit au retour selon la résolution 194. La dimension symbolique de la rencontre est renforcée par le rappel du rôle historique du Liban dans l’accueil des réfugiés, mais aussi des souffrances que cette présence a engendrées sur le plan interne.
Pressions européennes croissantes contre la politique israélienne à Gaza
Sur le plan régional, Al Bina’ et Ad Diyar soulignent une intensification des critiques formulées par l’Union européenne à l’encontre d’Israël. La presse rapporte une déclaration commune de plusieurs chancelleries européennes, dénonçant les violences infligées à un convoi diplomatique à Jénine. Cette attaque, jugée « inadmissible » par les diplomates concernés, a provoqué une réaction en chaîne. L’Union européenne évoque désormais un « tsunami diplomatique » contre Tel-Aviv, marquant une évolution dans la posture européenne traditionnellement alignée sur les positions israéliennes.
Ad Diyar note que cette rupture de ton s’explique par les pertes humaines massives à Gaza, ainsi que par l’échec du gouvernement Netanyahu à présenter une stratégie de sortie de conflit crédible. La France, l’Espagne, l’Italie et d’autres pays européens appellent désormais à la tenue urgente d’une conférence internationale sur la reconnaissance d’un État palestinien, avec l’Arabie Saoudite en position de médiateur principal.
Une médiation saoudienne en gestation
Cette dynamique est confirmée dans Al Akhbar, qui rapporte la tenue prochaine d’un sommet diplomatique parrainé par Riyad, et destiné à explorer les voies d’une reconnaissance internationale de la Palestine sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. L’initiative, qui comprend aussi une dimension de reconstruction post-conflit à Gaza, est appuyée par plusieurs États membres de l’Union européenne. Le journal insiste sur le rôle central que l’Arabie Saoudite entend jouer en reconfigurant sa diplomatie autour de la question palestinienne, quitte à geler – temporairement du moins – les discussions sur une normalisation avec Israël.
Al Bina’ fait écho à cette inflexion stratégique en évoquant les tensions croissantes entre l’administration Trump et le gouvernement israélien. Le journal cite des « sources diplomatiques arabes » selon lesquelles les États-Unis auraient exprimé en privé leur « frustration » à l’égard de Netanyahu, en raison des coûts politiques croissants que l’alignement inconditionnel sur Israël fait peser sur Washington.
Le Liban dans les équilibres diplomatiques régionaux
Dans ce contexte, le rôle du Liban apparaît à la fois marginal sur le plan militaire mais central sur le plan symbolique et diplomatique. Nahar (22 mai 2025) insiste sur la nature particulière de la visite de Mahmoud Abbas, qui se distingue par une volonté d’éteindre les foyers de tensions potentiels, notamment dans les camps de Beyrouth, Saida et Tyr. Le journal note que cette visite s’est tenue sans incident, et que les services de sécurité libanais ont coordonné de près les déplacements du chef de l’Autorité palestinienne, en collaboration avec la Sûreté Générale.
Al Sharq souligne que la politique libanaise sur le dossier palestinien reste guidée par trois principes : refus du désarmement par la force, coordination sécuritaire dans les camps, et rejet ferme de toute forme de naturalisation. Le communiqué publié à l’issue de la rencontre entre Aoun et Abbas réaffirme cette ligne, tout en s’ouvrant à une « coopération pour la stabilité », notamment via l’UNRWA et d’autres agences internationales.
Absence remarquée du Hezbollah dans le dialogue public
Un élément notable, relevé par Ad Diyar, est l’absence de toute référence explicite au Hezbollah dans les communications officielles liées à la visite d’Abbas. Bien que le parti chiite reste l’acteur sécuritaire dominant dans le Sud et dans certains camps, il a choisi de ne pas commenter publiquement la déclaration conjointe entre les deux présidents. Ce silence est interprété par certains analystes comme un signe de prudence : toute implication trop visible du Hezbollah pourrait être perçue comme une tentative d’instrumentalisation de la visite à des fins partisanes.
