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Edito: Les banques zombies, Peau de Chagrin et la signature fatale

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Dans La Peau de Chagrin de Balzac, le héros signe un pacte qui le condamne. Chaque désir exaucé réduit la peau magique, qui finira par le tuer. Le Liban, lui, a signé son propre pacte mortel avec ses banques. Chaque circulaire, chaque mesure temporaire pour éviter l’inévitable, réduit un peu plus l’espace vital du pays, le condamnant à une mort lente. Mais ici, la peau de chagrin n’appartient pas à un seul homme. C’est l’État tout entier qui se réduit, et l’État, c’est nous tous. Ce ne sont pas seulement ceux qui gouvernent. C’est chaque Libanais qui est entraîné dans cet effondrement.

Les banques, ce pacte fatal qui tue le pays

Depuis des décennies, l’État libanais a choisi la facilité. Plutôt que de réformer, il a emprunté auprès de ses banques, qui y ont vu une opportunité en or. Ces dernières ont massivement investi dans la dette publique, engrangeant des profits faramineux au passage. L’équilibre tenait, tant que l’argent circulait et que le système bancaire inspirait encore un semblant de confiance.

Puis la crise est arrivée. Et à ce moment-là, ceux qui avaient bénéficié du système – les actionnaires des banques, les politiciens corrompus – se sont dépêchés de mettre leur argent à l’abri, laissant le reste de la population avec des comptes bloqués et des pertes gigantesques. Aujourd’hui, les banques ne sont plus que des carcasses vides. Elles ne prêtent plus, ne financent plus l’économie, ne jouent plus aucun rôle productif. Elles ne survivent que grâce à des artifices, signant encore et encore de nouvelles circulaires qui les maintiennent en vie artificiellement, pendant que le pays meurt à petit feu.

Le combat contre Nawaf Salam : un sabotage organisé

Aujourd’hui, un branle-bas de combat a lieu au sein du secteur bancaire libanais. Ces institutions zombies se battent avec acharnement pour empêcher la formation du gouvernement de Nawaf Salam. Pourquoi ? Parce que celui-ci a un projet clair : restructurer le secteur bancaire de manière juste. Faire en sorte que les banques, qui ont profité de l’argent des déposants et de la dette publique, assument la majorité des pertes.

C’est la seule solution viable. C’est celle que réclame la communauté internationale. C’est celle que tout le monde sait nécessaire. Et pourtant, les banques et leurs alliés politiques feront tout pour l’empêcher.

En 2020, Hassan Diab avait tenté cette approche. Il avait échoué. Pourquoi ? Parce que les mêmes acteurs économiques et politiques avaient saboté ses efforts. Parce qu’ils avaient trop à perdre. Parce qu’ils savaient que si le plan de Diab passait, ils devraient rendre des comptes. Alors, ils ont tout fait pour l’étouffer.

Depuis, rien n’a changé. Cinq ans après le début de la crise, l’aide internationale est toujours bloquée. Parce que la communauté internationale ne veut pas envoyer d’argent dans un système où les banques et l’élite continuent de s’enrichir aux dépens du peuple. Et tant que cette restructuration bancaire ne sera pas menée, l’aide restera inaccessible.

Le piège Mikati : le statu quo pour les banques

Avec Najib Mikati, les banques avaient trouvé leur homme. Mikati fait partie du « parti des banques ». Il est lui-même actionnaire dans plusieurs d’entre elles. Jamais il n’aurait restructuré le secteur de manière juste. C’est pour cela que sous son gouvernement, rien n’a changé. Pas de réforme bancaire crédible, pas de justice pour les déposants, pas de redressement économique. Seulement des mesures cosmétiques pour prolonger l’agonie.

Et c’est pour cela que la communauté internationale a refusé d’envoyer de l’aide sous Mikati. Parce qu’elle sait que tant que ceux qui ont profité du système restent aux commandes, il n’y aura aucune réforme réelle.

Avec Nawaf Salam, la donne change. Lui n’est pas dans le jeu des banques. Il veut imposer la vérité : celles-ci doivent porter l’essentiel des pertes. Et c’est justement pour cela que les banques le combattent avec tant d’acharnement. Parce que si son projet passe, elles ne pourront plus fuir leurs responsabilités.

Le Liban au bord du gouffre : que reste-t-il de la Peau de Chagrin ?

Aujourd’hui, la peau de chagrin du Liban est réduite à presque rien. Chaque décision évitée, chaque réforme sabotée, chaque tentative de restructuration avortée a réduit l’espace vital du pays. Désormais, il ne reste plus grand-chose avant l’effondrement total.

Le Liban ne pourra pas éternellement survivre sans banques fonctionnelles. Il ne pourra pas financer son État, reconstruire ses infrastructures, relancer son économie si ces banques continuent de bloquer toute réforme. La peau de chagrin est sur le point de disparaître.

La question est simple : allons-nous signer le dernier acte de ce pacte mortel, ou allons-nous enfin briser le cycle ?


La Peau de Chagrin est un roman d’Honoré de Balzac publié en 1831. Il fait partie de La Comédie humaine et mélange réalisme et fantastique pour explorer les thèmes du désir, du destin et de la décadence.

L’histoire suit Raphaël de Valentin, un jeune homme ruiné qui, au bord du suicide, découvre dans une boutique d’antiquités une mystérieuse peau de chagrin (un cuir magique). Le marchand lui explique que cette peau exauce tous ses souhaits mais qu’en contrepartie, elle rétrécit à chaque vœu formulé, réduisant ainsi son espérance de vie.

Au début, Raphaël utilise la peau pour satisfaire ses désirs : richesse, succès, amour… mais il réalise vite que chaque vœu le rapproche de la mort. Pris au piège, il tente de ralentir l’inévitable en menant une vie ascétique, mais rien n’y fait. Plus il essaie de résister, plus la peau se réduit. Finalement, il succombe, consumé par ses propres désirs.

Signification symbolique :
Le roman est une allégorie du pouvoir et de l’avidité humaine. Il montre comment le désir incontrôlé, qu’il soit matériel ou sentimental, finit par consumer ceux qui ne savent pas s’arrêter. C’est aussi une critique de la société et de ses illusions : Raphaël croit maîtriser son destin, mais il est en réalité condamné dès qu’il accepte le pacte avec la peau.

Dans le contexte libanais, cette métaphore illustre comment l’État et les banques ont signé un pacte mortel avec la dette et les artifices financiers. Chaque mesure temporaire pour éviter l’effondrement réduit leurs marges de manœuvre, jusqu’à l’inévitable implosion.

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François El Bacha
François El Bachahttp://el-bacha.com
Expert économique, François el Bacha est l'un des membres fondateurs de Libnanews.com. Il a notamment travaillé pour des projets multiples, allant du secteur bancaire aux problèmes socio-économiques et plus spécifiquement en terme de diversité au sein des entreprises.

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