mardi, mai 20, 2025

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Tourisme de retour, mais pour combien de temps ? Une lecture en incertitude

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Le retour des touristes arabes au Liban au printemps 2025 est présenté par les autorités comme un signe tangible de normalisation. Des avions en provenance du Golfe atterrissent à Beyrouth, les hôtels enregistrent leurs premières hausses de réservations, et les professionnels du secteur redoublent de communications. Pourtant, au-delà de l’effervescence initiale, la dynamique reste fragile. La reprise s’annonce lente, segmentée et suspendue à une série de conditions économiques, politiques et sécuritaires.

Des signaux de reprise modeste

Début mai, plusieurs vols émiratis ont atterri à Beyrouth dans un contexte de forte visibilité médiatique. Le gouvernement met en avant cet événement comme un point de bascule symbolique. Des membres du cabinet assistent à l’accueil des passagers à l’aéroport. Des promotions sont lancées par les hôteliers, des campagnes numériques ciblent les touristes du Golfe, en particulier les familles saoudiennes, koweïtiennes et qataries.

Les premières données sectorielles font état d’une augmentation de 22 % des réservations hôtelières par rapport à avril. Les zones les plus prisées sont la capitale, les montagnes du Kesrouan et la côte sud. Le taux d’occupation reste cependant en dessous des niveaux d’avant-crise.

Les compagnies de location de voitures, les agences de voyages et les cafés de Gemmayzé et Mar Mikhael relancent leurs services avec prudence. Certains restaurants n’ont pas encore rouvert leurs cuisines, faute de personnel ou d’approvisionnement.

Un contexte économique encore instable

La reprise du tourisme intervient alors que l’économie libanaise reste exposée à de fortes turbulences. La dépréciation de la livre libanaise se poursuit, bien que ralentie, et l’inflation maintient la pression sur les prix. Le coût des produits de première nécessité continue d’augmenter, ce qui affecte aussi les chaînes d’approvisionnement touristiques.

Les professionnels du secteur signalent des marges réduites. Les hôtels doivent faire face à des charges croissantes : carburant pour générateurs, frais de maintenance, salaires réévalués. L’augmentation du salaire minimum à 28 millions de livres libanaises accroît les coûts fixes.

Certains acteurs expriment leurs doutes quant à la pérennité de la reprise. Le marché intérieur reste très affaibli. Les clients libanais, qui constituaient une part importante de la consommation touristique interne, peinent à suivre. Les investissements étrangers, pourtant nécessaires à la modernisation des infrastructures, sont encore absents.

Une dépendance accrue aux clientèles du Golfe

La stratégie actuelle repose principalement sur le retour des touristes du Golfe. Ce choix s’explique par des raisons historiques, culturelles et économiques. Ces visiteurs dépensent plus que la moyenne, séjournent plus longtemps, et ciblent des établissements haut de gamme.

Mais cette dépendance pose question. Elle expose le secteur à des décisions politiques extérieures, comme cela fut le cas en 2017 ou 2021, lorsque plusieurs gouvernements arabes avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban. La diplomatie influence directement la santé du tourisme.

L’absence de diversification des clientèles laisse le pays vulnérable. Les flux européens, africains ou asiatiques restent marginaux. Les touristes locaux ou de la diaspora ne compensent pas en volume. Les politiques publiques n’ont pas, jusqu’ici, engagé de stratégie de long terme pour élargir la base touristique.

Infrastructures vieillissantes et offre inégale

La reprise du tourisme révèle aussi les limites structurelles du secteur. L’aéroport de Beyrouth fonctionne avec des équipements vétustes. Les routes vers les zones touristiques sont dégradées. L’approvisionnement en eau et en électricité reste aléatoire dans de nombreuses municipalités.

Les acteurs du secteur dénoncent une absence d’investissement public. Le plan de relance touristique annoncé à l’automne 2024 n’a pas été suivi d’effets. Les hôtels doivent assumer seuls les rénovations, souvent sans accès au crédit.

L’offre touristique est inégalement répartie. La concentration à Beyrouth et dans quelques zones du Mont-Liban exclut de vastes régions comme la Békaa, le Akkar ou le Liban-Sud. Les projets communautaires, les éco-lodges ou les circuits patrimoniaux manquent de soutien et de visibilité.

Une communication institutionnelle déconnectée

Le discours officiel mise sur un retour rapide à la normalité. Les ministres et les municipalités multiplient les communiqués. Le ton est à l’optimisme. Mais ce discours entre en contradiction avec la perception des professionnels.

Les syndicats du tourisme estiment que les attentes sont excessives. Les conditions de sécurité, la lenteur de la justice en matière commerciale, la corruption dans les administrations locales, sont autant d’obstacles à une reprise durable.

Les campagnes de communication se concentrent sur l’image, sans coordination stratégique. Aucun plan concerté n’a été présenté pour harmoniser l’offre, renforcer la formation, accompagner les professionnels ou numériser les procédures administratives.

Facteurs de risques multiples

L’horizon est incertain. Plusieurs facteurs pourraient interrompre la reprise. Les tensions au Sud-Liban, où des frappes israéliennes ont visé des cibles présumées du Hamas, ravivent les craintes de guerre. Une dégradation sécuritaire ferait fuir les touristes du Golfe et annulerait les vols.

La fragilité de l’infrastructure bancaire complique les transactions internationales. Les visiteurs étrangers hésitent à utiliser leurs cartes. Les limitations sur les transferts d’argent restent en vigueur. Des cas de litiges commerciaux non résolus sont régulièrement rapportés.

L’instabilité politique interne et l’absence de cadre clair pour les investissements détournent les opérateurs étrangers. Les tentatives de partenariat entre agences locales et groupes touristiques régionaux n’ont pas encore abouti.

Perspectives et conditions de durabilité

Pour que la reprise touristique devienne structurelle, plusieurs conditions doivent être réunies. La première est sécuritaire. La stabilité du Sud-Liban, la réduction des incidents internes, la garantie d’un environnement civil non militarisé sont indispensables.

La seconde est économique. Les réformes bancaires, la stabilisation monétaire, l’accès au crédit et la baisse des coûts logistiques sont essentiels. Les marges du secteur doivent pouvoir se reconstituer.

La troisième est institutionnelle. Le ministère du Tourisme doit présenter une feuille de route nationale, associant les régions, les municipalités et les professionnels. Cette feuille de route doit être financée, suivie, évaluée.

Enfin, la diversification est cruciale. Il faut cibler de nouveaux marchés, renforcer l’image du Liban comme destination culturelle, gastronomique, naturelle. Les opérateurs attendent un soutien à la formation, à la promotion internationale, à l’innovation touristique.

Une reprise fragile mais essentielle

Malgré toutes ses limites, la reprise du tourisme en 2025 est vitale pour l’économie libanaise. Elle génère des devises, soutient l’emploi informel, réactive des circuits commerciaux, renforce le moral collectif. Elle symbolise une capacité de résilience.

Mais elle ne peut, à elle seule, stabiliser l’économie. Elle doit s’inscrire dans un projet plus large de redressement. Sans vision d’ensemble, la fenêtre ouverte au printemps pourrait se refermer brutalement à la moindre crise.

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Newsdesk Libnanews
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