Selon Al Akhbar, cette réserve est aussi stratégique. Le parti cherche à éviter toute confrontation ouverte avec l’Autorité palestinienne, tout en maintenant ses canaux de communication avec les groupes armés palestiniens actifs dans les zones sensibles. Cette attitude contraste avec celle adoptée dans d’autres contextes, comme les relations avec les Houthis au Yémen ou avec le Hamas à Gaza, où le soutien du Hezbollah est beaucoup plus affirmé.
Vers un repositionnement diplomatique global ?
Al Bina’ et Al Sharq concluent que les signaux envoyés depuis Beyrouth doivent être lus dans une perspective plus large de repositionnement régional. Le Liban tente de se présenter comme un acteur raisonnable, capable de concilier solidarité avec la cause palestinienne et engagement envers les principes du droit international. Cette posture s’inscrit aussi dans une logique de préparation à d’éventuels arbitrages diplomatiques futurs, notamment dans le cadre d’un redémarrage éventuel du processus de paix.
Politique internationale : Pressions transatlantiques sur Israël, bras de fer américano-iranien et nouvelle donne syrienne
Les développements géopolitiques du 22 mai 2025, tels que rapportés dans la presse libanaise, révèlent une configuration internationale en recomposition rapide. La convergence des critiques européennes contre la politique israélienne à Gaza, la radicalisation du bras de fer entre Washington et Téhéran, et l’installation d’un pouvoir transitoire à Damas reconfigurent les rapports de force dans la région. La diplomatie internationale semble chercher de nouvelles médiations alors même que la violence et les risques d’extension du conflit persistent.
Offensive diplomatique européenne contre Tel-Aviv
Al Bina’ (22 mai 2025) rapporte une déclaration conjointe de plusieurs chancelleries européennes – notamment la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie – dénonçant l’attaque israélienne contre un convoi diplomatique à Jénine. L’événement est qualifié par Bruxelles de « violation manifeste du droit international », relançant les appels à suspendre certains accords bilatéraux avec Israël. Le Service européen pour l’action extérieure évoque un « moment de rupture », tandis que des parlementaires européens réclament un embargo sur les armes.
Al Akhbar évoque un « tsunami diplomatique », selon une note interne du ministère israélien des Affaires étrangères, qui redoute une marginalisation croissante de Tel-Aviv sur la scène internationale. La même source souligne l’annulation de plusieurs visites diplomatiques prévues en Europe, ainsi que la suspension temporaire de programmes de coopération avec l’Italie et l’Espagne. Cette réaction intervient dans un contexte de pression interne en Israël, où les divisions gouvernementales sur la conduite de la guerre à Gaza deviennent plus visibles.
Selon Ad Diyar, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a qualifié ces positions européennes de « chantage politique », affirmant que « la défense d’Israël ne saurait être négociée en fonction des humeurs diplomatiques ». Il a aussi souligné que les opérations militaires à Gaza visent à « éradiquer les infrastructures terroristes », sans pour autant présenter de feuille de route post-conflit.
Les États-Unis entre soutien inconditionnel et tensions internes
Al Sharq (22 mai 2025) rapporte que l’administration Trump maintient son soutien militaire à Israël mais qu’un malaise croissant se manifeste dans les rangs démocrates. Plusieurs élus progressistes appellent à une révision de la coopération sécuritaire. La porte-parole du Département d’État a rappelé que « les violations des droits humains doivent être documentées et traitées, y compris lorsqu’elles concernent des pays alliés ».
Al Bina’ ajoute que le président américain Trump aurait, selon des sources diplomatiques arabes, exprimé sa frustration lors d’une réunion à huis clos avec des conseillers proches de Netanyahu. Washington redoute que l’image des États-Unis dans le monde arabe soit durablement affectée par son alignement stratégique sur Israël, à un moment où plusieurs pays arabes redéfinissent leurs priorités diplomatiques.
