La tournée du président américain Donald Trump au Moyen-Orient en mai 2025 a été marquée par une intensité diplomatique rare, un positionnement assumé sur les grands dossiers régionaux, et une volonté manifeste de repositionner les États-Unis comme acteur clé d’un nouvel équilibre stratégique. De Riyad à Doha, en passant par Abou Dhabi et le Koweït, Trump a multiplié les rencontres de haut niveau, mobilisé ses émissaires les plus actifs, et clarifié une ligne politique mêlant continuité et rupture.
Un objectif géopolitique : restaurer l’influence américaine
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a relancé les dynamiques interventionnistes des États-Unis dans la région. Cette tournée a mis en évidence la volonté présidentielle de réaffirmer l’alliance américaine avec les monarchies du Golfe. L’Arabie saoudite, premier partenaire stratégique, a accueilli Trump avec un protocole d’État impressionnant, révélant l’importance de cette visite pour Riyad. Les discussions ont porté sur la coopération militaire, la sécurité énergétique, et la stabilité régionale face à l’Iran.
Trump a articulé sa vision autour d’un principe directeur : faire du Golfe une plateforme d’influence stabilisatrice contre les foyers de crise, notamment en Irak, en Syrie et au Liban. Cette stratégie passe par le renforcement du pilier saoudien et par l’élargissement du partenariat avec les Émirats arabes unis, à travers des investissements conjoints dans la reconstruction de zones post-conflit et la sécurisation des corridors énergétiques.
Une posture pragmatique sur la Palestine et Gaza
Alors que les tensions entre Israël et Gaza restaient vives, Trump a adopté une approche inédite, en autorisant des négociations directes entre ses émissaires et des responsables du Hamas. Ce changement de paradigme traduit une volonté de désescalade par des mécanismes bilatéraux discrets, éloignés des circuits diplomatiques traditionnels.
Le président a ainsi mandaté son conseiller spécial, Steve Witkoff, pour entamer un dialogue centré sur un cessez-le-feu durable et la libération d’otages, notamment américains. Ce processus, toujours en cours, semble avoir été accueilli avec prudence par Israël, mais il pourrait ouvrir la voie à une dynamique diplomatique nouvelle, où Washington jouerait un rôle plus actif dans la gestion du conflit israélo-palestinien.
L’axe Qatar-Koweït, relais logistique et politique
Le choix de visiter le Qatar et le Koweït n’est pas anodin. Trump y voit des plateformes diplomatiques souples et efficaces, capables de relayer les médiations américaines. À Doha, les discussions ont porté sur la coopération sécuritaire et les flux de renseignements concernant les groupes islamistes armés. À Koweït, les échanges ont renforcé le rôle de ce petit État comme facilitateur régional, notamment dans le dossier syrien et les relations avec l’Iran.
Trump a salué l’attitude des deux émirats, qui ont su maintenir des équilibres délicats entre les blocs antagonistes tout en soutenant les priorités américaines. Il s’agit pour Washington de valoriser ces alliés secondaires comme leviers d’influence indirecte, notamment dans les zones de tension périphériques.
Redéfinir l’ordre régional par les alliances
L’un des messages les plus clairs de cette tournée concerne la reconfiguration des alliances régionales. Trump entend dépasser l’ancien paradigme d’endiguement par la force pour promouvoir une « stabilisation par l’investissement ». Ce concept, au cœur de ses discours à Riyad et Abou Dhabi, repose sur la création de partenariats économiques durables avec les pays arabes riches en ressources, dans le but de renforcer leur résilience et d’éviter les effondrements institutionnels.
Ce projet implique aussi un repositionnement du rôle israélien. Trump mise sur une normalisation étendue entre Israël et plusieurs États arabes, en pariant sur l’attractivité technologique et sécuritaire de Tel Aviv. Toutefois, cette approche rencontre des résistances fortes, notamment de la part de la société civile dans plusieurs capitales arabes, encore marquées par la question palestinienne.
Une stratégie d’équilibriste face à l’Iran
Face à Téhéran, la position de Trump est celle d’un réalisme agressif. D’un côté, il autorise la reprise des négociations nucléaires à Oman, sous condition de plafonds clairs sur l’enrichissement d’uranium. De l’autre, il multiplie les signaux de fermeté à travers la présence militaire renforcée dans le détroit d’Ormuz et les garanties de sécurité données aux monarchies du Golfe.
Ce double langage est assumé comme une forme de dissuasion graduée : ouvrir la porte à un accord, tout en préservant les moyens de pression classiques. C’est aussi une manière de contenir les velléités régionales iraniennes, en Irak comme au Liban, sans s’engager dans un affrontement direct coûteux.
Réactions régionales contrastées
Les réactions à cette tournée sont diverses. En Arabie saoudite et aux Émirats, elle est perçue comme une confirmation d’une relation stratégique réaffirmée. Au Qatar et au Koweït, elle renforce le rôle de médiateurs. En Israël, elle suscite des attentes prudentes, notamment en raison de l’ouverture du dialogue avec le Hamas. Côté iranien, elle est dénoncée comme une tentative d’encerclement diplomatique.
Dans le monde arabe plus large, notamment en Jordanie, en Égypte et en Tunisie, cette tournée est suivie avec attention, comme un indicateur du retour américain dans les équilibres du Moyen-Orient. Pour certains analystes, Trump tente de bâtir un « nouvel ordre négocié » où la domination militaire cède le pas à la consolidation des partenaires régionaux par des accords économiques et politiques ciblés.
Un bilan encore en gestation
Il est encore trop tôt pour évaluer pleinement les effets de cette tournée. Si elle marque une rupture avec la passivité relative des dernières années, son impact dépendra de la concrétisation des projets annoncés : normalisation avec Israël, relance des négociations avec l’Iran, paix à Gaza, stabilité au Liban et en Syrie.
Ce que l’on peut retenir, c’est une volonté présidentielle de reprendre le contrôle narratif du Moyen-Orient, en pariant sur une diplomatie bilatérale active, une géoéconomie assumée, et une recomposition pragmatique des alliances. Reste à voir si cette stratégie tiendra face à la complexité des antagonismes régionaux.