Escalade entre Washington et Téhéran : la dissuasion nucléaire au cœur du jeu
Le bras de fer entre les États-Unis et l’Iran s’intensifie à la veille de la reprise des négociations nucléaires à Rome, prévues le 23 mai. Al Akhbar (22 mai 2025) cite des sources iraniennes affirmant que « Téhéran ne renoncera à aucun niveau de son programme d’enrichissement tant que les sanctions unilatérales américaines ne seront pas levées ». La déclaration d’Abbas Araghchi, chef négociateur iranien, évoque un retour au « droit inaliénable du peuple iranien à l’énergie nucléaire pacifique ».
Ad Diyar publie un rapport relayé par CNN sur la préparation par Israël d’éventuelles frappes préventives contre les installations nucléaires iraniennes, qualifiées de « mesure de dernier recours » si un accord défavorable était signé. Cette fuite est interprétée comme une tentative de dissuasion psychologique, voire comme un outil de pression dans les négociations. Al Bina’ suggère que Washington laisse circuler ces menaces de manière calculée, pour contraindre l’Iran à modérer ses exigences.
La Syrie entre transition politique et repositionnement diplomatique
Contrairement aux affirmations antérieures, Al Sharq, Al Bina’ et Al Akhbar (22 mai 2025) confirment que Bachar al-Assad n’est plus au pouvoir. Il a été renversé à la suite d’une série d’accords tripartites entre Washington, Riyad et Moscou, conduisant à la formation d’un Conseil présidentiel transitoire dirigé par Ahmed al-Sharaa. Cette nouvelle structure, qui bénéficie d’un soutien partiel des Nations Unies, doit organiser des élections constitutionnelles d’ici la fin de l’année.
Al Bina’ rapporte que cette transition a été saluée par plusieurs pays arabes, notamment l’Égypte et les Émirats arabes unis, comme une « opportunité de réintégration de la Syrie dans le système régional ». Un sommet se tiendra à Amman en juin pour discuter de la réouverture progressive des frontières commerciales avec la Syrie et de la levée conditionnelle des sanctions.
Al Akhbar indique que des discussions ont lieu à Genève sur une éventuelle présence syrienne dans les projets de reconstruction à Gaza, coordonnés par l’Arabie Saoudite. Damas espère jouer un rôle logistique via Lattaquié, ce qui en ferait un acteur indirect de la normalisation post-guerre.
Équilibres en mutation dans le Golfe et au Yémen
La presse évoque également une montée en intensité de la posture des Houthis au Yémen. Al Bina’ et Al Akhbar citent Mehdi al-Mashat, président du Conseil politique suprême à Sanaa, qui affirme que « toute attaque contre Gaza est une attaque contre la dignité arabe, et appelle à une coordination militaire contre l’ennemi israélien ». Cette déclaration vise à fédérer les mouvements de résistance dans une rhétorique d’unité régionale.
Al Sharq note que ces prises de position compliquent les discussions entre Riyad et Sanaa sur un cessez-le-feu permanent. L’Arabie Saoudite continue de chercher un accord sécuritaire encadré par l’ONU, mais les tensions accrues autour de Gaza rendent tout compromis plus difficile.
Économie : Défis budgétaires, alternatives au FMI et recomposition industrielle
L’économie libanaise, fragilisée par des années de crise structurelle, de dévaluation monétaire et d’isolement financier, reste au cœur des préoccupations de la presse nationale du 22 mai 2025. À l’agenda figurent les débats autour d’un budget sans réformes profondes, les propositions alternatives à l’accord avec le FMI, ainsi que la mutation lente mais réelle du tissu industriel local, notamment dans les secteurs de la transformation agroalimentaire et de l’énergie. Les articles mettent aussi en évidence les fractures entre les approches technocratiques et souverainistes dans la gestion de la sortie de crise.
Un budget contesté : fiscalité symbolique, absence de vision
Al Akhbar (22 mai 2025) analyse en profondeur le projet de budget 2025, actuellement en discussion au Parlement. L’article critique une « construction comptable sans cap économique », centrée sur des hausses d’impôts indirects, notamment la TVA, les droits de douane sur les produits de luxe et les taxes sur les carburants. Le journal cite un expert de la Cour des comptes selon lequel ce budget « reconduit les logiques d’austérité sans affronter les racines structurelles du déficit public », notamment la dette de la Caisse nationale de la sécurité sociale, les pertes de la Banque du Liban, ou encore les subventions résiduelles à l’EDL (Électricité du Liban).
Ad Diyar (22 mai 2025) va dans le même sens, relevant que le budget prévoit une augmentation de recettes de 4 000 milliards de livres libanaises sans stratégie de croissance. Le journal observe que la part allouée à l’investissement public reste inférieure à 3 % du total des dépenses, un niveau historiquement bas. Le ministre des Finances y est cité affirmant que « les marges de manœuvre sont étroites dans un contexte de blocage des aides internationales ».
Nida’ Al Watan (22 mai 2025) met l’accent sur les réactions politiques : plusieurs députés, issus du bloc dit « souverainiste », ont dénoncé l’absence de réforme du secteur public, qualifié de « gouffre budgétaire improductif ». Le député Elias Hankache déclare que « ce budget maintient une administration pléthorique sans revaloriser les services essentiels », en citant notamment la santé publique, dont la part budgétaire reste inférieure à celle des pensions militaires.
Alternatives au FMI : scénarios souverainistes ou populistes ?
Dans ce climat de stagnation, Al Sharq (22 mai 2025) publie une tribune de l’économiste Nabil Moussallem, qui propose une feuille de route hors-FMI. Le texte prône l’émission d’obligations domestiques en monnaie locale, la recapitalisation de la Banque centrale via une taxe exceptionnelle sur les profits bancaires de la période 1997-2019, et l’introduction d’un impôt foncier progressif. Moussallem affirme que « le FMI impose une politique de sacrifice social inacceptable », appelant à un « redéploiement productif de l’économie nationale basé sur la demande intérieure ».
Al Bina’ reprend également cette ligne en relayant les propos de figures politiques proches du bloc de la Résistance. Le député Hassan Fadlallah déclare que « les négociations avec le FMI sont dictées par des impératifs géopolitiques » et que « l’économie libanaise peut se redresser en s’adossant à des partenaires alternatifs, notamment l’Iran, la Chine et la Russie ».
Cependant, Nahar (22 mai 2025) exprime des doutes sur ces pistes. Le quotidien libéral souligne qu’aucun des pays cités comme alternative ne propose de plan structuré d’aide financière sans conditions. L’article cite un diplomate occidental affirmant que « la Chine finance des infrastructures, pas des déficits courants », et qu’il est illusoire d’attendre un appui budgétaire massif hors cadre institutionnel.
Une industrie résiliente : l’exemple de l’agroalimentaire et de l’énergie
Face à la paralysie budgétaire et aux débats macroéconomiques, Al Akhbar met en avant les mutations observées dans le secteur industriel. L’article s’intéresse aux usines de transformation agroalimentaire de la plaine de la Bekaa, qui exportent vers la Jordanie, la Syrie et l’Irak. Le journal cite l’exemple d’une coopérative de Zahlé qui a triplé sa production de jus de grenade et de concentré de tomates, en s’appuyant sur un modèle d’intégration locale avec les agriculteurs. Le président de la coopérative affirme que « la baisse de la livre a rendu nos produits plus compétitifs malgré l’inflation des coûts d’intrants ».
Al Sharq évoque une dynamique similaire dans le domaine des panneaux solaires produits à Ghazieh. Une entreprise locale a commencé à assembler des modules photovoltaïques à partir de composants turcs, vendus aux municipalités et aux ONG internationales. L’initiative, bien que limitée, montre une capacité d’innovation dans un contexte de coupures prolongées d’électricité. Le responsable de la production affirme que « les commandes augmentent à chaque crise, car les collectivités locales cherchent à sécuriser leur approvisionnement énergétique ».
Ad Diyar souligne que ces poches de croissance demeurent marginales face à l’effondrement général de l’industrie lourde et des exportations textiles. Le journal note que la part de l’industrie dans le PIB reste inférieure à 10 %, contre 20 % avant 2011.
Le secteur bancaire en transition sous surveillance
Al Bina’ analyse les dernières recommandations de la Banque du Liban concernant le plafonnement des retraits en dollars et la régulation des virements à l’étranger. Le gouverneur intérimaire a annoncé une « politique prudente de réintégration monétaire », sans que les déposants ne puissent pour autant accéder librement à leurs fonds. Cette situation, qualifiée de « gel monétaire sélectif », entretient une profonde défiance. Le journal cite un rapport de la Banque mondiale évoquant une « perte irréversible de confiance » dans le secteur bancaire libanais.
Nida’ Al Watan publie les résultats financiers de trois banques de taille moyenne ayant réduit leurs actifs en dollars de plus de 60 % depuis 2019. L’objectif affiché est de rétablir une forme de solvabilité par une restructuration interne. Le journal critique toutefois l’absence de législation formelle sur la hiérarchisation des pertes, ce qui perpétue l’opacité sur les responsabilités entre actionnaires, créanciers et déposants.
Al Akhbar propose un éclairage sur les négociations en cours au Parlement sur la loi dite de « répartition équitable des pertes ». Le texte, contesté, prévoit une ponction sur les dépôts supérieurs à 500 000 dollars, tout en exonérant de fait les anciens gestionnaires publics et les propriétaires d’institutions bancaires. Le journal cite un député affirmant que « cette loi ne répare pas l’injustice, elle l’officialise ».
Investissements étrangers : lente reprise et prudence extrême
Ad Diyar (22 mai 2025) rapporte que la Chambre de commerce franco-libanaise a organisé un forum sur les opportunités d’investissement dans les énergies renouvelables. Trois entreprises françaises se sont montrées intéressées par des partenariats dans la production de biogaz à partir de déchets ménagers à Tripoli et Saïda. Toutefois, aucune décision ferme n’a été annoncée, les investisseurs citant des « incertitudes juridiques persistantes ».
Al Bina’ indique que les flux d’investissements étrangers directs (IDE) sont restés inférieurs à 300 millions de dollars en 2024, un chiffre historiquement bas. Les rares fonds entrant sont liés à des projets humanitaires ou à des financements conditionnés par des agences de développement comme la KfW allemande ou l’AFD française.
Justice : Enquêtes de corruption, relance des juridictions suspendues et bras de fer autour de l’indépendance judiciaire
La presse libanaise du 22 mai 2025 met en lumière plusieurs évolutions dans le secteur judiciaire, dominées par la relance de dossiers de corruption, des annonces sur le rétablissement de tribunaux suspendus, et une polarisation politique persistante sur la question de l’indépendance de la magistrature. Ces développements reflètent à la fois une tentative des institutions de restaurer une forme d’autorité juridique et les limites de cette ambition dans un contexte de crise systémique.
Réactivation de la Cour de Rumié : mesure technique ou enjeu politique ?
Al Sharq (22 mai 2025) annonce la décision du ministère de la Justice de réactiver temporairement la Cour pénale de Rumié, paralysée depuis des mois pour raisons logistiques. Cette réouverture s’accompagne d’un déploiement de juges détachés et d’un renforcement sécuritaire, notamment pour gérer les dossiers de détention provisoire prolongée. La ministre déléguée à la Justice affirme que cette mesure vise à « désengorger les prisons et accélérer le traitement des affaires urgentes », dans un contexte où plus de 65 % des détenus n’ont pas encore été jugés.
Al Akhbar apporte des précisions sur cette décision, qualifiée d’« initiative transitoire à portée limitée », faute de moyens structurels durables. Le journal souligne que les magistrats mobilisés ont été contraints de doubler leur charge horaire, et que les audiences se déroulent dans des conditions matérielles précaires. Des avocats dénoncent l’absence de greffiers et le non-respect des délais légaux, réduisant l’effet réel de cette réouverture.
Nahar publie un éditorial critique, soulignant que la Cour de Rumié est instrumentalisée pour afficher une volonté politique de réformer sans toucher aux vrais leviers. Selon le texte, la majorité des dossiers jugés relèvent de délits mineurs tandis que les affaires sensibles, liées à la corruption ou aux crimes financiers, restent figées.
Affaires de corruption : le silence judiciaire autour des personnalités politiques
Plusieurs journaux notent l’inertie persistante dans les affaires de corruption impliquant des figures politiques de premier plan. Ad Diyar (22 mai 2025) souligne que le dossier de l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, n’a pas connu d’évolution notable depuis janvier. Le parquet financier, saisi de multiples plaintes, affirme attendre une « consolidation des pièces à conviction », une formule qui masque, selon le journal, des blocages politiques et une pression exercée sur les magistrats en charge.
Al Akhbar rapporte une audition confidentielle menée dans le cadre de l’enquête sur les contrats de l’électricité entre 2009 et 2017. Plusieurs anciens ministres, dont César Abi Khalil et Gebran Bassil, ont été interrogés sur les dépassements budgétaires liés aux centrales flottantes. Le journal cite un juge sous anonymat évoquant des « injonctions politiques multiples pour suspendre les procédures ».
Nida’ Al Watan affirme que la lutte contre la corruption est devenue « un exercice rhétorique vidé de substance », dénonçant l’inefficacité du Haut Conseil pour la lutte contre la corruption, créé en 2022. Le journal critique l’absence de publications officielles sur les audits en cours, et note que les rapports d’ONG internationales, tels que Transparency International, continuent de placer le Liban parmi les pays à plus haut risque de corruption institutionnelle.
Détention préventive et inégalités judiciaires
L’un des points récurrents dans la presse du jour concerne la question de la détention préventive prolongée. Al Akhbarcite le cas d’un détenu à la prison de Zahle, incarcéré depuis plus de cinq ans sans procès pour une affaire de vol qualifié. L’article compare cette situation à celle d’autres détenus pour des affaires de grande envergure financière, libérés sous caution ou bénéficiant de non-lieux rapides. Ce traitement différencié est dénoncé par plusieurs ONG, dont Legal Agenda, qui réclament une réforme urgente du Code de procédure pénale.
Al Sharq note que les juges d’instruction sont submergés, certains devant gérer jusqu’à 400 dossiers en parallèle, rendant impossible toute instruction rigoureuse. Le Conseil supérieur de la magistrature, contacté par le journal, confirme que 28 postes de juges restent vacants en raison de blocages au sein du Conseil des ministres pour les nominations.
Ad Diyar publie un témoignage d’un magistrat affirmant que « l’inégalité devant la justice est devenue la règle ». L’article note aussi que la surpopulation carcérale atteint des niveaux critiques, notamment à Roumieh, où les cellules conçues pour six personnes en accueillent parfois jusqu’à quinze.
Le débat sur l’indépendance de la magistrature
Al Bina’ (22 mai 2025) consacre un long article à la réforme en discussion au Parlement sur le statut de la magistrature. Le projet de loi prévoit une refonte du Conseil supérieur de la magistrature pour le rendre indépendant du pouvoir exécutif, mais suscite des oppositions farouches. Le ministre de la Justice par intérim, Nadim Majdalani, affirme que le texte « garantit une autonomie fonctionnelle sans rompre le lien institutionnel avec l’exécutif ». En revanche, plusieurs ONG et syndicats de magistrats y voient un « écran de fumée pour maintenir le contrôle politique sur les nominations et promotions ».
Al Akhbar rapporte que la magistrate Ghada Aoun a critiqué publiquement cette réforme lors d’un colloque à l’Université Saint-Joseph, la qualifiant de « retour en arrière sous couvert de modernisation ». Elle déplore que les magistrats indépendants soient marginalisés ou soumis à des pressions informelles les poussant à la démission ou à l’auto-censure.
Nahar propose une mise en perspective comparative avec la Tunisie et l’Irak, où des réformes similaires ont été adoptées sous l’égide de missions onusiennes. Le journal conclut que sans appui extérieur, le Liban ne parviendra pas à garantir l’indépendance effective de ses juges.
Lente reprise des ventes judiciaires et tensions foncières
Ad Diyar et Nida’ Al Watan publient des encadrés juridiques sur la reprise des ventes publiques de biens saisis dans des dossiers de faillite commerciale. Plusieurs procédures avaient été gelées depuis 2020 en raison de la crise économique. Les ventes redémarrent dans un climat de méfiance, notamment à Beyrouth et Saïda, où des tensions ont éclaté lors de l’expulsion de familles de biens saisis.
Al Bina’ met en lumière les conflits fonciers dans la Békaa, où les litiges liés à l’héritage et aux faux titres fonciers bloquent la régularisation de centaines de parcelles. La justice foncière, déjà en sous-effectif, fait face à une recrudescence des plaintes, souvent instrumentalisées à des fins politiques ou confessionnelles.
Al Sharq note enfin que plusieurs notaires ont alerté sur les dysfonctionnements du registre foncier numérique, mis en place en 2023 mais sujet à des interruptions fréquentes, ce qui retarde les procédures de transfert de propriété.
Société : Précarité croissante, effondrement des services publics et réaffirmation de l’action communautaire
La presse libanaise du 22 mai 2025 révèle une société sous pression, confrontée à l’aggravation des conditions de vie, à l’effondrement des services publics essentiels et à la perte de confiance dans l’État. Face à cette réalité, des formes de solidarité communautaire émergent, portées par des initiatives locales, syndicales et religieuses. Le panorama social dépeint par les journaux du jour est celui d’un pays fragmenté, mais où certaines structures sociales tentent de préserver un minimum de cohésion.
Détresse des services de santé : hôpitaux publics au bord de la fermeture
Selon Nida’ Al Watan (22 mai 2025), plusieurs hôpitaux publics, notamment ceux de Tripoli, Baalbek et Saïda, sont menacés de fermeture en raison de la pénurie de médicaments, du non-paiement des salaires du personnel soignant et du départ massif des médecins. Le journal rapporte que dans certains établissements, les soins aux patients chroniques ont été suspendus et que les urgences fonctionnent en mode restreint. Le directeur de l’hôpital gouvernemental de Tripoli indique que « nous travaillons avec des stocks de médicaments qui expirent dans trois semaines, sans réponse du ministère ».
Al Sharq publie un reportage dans l’hôpital de Baalbek, où le service de maternité fonctionne avec une seule sage-femme pour trois salles. Le personnel médical y dénonce l’abandon des autorités et la préférence accordée aux cliniques privées, inaccessibles pour la majorité de la population. Le quotidien souligne aussi que les subventions sur les médicaments essentiels sont partiellement levées, augmentant de 70 % le coût des traitements pour les pathologies chroniques.
Al Akhbar met en cause le gouvernement dans l’échec du redéploiement de la carte de santé numérique, censée rationaliser les dépenses et permettre une meilleure traçabilité. L’article affirme que le système d’identification numérique reste bloqué au ministère de la Santé, en raison de soupçons de favoritisme dans l’attribution du marché à une société de données privée.
Éducation publique en crise : abandon scolaire et migration académique
Ad Diyar (22 mai 2025) dresse un constat alarmant de la situation éducative : de nombreuses écoles publiques ont dû réduire leurs heures de cours faute d’enseignants, de matériel pédagogique ou d’électricité. Le syndicat des enseignants du secondaire affirme que 40 % du personnel qualifié a quitté le secteur public depuis 2021, et que les recrutements sont gelés faute de budget. Le journal rapporte que certaines écoles rurales ne fonctionnent que trois jours par semaine.
Al Bina’ aborde le phénomène de migration académique. De plus en plus d’étudiants quittent le Liban vers la Turquie, la Jordanie et Chypre, y compris pour des cursus de premier cycle. Le doyen d’une faculté privée à Beyrouth confie que « nos effectifs ont baissé de moitié en deux ans », tandis que les frais de scolarité en dollars deviennent inabordables pour les familles de la classe moyenne. Le journal note aussi une chute de 60 % des inscriptions dans les branches scientifiques, reflet de la désaffection pour les études longues dans un marché du travail sinistré.
Nahar évoque l’incapacité du ministère de l’Éducation à assurer la maintenance numérique des plateformes d’enseignement à distance, pourtant mises en place durant la pandémie. L’article rapporte que des enseignants sont contraints d’utiliser leurs téléphones personnels pour maintenir un minimum de continuité pédagogique, sans compensation.
Pauvreté énergétique et précarité alimentaire
La dimension énergétique de la crise sociale est mise en évidence par Al Akhbar, qui décrit le quotidien de plusieurs familles de la banlieue sud de Beyrouth vivant sans électricité publique depuis plus de 18 heures par jour. Le journal s’intéresse aux abonnements aux générateurs privés, qui absorbent jusqu’à 40 % du revenu mensuel des ménages. Une mère de famille de Hay el-Sellom déclare : « On doit choisir entre allumer le frigo ou acheter du lait pour les enfants. »
Al Bina’ aborde la précarité alimentaire dans les camps palestiniens et les quartiers informels de Saïda et Tripoli. Le Programme alimentaire mondial a réduit ses allocations en raison d’une baisse des financements internationaux, laissant plus de 60 000 personnes sans aide directe. Des ONG locales comme Beit el-Baraka et FoodBlessed rapportent une explosion de la demande, notamment chez les personnes âgées isolées.
Nida’ Al Watan mentionne la recrudescence des petits boulots informels et de l’économie de survie, notamment dans la collecte de plastique, la vente à la sauvette ou la mendicité organisée. Le journal souligne que cette précarisation s’accompagne d’un retour en force des réseaux clientélistes, notamment confessionnels, dans l’accès aux aides alimentaires et aux bons de carburant.
Violence domestique et délitement du tissu familial
Al Sharq (22 mai 2025) rapporte une hausse significative des plaintes pour violences domestiques. Les services de l’ONG Kafa enregistrent une augmentation de 30 % des appels à leur ligne d’urgence en avril 2025. Le profil des victimes s’élargit aux jeunes mariées, souvent sans autonomie financière, mais aussi aux femmes âgées vivant dans des foyers multigénérationnels. Le journal cite le cas d’une femme de 70 ans victime de maltraitance de la part de son fils toxicomane.
Al Akhbar souligne que les centres d’hébergement pour femmes victimes de violence fonctionnent avec des financements en baisse. Le centre d’accueil de Bourj Hammoud a été contraint de refuser l’admission de six femmes faute de lits disponibles. Le journal note que malgré l’existence d’une loi contre les violences domestiques, l’intervention judiciaire reste lente et inefficace, surtout en dehors de Beyrouth.
Ad Diyar fait le lien entre le délitement du tissu familial et la montée des troubles psychiques : dépression, angoisse, automutilation chez les adolescents. Le journal cite un psychologue de l’Université Libanaise affirmant que « la crise du sens et l’impuissance transmise dans les familles alimentent une détresse générationnelle sans précédent ».
Résilience locale : réseaux communautaires et nouvelles formes de solidarité
Face à cette situation, plusieurs journaux relatent l’émergence d’initiatives locales. Al Bina’ consacre un article aux « cuisines solidaires » mises en place dans la région de Tyr, où des volontaires préparent chaque jour plus de 500 repas distribués gratuitement. Le responsable d’un centre communautaire affirme que « ce que l’État ne garantit plus, ce sont les gens entre eux qui l’organisent ».
Nida’ Al Watan évoque des formes de réorganisation communautaire dans les quartiers chrétiens de Zahlé et de Batroun, où les paroisses ont établi des cellules d’aide psychosociale. Des réseaux de femmes coordonnent les dons de vêtements et la distribution de médicaments rares. Le curé d’une paroisse déclare : « La solidarité remplace l’administration absente, mais elle ne peut tout porter à long terme. »
Al Akhbar s’intéresse à la mobilisation de la diaspora. Des groupes de Libanais à Montréal et Berlin collectent des fonds via des plateformes comme GoFundMe et les transfèrent à des comités locaux identifiés comme fiables. Le journal souligne que ces transferts sont souvent plus efficaces que les aides officielles, car ils échappent aux circuits bureaucratiques corrompus.